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TRIBUNE - Revaloriser nos métiers et le « goût des autres »

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François Roche

François Roche est président de l'association nationale d'entraide (Anef)

Crédit photo DR
En octobre dernier, l’Association nationale d’entraide (Anef) fêtait son 70e anniversaire et réunissait des acteurs du secteur autour de la question : « Quel travail social voulons-nous ? ». En réponse, l’association a tracé deux axes stratégiques pour l’avenir que nous présente son président François Roche.

« “Quel travail social voulons-nous ?” était le thème du colloque organisé par l’Anef Vallée-du-Rhône à Valence (Drôme) le 18 octobre dernier. La majorité des 240 participants en présentiel étaient des professionnels du travail social venus de onze départements dans lesquels une association membre de la fédération Anef est implantée. Ils ont fêté le 70e anniversaire de l’Anef, entendu des analyses et témoignages de leurs pairs, débattu avec les intervenants nationaux représentant le Haut Conseil du travail social, le Conseil économique, social et environnemental et la Fédération des acteurs de la solidarité(1).

En conclusion, la proposition construite à partir des travaux préparatoires au colloque et des orientations du conseil d’administration de l’Anef a parfaitement coïncidé avec les débats de la journée. Ainsi, la fédération a tracé deux axes stratégiques pour l’avenir du travail social, proposé deux postures professionnelles et offert un réseau pour les associations qui souhaitent poursuivre cette dynamique.

Prenant le contrepied du doute et du renoncement ambiants – le fameux “à quoi bon !” –, l’Anef affirme une position engagée. Elle confirme la pertinence des choix faits à sa fondation : partage de valeurs humanistes, professionnalisme des interventions, entraide entre acteurs. Son expérience multiforme de 70 ans et la reconnaissance d’utilité publique acquise il y a 54 ans sont des appuis solides pour un engagement réaliste. A la question “Quel travail social voulons-nous ?”, l’Anef répond par deux axes stratégiques : les métiers de l’action sociale doivent être revalorisés maintenant, et il faut les pratiquer avec l’ambition de faire progresser l’humanisme et la cohésion sociale.

Nous pouvons obtenir la revalorisation des métiers de l’action sociale. Parce que les métiers du socio-éducatif et du médico-social sont essentiels dans notre société face aux situations de vulnérabilité, de fragilité et de pauvreté. Parce que tous les métiers employés dans nos associations (travailleurs sociaux, mais aussi cadres ou techniciens des services support) sont nécessaires pour mettre en œuvre l’action sociale. Parce que nous ne renonçons pas à ce qui a été construit dans les dernières décennies pour la solidarité et que nous contribuerons à l’évolution des politiques sociales. C’est attendu depuis trente ans, annoncé depuis quinze(2). C’est accessible à court terme.

Faire progresser l’humanisme

Faire progresser l’humanisme et la cohésion sociale est une ambition immense… mais que nous pouvons porter à la manière d’une association – la nôtre – de taille modeste. L’humanisme, c’est l’universalisme et les droits de l’Homme vus et vécus d’abord comme ceux des femmes et des enfants les plus vulnérables. La cohésion sociale, c’est le goût des autres, le tact dans les relations interhumaines, la lutte contre les inégalités et pour la dignité. Notre manière est celle des initiateurs de la solidarité qui ont précédé les lois du marché et les normes administratives, de ceux qui sont attachés à la relation directe et à la créativité facilitées par la petite taille des structures. C’est une manière minoritaire dans notre société complexe et émiettée, mais qui dessine un avenir désirable et possible.

Pour l’avenir du travail social dans le monde que nous voulons, l’Anef propose aux professionnels de la solidarité d’adopter deux postures radicales : d’être les alliés des personnes accompagnées dans leurs parcours, et de se comporter en artisans inventifs et coopératifs.

Etre allié est un engagement aux côtés des personnes préalablement écoutées dans leur contexte, leur histoire et leurs choix. Se situer comme allié des personnes accompagnées dans leurs parcours, c’est valider les savoirs qu’elles tirent de l’expérience. S’appuyer sur les savoirs d’usage que les personnes accompagnées tirent de leur vécu est aussi important que de compter sur les savoir-faire professionnels et sur les connaissances théoriques. Les accompagner consiste donc à travailler avec elles, en fonction de leurs capacités et de leur consentement, à travers les divers dispositifs, ressources locales et techniques.

Se comporter en artisan inventant en équipe des modes d’action personnalisés, efficaces et durables, c’est une façon d’adapter ces modes d’action à la particularité de chaque situation. Etre artisan signifie utiliser ses compétences, son expertise comme un moyen d’interpréter ses missions (comme le font les musiciens). Cette manière d’agir qui se préoccupe de la finalité et des conséquences de chaque action se régule en équipe et renforce la qualité des interventions professionnelles. Elle n’est pas réservée au travail individuel dans la mesure où les artisans pratiquent l’entraide et la coopération dans les groupes. Et en plus, elle est sympa !

Soutien aux associations

Mais il ne faut pas rêver ! Nous vivons dans une société qui glisse de plus en plus vers le repli sur soi des individus et vers la marchandisation des échanges dominés par la consommation de masse. Il faut donc que les travailleurs sociaux soient soutenus par des organisations qui s’opposent à ces tendances et qui partagent les buts des professions sociales, les associations œuvrant dans l’action sociale. A ces associations à but non lucratif, l’Anef propose une position citoyenne de corps intermédiaire composé de membres actifs et fonctionnant en réseau.

Les associations sont des corps intermédiaires qui tissent le lien social dans la société. Celles qui mettent en œuvre l’action sociale aident spécifiquement les personnes les plus en difficulté tout en contribuant à l’intérêt général. Personnes morales, elles observent les besoins et s’impliquent dans la lutte contre les violences, la protection de l’enfance, la lutte contre la pauvreté. Elles partagent et portent des analyses et des propositions au plus haut niveau.

Pour qu’elles restent des associations de personnes et pas seulement des structures gestionnaires, les membres adhérents y tiennent des rôles actifs. Pas dans les interventions, qui sont confiées aux professionnels qualifiés, mais en suivant les activités et en développant la notoriété. Les adhérents (personnes accompagnées, salariés, bénévoles permanents ou mécènes de compétences, personnes morales partenaires) apportent leur point de vue propre dans les structures de participation, voire au conseil d’administration. Des fonds de dotation recueillent des fonds privés pour étoffer les missions principales par des actions et des moyens supplémentaires.

Développer des espaces communs

En réseau, les associations s’épaulent mutuellement et efficacement. Au sein de la fédération, par exemple, les associations membres se réunissent trois fois par an, organisent des formations et des colloques, assurent des actions en groupements de coopération, portent des communications publiques et soutiennent des initiatives de leurs membres. Localement, les associations utilisent des réseaux pour éviter l’isolement et les concurrences stériles. Il faut continuer à développer des espaces communs pour partager entre associations et soutenir le dynamisme de chacune.

Après avoir manifesté sa détermination, l’Anef invite à partager ses propositions. Parce qu’en 2022, il existe une véritable “cristallisation” des questions sociales et des demandes de revalorisation financière et symbolique. L’Etat ne voulant plus être “la” providence, nous avons l’obligation d’adapter le travail social à des politiques sociales d’activation et de responsabilisation des individus. Il nous revient donc de poursuivre la réflexion puis de passer à l’action et aux coopérations. Allons-y ! »

Notes

(1) Voir le « Livre vert du travail social » – HCTS (2022) ; « Les métiers de la cohésion sociale » – Cese (2022) ; « Paroles sans filtres » – Conseil national des personnes accueillies (2022).

(2) Le travail social aujourd’hui et demain – CSTS (Presses de l’EHESP, 2009) ; « Devenir travailleur social », DGCS (2009).

Pour aller plus loin : debat.ash@info6tm.com

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