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Méthodes participatives : encadrer « agilement » pour tenter de rendre du sens

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Crédit photo tomertu - stock.adobe.com
La crise de sens et de moyens que traversent les métiers de l’humain pose inévitablement la question de leur management. Comment impliquer davantage les salariés dans les prises de décisions ? Par quel moyen renforcer le pouvoir d’agir des usagers ? Comment répondre à l’exode des professionnels du secteur ? Autant de questions auxquelles les méthodes de management participatif dites « d’agilité » voudraient pouvoir répondre en s’adaptant au contexte institutionnel des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Stéphanie Deroubaix est auditrice et évaluatrice de ces structures, consultante dans le champ de la formation et spécialiste du management participatif. Cette ancienne directrice de pôle médico-social, qui anime également des ateliers de formation au sein du Club Agile Normandie, nous éclaire sur ce sujet.

Où et comment la notion d’« agilité » est-elle née ?

Le terme d’« agilité » est né dans le domaine de l’informatique et provient des Etats-Unis. Plusieurs informaticiens ont voulu changer le processus de production de logiciels ou de services qu’ils offraient à leurs clients. Auparavant, leurs prestations consistaient à vendre à leurs clients une idée bien définie du produit final, puis à la concevoir durant un temps long pouvant durer plusieurs années. Or, bien souvent, deux ans plus tard, le besoin du client avait évolué et le produit final finissait par être inadapté. Ils étaient alors contraints de recommencer. Ils ont alors rédigé un manifeste dont l’une des idées principales se rapproche étroitement de l’esprit de la loi n° 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale.

Ainsi, au même titre que l’usager dans son accompagnement, le client doit être au cœur du dispositif de conception. Le principe de l’agilité est de partir du besoin du client, de mettre en place des ateliers de réflexion ou autres, pour faire émerger le plus d’idées possible et ensuite les hiérarchiser. Après avoir identifié le besoin essentiel, de nombreux points d’étape vont être établis afin de rendre le processus évolutif et de proposer des prototypes que le client va pouvoir tester. Dans notre domaine d’intervention, le parallèle consiste à proposer des solutions, en concertation avec les équipes et l’usager, pour ensuite faire en sorte que celui-ci puisse les évaluer de manière empirique.

Comment cela peut-il se concrétiser dans le secteur médico-social ?

Dans le cadre du médico-social ou du sanitaire, on peut, par exemple, faire l’analogie avec l’achat d’un Ehpad qui serait réalisé par un architecte sans concertation et serait présenté à l’organisme gestionnaire après deux ans de travaux. Si l’architecture du bâtiment n’est pas adaptée, la direction est prise sur le fait. Avec les méthodes agiles, il sera d’abord demandé à l’architecte de réaliser une chambre témoin, qu’un usager pourra tester durant quelques jours. On pourra alors la faire évoluer dans sa forme et son agencement au gré des observations et propositions du bénéficiaire. L’idée centrale est de construire petit à petit le projet architectural du bâtiment avec les salariés et les usagers. L’agilité permet de définir et d’atteindre des objectifs précis. La méthode itérative fonctionne par répétition et réévaluation successives. A chaque bilan, de nouvelles attentes sont fixées. On parle d’objectif « Smart », pour « spécifique, mesurable, acceptable, réaliste et temporellement défini ». Cette méthode, du fait des réajustements successifs, induit une expérimentation et donc un droit à l’erreur, à l’adaptation, ce qui est d’autant plus pertinent dans une perspective d’accompagnement médico-social.

À qui ces méthodes de management s’adressent-elles ?

On peut envisager qu’un chef de service, un coordinateur ou certains membres d’une équipe se forment aux méthodes agiles pour ensuite représenter des relais dans leurs structures. Ces méthodes s’apparentent à du management participatif et doivent se diffuser à une échelle institutionnelle. Elles visent à répondre à un environnement de travail en pleine mutation, que l’agilité définie par l’acronyme « Vica » (« volatil, incertain, complexe et ambigu »). Aujourd’hui, pour un manager, il est de plus en plus compliqué de prévoir à l’avance. Les changements sont permanents et les injonctions paradoxales émanant des financeurs, des équipes et des usagers se multiplient.

