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Comment repérer les compétences des personnes polyhandicapées

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Crédit photo Martin Bertrand / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
TRIBUNE - La communication non verbale prime majoritairement dans les échanges avec les personnes polyhandicapées, ce qui rend les accompagnements complexes. Doit-on en rester à ce constat ? Non, répondent les auteures, qui invitent à changer les pratiques pour faciliter les interactions avec ce public et lui donner sa place de sujet.

« Actuellement plus de 95 000 adultes sont accueillis dans des établissements médico-sociaux pour adultes handicapés (Source : Charte nationale handicap). Selon le décret du 9 mai 2017, une personne polyhandicapée présente “un dysfonctionnement cérébral précoce ou survenu au cours du développement, ayant pour conséquence de graves perturbations à expression multiples et évolutives de l’efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construction des relations avec l’environnement physique et humain”. La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a fixé de nouvelles règles relatives aux droits des personnes. Elle réaffirme la place prépondérante des usagers, entend promouvoir l’autonomie, la protection des personnes et l’exercice de leur citoyenneté. La personne doit être actrice de sa vie, ce qui implique l’expression des notions d’inclusion et d’autodétermination.

Une des problématiques majeures rencontrées touche ainsi à la communication qu’elle soit réceptive et expressive. Les personnes en situation de polyhandicap se trouvent en effet limitées dans leurs interactions sociales notamment en raison d’une absence de langage verbal efficient. C’est la communication non verbale qui prime ainsi majoritairement dans les échanges. Or il n’est souvent pas simple de déchiffrer précisément le langage corporel fait de mimiques, de postures, de regards, de vocalisations… A cela peuvent s’ajouter des troubles du tonus et des atteintes motrices comme frein aux compétences communicatives.

De fait, tout signe de communication peut être sujet à interprétation, ce qui rend la personne polyhandicapée très dépendante de son environnement (disponibilité des professionnels, interprétation hâtive, anticipation des besoins.) au point parfois de “négliger” sa place de sujet.

Les personnes accueillies, de par leur pathologie, présentent des profils hétérogènes au niveau cognitif, moteur, sensoriel, relationnel (trouble du spectre de l’autisme, déficiences intellectuelles de modérées à profondes selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé, dépendance, particularité des profils sensoriels…), rendant par là même également les accompagnements complexes, dans un contexte collectif, pour proposer et ajuster des activités qui correspondent aux besoins de chacun. Des séances Snoezelen, de stimulation basale, des modelages, de la balnéothérapie… sont des approches proposées : elles répondent au principe du soin/plaisir, du soin/confort, mais elle induisent cependant une certaine passivité de la personne accompagnée. La possibilité d’engager spontanément une action ou un contact peut s’en trouver limitée, voire entravée alors que l’on peut percevoir chez une personne même sévèrement touchée des réactions en réponse. Peu d’activités privilégiant la prise d’initiative et le contact, ni même les apprentissages, sont mises en place.

D'étonnantes potentialités

Mais voyons-nous la situation sous un bon prisme ? Si les échelles existantes d’évaluation pointent les déficiences, la dépendance, les pertes et les involutions n’existe-t-il pas chez ces personnes des potentialités étonnantes qui ne demandent qu’à être exploitées ? Si nous restons sur les postulats initiaux qui ne font état que de faiblesses pour ces personnes, comment envisager d’innover et d’expérimenter ?

Si on s’autorise à penser autrement, si on laisse du temps au temps, à la découverte, l’observation de petites choses, ces personnes deviennent devant nos yeux actrices, et souvent très volontaires. Ainsi, ne sommes-nous pas (en tant qu’institution) pour partie responsables de cette dépendance ? Ne reproduisons-nous pas un certain hospitalisme (voir René Spitz, 1965) en nous plaçant en position ascendante, en priorisant des soins de nursing mais avec peu d’axes autour des interactions ? Ne laissons-nous pas la chance à ces personnes de nous surprendre, de par le contexte environnemental et relationnel ? Ainsi, la clinique de ces personnes ne serait-elle pas différente (moins de troubles du comportement, davantage d’initiatives de contact, tonus majoré…) si nous nous comportions différemment avec elles ? Ne devrions-nous pas dépasser l’idée qu’elles ne s’intéressent pas à leur environnement et plutôt leur permettre d’y accéder ? Enfin, ne faut-il pas réinterroger le pourquoi et le comment ces personnes “défient” la science ?

L’environnement trop peu stimulant pourrait-il lui aussi être responsable des difficultés relationnelles ? Par exemple, comment penser qu’une personne polyhandicapée – donc sans le langage verbal et très dépendante sur le plan physique, dans un fauteuil coquille – puisse interpeller l’autre et solliciter une interaction ? Pourquoi une personne polyhandicapée relèverait-elle sa tête pour guetter un regard qui n’arrivera pas ou sur un temps très court (temps de toilette…) ? Nous devons donc être à l’initiative en continu ; malheureusement, l’institution ne peut y accéder de façon systématique (routine, turn-over épuisement des professionnels…).

Et maintenant…

Comment œuvrer, dans nos postures et activités professionnelles, vers ces changements nécessaires ? Dans l’établissement où nous exerçons, nous avons mis en place un atelier qui tend à faciliter les interactions par une mobilisation libre au sol, en s’autorisant à prendre du temps pour que les choses évoluent. Même si les évaluations sont complexes, les compétences observées chez ces personnes sont réelles, celles-ci nous permettant d’avoir un appui pour motiver leurs initiatives et poser des objectifs.

Et demain ? Et si nous pensions une réorganisation complète des locaux afin de faciliter une nouvelle relation ? Si les espaces étaient repensés, non plus avec nos yeux de professionnels mais avec les leurs (mobilier à hauteur, tapis, objets sensoriels), pour leur permettre de vivre au niveau du sol (de façon encadrée) et non essentiellement “coincées” dans leurs fauteuils ? Il semble nécessaire aujourd’hui de repenser nos accompagnements pour donner aux personnes accueillies d’autres outils pour faciliter leurs interactions avec leur environnement matériel et humain. Ce qui est engagé actuellement ne semble en effet pas suffisant pour permettre à chacun d’être pleinement disponible.

Ceci implique de sensibiliser régulièrement les équipes au polyhandicap – compte tenu du turn-over important des professionnels – en rappelant les points de vigilance : douleurs, épilepsies, troubles nutritionnels… afin de nourrir les observations quotidiennes et permettre ainsi de s’ajuster au mieux aux besoins des résidents et de leur évolution.

Repenser l’environnement (espaces, accueil…) de façon à ce qu’il prenne pleinement part au soin, en prenant en compte son profil cognitif, moteur, sensoriel des personnes polyhandicapées accueillies et en s’adaptant à leur évolution.

Penser nos accompagnements de façon à multiplier les opportunités de communication et leur donner les outils d’être à l’autre. Faire en sorte que leur faculté d’agir qui semble déficitaire devienne une faculté de capacité. »

Pour aller plus loin : debat.ash@info6tm.com

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