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Addictions : garantir la réussite de l’accompagnement

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Crédit photo Science Photo Library via AFP
Depuis 2016, la loi de modernisation du système de santé impose une mission de prévention aux centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa). Les frontières de cette mission avec la réduction des risques et son articulation avec le soin ne sont pourtant pas toujours claires ni partagées par les professionnels. Pour accompagner ceux-ci sur le terrain, la Fédération Addiction organise une formation les 3 et 4 avril prochains. Coordinatrice de programmes pour l’association Oppelia et intervenante auprès de travailleurs sociaux depuis quinze ans, Corinne Defrance co-animera ces journées. Au programme, apports théoriques et stratégies d’interventions pratiques.

Actualités sociales hebdomadaires - À quels enjeux professionnels la formation que vous allez coprésenter répond-elle ?

Corinne Defrance : Il s’agit de partager des ressources en matière de prévention avec les professionnels intervenants au sein de Csapa [centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie]. Après avoir été fondée sur des approches médicales et morales, cette formation est aujourd’hui abordée par le prisme de la réflexion comportementale. Les acteurs s’appuient davantage sur le vécu des personnes accompagnées, sur ce qu’elles sont capables de faire. Ils misent sur la compétence du public, renversant par là même leur posture. Si, auparavant, les solutions et les actions à mener étaient dictées au sein des centres de soins, l’approche participative est aujourd’hui privilégiée. L’atteinte des objectifs repose désormais sur le pouvoir d’agir pour faire face aux événements du quotidien et décider au regard de ce qui paraît bon pour soi. Pour ce faire, l’identification des problématiques rencontrées par les individus s’avère nécessaire. La prévention n’appartient plus seulement aux médecins et aux infirmiers mais à de nombreux acteurs, comme les travailleurs sociaux.

Comment la prévention intervient-elle dans la prise en charge des addictions ?

Son rôle ne revient pas à convaincre, à dissuader ou à faire peur. Il s’agit de pouvoir intervenir durant l’accompagnement en offrant une possibilité de diminution des conséquences de l’usage. Contrairement à ce que pensent de nombreux acteurs, la prévention se développe durant tout le parcours de soins, pas seulement en amont. Elle rejoint d’ailleurs la promotion de la santé car elle vise l’augmentation des capacités de changement des individus. Son inscription dans le temps via une méthodologie de projets matérialise son efficience. Un seul message ne pourra pas correspondre à tout le monde. La réussite passe donc par un diagnostic précis afin de connaître les besoins d’un public. Ce n’est qu’à partir de là qu’un plan d’actions peut être pensé. Sur cette question, le premier point de vigilance advient lorsque la demande émane d’institutions. Par exemple, si un centre d’hébergement d’urgence sollicite l’aide d’un Csapa pour ses usagers et que les intervenants s’attachent à la parole des professionnels de la structure sans recueillir celle des personnes à accompagner, l’état des lieux des besoins reste inadapté et, de fait, l’accompagnement aussi.

De quelle manière cette méthodo­logie de projets se construit-elle ?

Afin de ne pas fixer d’objectifs décalés, les travailleurs sociaux définissent les intentions et les attentes précises du public. S’agit-il de changer les comportements ? Les problèmes tiennent-ils à l’institution ou aux individus ? Ces vérifications garantissent la réussite des séances de suivi. En matière de contenu, ces dernières se fondent sur une expérience collective permettant au groupe d’usagers de réfléchir ensemble par le biais d’activités. Les analyses communes génèrent des réflexions individuelles. Lors de la formation, nous partageons avec les travailleurs sociaux des méthodes pour appréhender les ateliers. Parmi les outils proposés, la mise en place de jeux. Répartis en petits groupes, les usagers doivent imaginer leur départ pour une île déserte. La consigne est simple : déterminer ensemble les cinq objets à apporter indispensables pour le groupe et s’accorder sur l’ordre d’importance qu’auront ces accessoires pour survivre. Conflits, consensus, processus démocratique… Il est intéressant de voir à quel point les modalités de discussions diffèrent.

