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Métiers du soin : une voie d'insertion prometteuse

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Crédit photo Aline Morcillo / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Les structures d’insertion par l’activité économique s’intéressent de plus près au secteur médico-social, dans l’objectif de proposer des emplois pérennes aux chômeurs qu’elles accompagnent. Une voie prometteuse qui exige un accompagnement intensif et adapté.

« On a les CV, et nos associations sont emballées. J’attends les entretiens, et si ça marche, c’est parti ! » Trois candidatures suffisent à Aurore Pineau, coordinatrice de formation à la fédération ADMR de la Vienne, pour se montrer enthousiaste tant les tensions de recrutement sont fortes. Les propositions qu’elle vient de recevoir ont une autre particularité : elles proviennent d’une association intermédiaire, Sate 86, qui accompagne des personnes éloignées de l’emploi. L’an dernier, trois associations de l’ADMR, situées à Ligugé, Migné-Auxances et La Villedieu-du-Clain, avaient déjà accueilli des candidats issus de cette association. Elles souhaitent renouveler l’expérience, satisfaites de leur savoir-être, et leur ont proposé des contrats à durée indéterminée (CDI). « Sate 86 a fait des prérecrutements de motivation, et a réglé tous les freins à l’emploi », souligne Aurore Pineau.

Ce nouveau canal de recrutement n’aurait sans doute pas existé si Benjamin Boisseau, directeur de Sate 86, n’avait pas eu l’idée de démarcher la fédération. L’initiative lui est venue quand le gouvernement a annoncé une aide au poste supplémentaire de 1,5 € par heure aux structures d’insertion par l’activité économique (IAE) qui feraient de la mise à disposition de salariés dans les établissements médico-sociaux. « Les coopérations entre l’IAE et les Ehpad, c’est nouveau, expose le directeur. Pour nos publics, c’est la certitude d’accéder à un CDI. Aujourd’hui, nous voulons proposer des missions plus longues et plus denses aux personnes que nous accompagnons. »

En réalité, les rapprochements entre le médico-social et les structures d’insertion existent déjà, mais de manière discrète. « Il y a 15 ans, les associations intermédiaires avaient créé la marque Proxim’Services, spécialisée dans l’aide à domicile pour les personnes âgées dépendantes », explique Marlène Trézéguet, responsable juridique de la Coorace, qui fédère, entre autres, ces structures d’insertion. Toutefois, les passerelles pour travailler en Ehpad demeuraient complexes : excluant les missions de soins, faute de qualification, elles devaient se combiner avec une formation qualifiante suivie en parallèle. Ce qui, pour les associations intermédiaires, représente un investissement conséquent. Les pénuries de personnel dans le secteur médico-social conduisent certains acteurs à intensifier ces initiatives. La Croix-Rouge a rapproché ses branches médico-sociale et d’insertion en 2019 pour agir de manière conjointe sur cette problématique. « Aujourd’hui, il existe un public intéressé par le métier d’aide-soignant qui présente les compétences requises mais n’est pas diplômé. Pour les établissements, c’est un frein », explique Alice Dubois, directrice du dispositif Vocation.s, qui a démarré dans les Yvelines et doit essaimer dans de nouveaux territoires. Son objectif : préparer les publics les plus éloignés de l’emploi à décrocher le diplôme d’aide-soignant.

« Chantier préqualifiant »

Le point commun de ces parcours est le soin apporté à l’accompagnement des personnes en insertion, afin qu’elles n’abandonnent pas en route. « Le plus difficile pour ces publics est le manque de confiance. Il nous faut mener un gros travail de développement personnel afin de les préparer à affronter une année d’études. L’autre enjeu, c’est d’apprendre à apprendre, c’est-à-dire retrouver les réflexes de prise de notes, pouvoir travailler chez soi », explique Alice Dubois. Refusant de fournir des « faisant fonction », Vocation.s prend la forme d’un chantier d’insertion « préqualifiant » axé sur la formation, avec des cours de remise à niveau en français, mathématiques, biologie. Le contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI), d’une durée de dix mois, prévoit chaque mois deux semaines de stage en Ehpad afin de découvrir le métier d’aide-soignant. Une tâche exigeante pour les tutrices (voir encadré). « Chez Vocation.s, il n’y a pas de production, mais de la formation à la fois théorique et pratique, sous forme de mises en situation. On ne vient pas remplacer du personnel dans les Ehpad. Il n’y a pas d’acte sans supervision d’un tuteur », précise Charles Penaud, responsable de la filière « services » à la Croix-Rouge insertion. Là où un chantier d’insertion classique compte un accompagnant socio-professionnel (ASP) pour 30 à 40 personnes, le ratio est ici de 1 pour 15. Le projet professionnel étant déjà établi, « l’ASP peut se concentrer sur la levée des freins périphériques », ajoute Charles Penaud.

