Autodétermination, sensibilisation accrue, ouverture sur l’extérieur… Le Québec est souvent cité en exemple lorsqu’il est question de repenser ses pratiques d’accompagnement. Pour s’inspirer de l’approche inclusive de nos voisins d’outre-Atlantique, le groupement de structures spécialisées Polycap(1) a organisé un séjour au Canada. En septembre dernier, 18 personnes ont participé à ce projet, dont 5 personnes porteuses de handicap moteur ou intellectuel, allant parfois jusqu’au polyhandicap, et 13 professionnels (infirmières, chefs de service, éducateurs spécialisés, accompagnants éducatifs et sociaux…). Des trinômes ont été formés, composés d’une personne accompagnée et de deux travailleurs sociaux chargés d’assurer les soins, l’interface de communication, la prise des repas et le « support émotionnel » durant le séjour.
Plusieurs visites ont eu lieu tout au long de la semaine : centres d’accueil de jour, ateliers socioprofessionnels, habitat inclusif, classe d’éducation aux adultes, structure de type établissement et service d’aide par le travail (Esat), la chaire « autodétermination et handicap » de l’Université du Québec… Autant d’occasions pour les professionnels de glaner des idées. « Dans un organisme, nous avons découvert des outils de communication assez simples à mettre en œuvre », illustre Anissa Morouche, chargée de mission chez Polycap. Les équipes ont également pu apprécier l’architecture et l’agencement des structures visitées, qui laissent la place à l’« éveil sensoriel » des usagers.
Mais avant tout, c’est la philosophie canadienne qui a marqué les esprits. « La différence la plus importante reste culturelle. Là-bas, le personnel prend le temps, respecte le rythme des personnes, remarque Stéphanie Jasienski, cheffe de service d’une maison d’accueil spécialisée de l’association Les Papillons blancs de Roubaix-Tourcoing. Il est important de contextualiser car nous n’avons ni les mêmes modes de financement, ni les mêmes contraintes. Certains éléments sont difficilement transposables en France. » La cheffe de service donne comme exemple la dimension olfactive utilisée dans certains centres. « Préparer les repas sur place et être en mesure de garder les odeurs pour travailler l’accompagnement du quotidien représente une approche très intéressante. Cela se faisait encore quand j’ai commencé ma carrière, mais aujourd’hui, avec les règles d’hygiène et de sécurité, ce n’est plus possible. »
Partager les découvertes
Ce projet a permis aux bénéficiaires de vivre l’expérience comme des vacances. « Avec en plus le côté découverte, qui passait par les visites de nouvelles structures et la rencontre de personnes vivant des situations similaires à la leur. Certains ont beaucoup échangé », rapporte Stéphanie Jasienski, aux côtés de Gabriel Quievre, usager, qui confirme ses dires, enthousiaste. Anissa Morouche complète : « Nous tenions à prouver qu’il était possible pour les personnes en situation de handicap, avec parfois des profils lourds, de voyager sur des long-courriers et de découvrir une nouvelle culture. » Désormais de retour, les professionnels entendent poursuivre la réflexion. « Le but est aussi de rendre ces découvertes accessibles à tous au sein des structures participantes, pour que cela ne retombe pas comme un soufflé », conclut Stéphanie Jasienski.
(1) Polycap regroupe La Sauvegarde du Nord, l’Anaji, le CCAS de la Ville de Roubaix, le Gapas, l’Afeji et Les Papillons blancs de Roubaix-Tourcoing.