Recevoir la newsletter

Carnet de liaison - « Bon à rien »

Article réservé aux abonnés

Carnet de liaison

Crédit photo Kristina - stock.adobe.com
Une nouvelle chronique dans les ASH ! Ceux qui nous prêtent leur plume sont travailleurs sociaux. Comme Flo avant eux, mais dans d’autres domaines, ils livrent des instants de leur quotidien. Merci à eux.

Monsieur Dubois est célibataire, la quarantaine. Après une séparation difficile et une démission parce qu’il voyait défiler les heures supplémentaires non payées, il a dû choisir entre se retrouver à la rue et revenir vivre chez sa mère, qui n’a pas ménagé sa peine dans sa distribution de psychotraumas.

M. Dubois se renferme dans sa chambre d’adolescent, dort la journée pour échapper aux humiliations de sa génitrice et s’enfonce dans les addictions multiples, dont celle aux jeux vidéo en réseau, la nuit, pour tromper l’ennui. Il ne se nourrit plus, ou très peu, a beaucoup maigri, a perdu du muscle, le moral aussi. Sa mère m’interpelle parce qu’elle en a « ras-le-bol » de le prendre en charge : « Faut venir le chercher ou je le mets dehors, ce bon à rien ! »

Je me présente, et M. Dubois est suffisamment poli et respectueux pour m’écouter. A travers les mots durs de sa mère, nous parvenons tout de même à convenir d’un prochain rendez-vous seul à seul. De déprime en désespérance, de découragement en lueur d’espoir, entretien après entretien, il accepte timidement un rendez-vous à la consultation de proximité en psychiatrie. Mais il est loin de tout et sans moyen de loco­motion. Je propose donc de venir le chercher et de l’y accompagner. Pas de bol, ce jour-là, il neige et je peine à dissimuler mon appréhension à l’idée de rouler sur la neige.

Et là, c’est magique ! M. Dubois prend les choses en main, me rassure, me conseille sur la conduite à adopter. Du coup, les langues se délient. Il me parle de ses parents, de son enfance aussi. Il adopte une autre posture parce que, moi-même, j’ai quitté la posture d’expert. Un peu comme les vases communicants, en montrant mes failles, je lui ai permis de montrer ses forces. C’est un moment fabuleux que nous avons partagé ensemble. Et M. Dubois m’a rappelé que notre expertise est de savoir ne pas la ramener à tout bout de champ, de laisser libre l’espace des possibles pour l’autre.

En creux, cette expérience me confirme que l’entretien informel, et dieu sait si les trajets en voiture sont riches en observations, forme une jolie manière d’entrer dans le monde de l’autre, dans un espace d’humanité. Et, accessoirement, je me dis qu’il faudrait peut-être que je prévoie un trajet en voiture à chaque fois qu’une relation d’aide s’enlise.

Pour information, M. Dubois s’est éloigné de ses addictions et occupe actuellement un poste dans un chantier d’insertion avec un appartement autonome. J’adore mon métier.

Carnet de liaison

Métiers et formations

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur