Le rythme et les intonations sont différentes de ceux qu’on entend d’ordinaire sur les ondes. Le 9 juin, la première émission de la radio R’Hévéa a été diffusée sur R.G.B, une station locale basée à Cergy,en région parisienne. Il s’agit de la concrétisation d’un projet au long cours auquel ont participé une douzaine de travailleurs de l’Esat (établissement et service d’aide par le travail) La Hêtraie, des résidents du foyer de vie L’Olivaie et de personnes accompagnées au service d’accueil de jour La Clairière, des établissements établis à Jouy-Le-Moutier (Val-d’Oise) et gérés par l’association Hevea.
L’initiative, nommée R’Hévéa pour « rêver à », a été montée en partenariat avec Radio France dans le cadre du dispositif « Les Empêchés ». « Le “public empêché” désigne les personnes privées de culture (personnes en situation de handicap, détenus, les malades…), explique Marie Dalquié, responsable du projet et attachée de production à France Culture. L’idée est d’ouvrir les frontières et d’amener la culture là où elle n’entre pas d’habitude. Les personnes avec qui nous travaillons sont réduites à passer après les autres car elles parlent différemment, avec une élocution plus lente. Ces ateliers sont l’occasion de leur dire : “Vous avez le micro, le temps de parler et nous avons envie de vous entendre.“ »
Depuis 2020, le groupe radiophonique du service public propose ainsi à des établissements d’intervenir pendant deux années tous les 15 jours au sein de leur structure pour transmettre les différentes techniques radiophoniques aux personnes accompagnées volontaires. De leur côté, les participants se retrouvent toutes les semaines pour mettre en pratique les compétences acquises lors de ces séances et développer leur autonomie. Montage, habillage sonore, animation, reportages terrain… L’objectif est qu’ils s’approprient tous les volets de la construction d’une émission de radio. « Nous élaborons une organisation de travail avec eux pour qu’ils soient capables de se débrouiller sans nous », rapporte Marie Dalquié qui intervient avec un technicien de Radio France.
Afin d’enlever une certaine forme de « pression », la professionnelle a cherché à ce que les actes techniques relèvent du systématisme. Ainsi, chaque semaine, les participants ont pour mission de monter et démonter leur studio d’enregistrement. « Pour que cela devienne un geste facile et que tout le monde ait le même savoir-faire », précise-t-elle.
Le défi du micro-trottoir relevé
Dans cette première émission de 45 minutes, les auditeurs peuvent découvrir la vie de la structure et les événements qui y ont récemment été organisés. A l’occasion de l’opération « DuoDay », qui permet aux personnes handicapées de découvrir le milieu ordinaire de travail, les volontaires ont également raconté leur expérience et interviewé les professionnels qui les avaient encadrés. Au départ, aller poser des questions aux personnes extérieures à l’établissement était un défi pour certains, se souvient Laetitia Delory, éducatrice au foyer de L’Olivaie. « Ils craignaient qu’on ne veuille pas leur répondre. Mais aujourd’hui, ils ont pris confiance. C’est même devenu l’une des choses qu’ils préfèrent », rapporte la professionnelle. « J’aime bien le contact avec l’autre, confirme Maël Gillard, un des participants. Le rapport avec les gens lors des micros-trottoirs mais aussi avec les auditeurs et auditrices. Je suis content qu’on puisse nous entendre mes collègues et moi et faire découvrir ce qu’est un Esat. » Egalement en partenariat avec l’unité de soin en psychiatrie de l’hôpital de Morlaix, en Bretagne, Radio France entend travailler dans les mois à venir avec la maison d’arrêt de Nanterre (Hauts-de-Seine).