Incorporer davantage d’agilité dans le quotidien d’une équipe peut aussi permettre de satisfaire le manque de sens que beaucoup de salariés déplorent dans leurs missions quotidiennes. C’est souvent le cas chez les nouvelles générations, qui migrent du secteur car elles osent changer de métier et se réorienter lorsqu’elles constatent que le champ de l’accompagnement médico-social, dans sa réalité institutionnelle, ne correspond pas à leurs aspirations. Ces jeunes, pour beaucoup, ont un besoin de management et de reconnaissance que les méthodes agiles peuvent venir combler.

Quels outils permettent de créer les conditions d’un management « agile » ?

A l’échelle d’une réunion d’équipe, on peut, par exemple, employer la « méthode du brise-glace et des points cardinaux ». Elle vise à mettre en mouvement une équipe et à faire se positionner physiquement ses membres par rapport à une question. Chacun va devoir choisir s’il est pour ou contre telle proposition, s’il réagirait de telle ou telle manière face à une situation donnée, s’il comprend la réaction d’autrui, et se positionner dans un coin de la pièce en fonction de sa réponse. Le « brise-glace » est un atelier d’échauffement qui permet de renforcer la connaissance que l’équipe a d’elle-même tout en développant l’empathie de ses membres.

Un autre atelier permet de questionner et préciser la notion de « responsabilité » de chacun. Face à une situation donnée ou à une tâche professionnelle précise, chaque membre de l’équipe va devoir définir son degré d’implication : totale, partielle ou nulle. Cela permet de cartographier le niveau de délégation de chacun.

L’objectif est de favoriser la fluidité de l’action professionnelle, dans la finalité de garantir un espace et des conditions de travail qui conduisent les professionnels à rester dans la structure, car ils s’y sentent bien. L’agilité se rapproche des techniques employées dans les séances de construction d’équipe mises en place par l’éducation populaire, et fait appel aux apports de la sociologie des groupes.

Comment les institutions peuvent-elles dégager du temps de formation à ces techniques ?

Le premier impératif est d’optimiser les réunions. Il faut réguler le temps, définir des ateliers et procéder à un découpage précis des séances. Ensuite, il s’agit d’impliquer les salariés dans les prises de décisions institutionnelles en définissant des groupes de travail autour de certaines questions qui animent l’institution et le quotidien des usagers. Les salariés doivent être force de proposition et non pas subir des décisions qui seraient le fruit d’un management vertical. Enfin, il est essentiel d’évaluer le changement instauré dans les mois qui suivent, pour réajuster les solutions en cas de besoin.

Cette méthode nécessite des garanties de fonctionnement. Parmi les règles du jeu, on retrouve des impondérables tels que : définir les enjeux et le temps accordé à un groupe de travail ; veiller à la bienveillance et au non-jugement ; s’assurer que chacun soit acteur des échanges ; et ne pas exprimer de critique sans faire de proposition en retour.

Quel apport l’agilité peut-elle avoir dans l’évaluation des ESSMS ?

Il existe plusieurs axes d’analyse en lien avec l’agilité dans le nouveau référentiel d’évaluation des ESSMS. Evidemment, les critères relatifs au management et à l’implication des salariés dans le processus décisionnel sont pleinement concernés. Ensuite, une place importante est accordée à l’analyse documentaire. Il s’agit d’évaluer la place de l’usager dans les écrits institutionnels : projet d’établissement, projet de service, évaluation interne, questionnaire de satisfaction, etc. Plus récemment, de nouveaux critères portant sur l’évaluation de l’innovation dans les établissements et structures médico-sociales ont été introduits. En employant des méthodes issues de l’agilité comme celles décrites auparavant, les managers peuvent faire émerger des idées, définir des axes de travail et impulser de nouvelles initiatives.

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