Du côté de France Horizon, un autre équilibre a été trouvé. Le CDDI, qui dure un an, alterne entre une semaine de formation – dédiée à l’obtention du permis de conduire ainsi qu’au titre professionnel d’assistant de vie aux familles – et trois semaines en Ehpad. L’accompagnement socio-professionnel est effectué par le plan local pour l’insertion et l’emploi de la ville de Corbeil-Essonnes. Le projet est aussi financé par le Fonds social européen. Contrairement à la Croix-Rouge, la contribution des personnes en insertion, positionnées sur trois types de postes – agent de soins, agent de services hospitaliers et agent de maintenance –, est explicitement mise en avant. « Ces personnes viennent étoffer nos équipes. Nous renforçons l’accompagnement des résidents, redonnant ainsi du sens au travail à nos personnels qui peuvent ainsi valoriser les compétences et les transmettre », explique Dounia Bennani, directrice régionale Ile-de-France seniors. L’intégration dans l’établissement commence par une observation d’un mois, voire plus, afin d’assimiler l’organisation du travail, puis se poursuit par du travail en binôme avec des professionnels.

Contrat pro « inclusion »

Sate 86 opte pour une solution plus progressive valorisant l’apprentissage en situation de travail. Elle recourt pour ce faire au contrat de professionnalisation « inclusion » pour travailler dans l’aide à domicile, et bientôt en Ehpad. Créé par la loi « avenir professionnel » du 5 septembre 2018, ce contrat dérogatoire n’exige pas de qualification mais seulement la montée en compétences. « Nous construisons nous-mêmes la formation en fonction des besoins du poste de travail et des compétences du candidat », explique Benjamin Boisseau. Charge ensuite aux établissements qui recruteront ces profils de mettre en place une validation des acquis de l’expérience, possible au terme d’un an d’exercice. Les 70 premières heures de travail, effectuées en binôme sur le lieu de travail, sont subventionnées par le département. « Son appui a donné une crédibilité institutionnelle à notre action », souligne le directeur. La collectivité territoriale a aussi financé l’ingénierie de projet et attribué une enveloppe de 1 000 € par personne destinée à la mobilité et à la garde d’enfants. En ajoutant le soutien de l’AG2R et celui de l’Etat, Sate 86 a pu acheter cinq voiturettes qui n’exigent que le permis AM. Un détail qui compte, particulièrement dans l’aide à domicile.

Les structures d’insertion en mal d’idées pourraient encore s’inspirer d’une dernière formule. Basée à Caen (Calvados), l’entreprise solidaire d’utilité sociale Actif &Dynamic mobilise la préparation opérationnelle à l’emploi collective sur une durée de huit semaines, dont deux passées en stage, pour former au titre professionnel ADVF (assistant(e) de vie aux familles), qui se poursuit par un temps de mise à disposition pour rentabiliser son investissement. Un cas unique en France, selon son directeur, Vincent Tournillon. « La délégation normande de l’opérateur de compétences EP nous fait confiance pour mettre en place des formations dédiées aux publics en insertion. » L’association intermédiaire travaille ainsi avec des Ehpad, des associations d’aide à domicile et un foyer d’accueil médicalisé.

Un tutorat intensif

Martine Sébastien est aide-soignante à l’Ehpad Champsfleur au Mesnil-Le-Roi (Yvelines), géré par la Croix-Rouge française. Elle tutore deux personnes issues du dispositif Vocation.s, deux semaines par mois pendant un an. Elle travaille en unité protégée. « Elles me suivent dans toutes les chambres dans lesquelles je me rends. Elles ne réalisent pas les gestes, elles observent. Après cet apprentissage, j’étudie leur manière de prendre en charge deux personnes. Après six mois, je les laisse agir de manière plus autonome, mais je m’assure tout de même qu’elles respectent les règles d’hygiène et de sécurité dans chaque chambre », détaille-t-elle. La professionnelle de 39 ans reconnaît que ce travail de tutorat peut retarder le service lors de la phase de mise en pratique. Appréciant toutefois cet exercice de transmission, elle s’emploie à dialoguer le plus possible avec les stagiaires afin de leur donner envie de choisir ce métier, parfois perçu comme dégradant. « Je leur explique que ces personnes n’ont pas leurs capacités cognitives. Et qu’elles sont là pour compléter leur humanité. »

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