Quels résultats sont attendus de ce travail collectif ?

Les échanges permettent de faire ressortir la manière dont les personnes s’intègrent ou s’effacent. C’est ce sur quoi nous travaillerons ensuite. Le jeu constitue un excellent support car l’implication s’avère simple et son enjeu reste faible. Il permet pourtant aux publics de réfléchir sur leurs réactions en société, de comprendre les raisons pour lesquelles la discussion a pris une direction particulière et d’envisager des pistes qui auraient permis une issue différente. A posteriori, l’analyse offre une prise de hauteur. Elle fait par ailleurs ressortir d’autres situations de vie, dans lesquelles il a fallu prendre des décisions à plusieurs. Il s’agit donc d’observations situées à l’interface entre l’individuel et le collectif. Les séances suivantes ont pour objectif d’aller vers un accompagnement personnalisé. Complémentaires, les deux approches entendent mener vers des actions probantes.

Pour quelles raisons insistez-vous sur l’importance des phases de l’accompagnement ?

La réussite d’un projet ne tient pas à ses outils mais au respect de toutes les étapes qui le composent, c’est-à-dire du diagnostic à l’évaluation. La méthodologie de projets proposée dans la formation entend permettre aux professionnels, peu formés sur cette question, de prévoir des plans d’actions pour la structure dans laquelle ils travaillent. En effet, si la mission de prévention des Csapa est légalement obligatoire depuis 2016, aucun financement n’est prévu dans les dotations globales que perçoivent les services. Bien que la prévention soit déjà souvent mise en œuvre au sein des centres, elle reste peu valorisée. Il faut donc aller chercher un budget par le biais d’appels à projets. Résignés, les acteurs ne disposent pas toujours de clés pour trouver des moyens. Nous tâchons de leur en fournir.

Vous notez un manque de clarté entre prévention et réduction des risques pour les professionnels. Que faut-il éclaircir ?

J’essaie de montrer qu’il y a des avantages à décloisonner les particularités des différentes démarches de suivi des personnes. Que ce soit en termes de réduction des risques, de prévention ou de soins, chacun doit garder son champ d’expertise et reconnaître la complémentarité des approches. Et ce, avec l’unique objectif de voir les situations des personnes s’améliorer dans tous les champs de leur vie. Le travail sur les addictions n’est pas centré sur les consommations. Au gré des séances d’accompagnement, il est impératif d’aborder la question du lien, du plaisir d’agir, de la gestion des émotions ou de l’importance de prendre du temps dans des lieux qui le permettent pour réfléchir. Des interrogations tout aussi nécessaires pour les personnes accompagnées, et pour lesquelles nous partageons des idées d’ateliers qui servent de repères aux participants de la formation.

Comment les différentes approches s’harmonisent-elles dans le parcours d’une personne ?

Nous demandons aux personnes de venir à la formation avec un projet à développer dans l’établissement où ils interviennent. Après avoir rappelé les enjeux de la prévention, nous travaillons sur l’élaboration d’actions qui s’inscrivent dans ce plan pour leur centre de soins. Les travailleurs sociaux intervenant sur des problématiques diverses (consommation de crack, addictions aux écrans, aux jeux d’argent, à l’alcool…), partir de leur quotidien offre l’opportunité d’appréhender un accompagnement adapté de façon structurée et concrète. La pédagogie s’appuie sur leur expérience ou sur des études de cas. Nous abordons aussi beaucoup la question des compétences psychosociales pour aider le sujet à dire « oui » ou « non », en conscientisant sa réponse pour le mener vers la recherche de solutions sur mesure. La mission de prévention implique également de parler des dangers autant que des plaisirs de la consommation. Ces derniers sont trop souvent oubliés, alors qu’ils jouent un rôle dans l’addiction. Nous sensibilisons à l’importance de l’environnement favorable à la libération de la parole afin que les usagers se sentent en sécurité pour aborder leurs problèmes. Sans tous ces paramètres, l’aide ne se compose que de soins.

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