« Une révolution. » C’est en ces termes que la Société philanthropique, gestionnaire d’une vingtaine d’établissements et services, présente le déploiement, depuis juin, de sa plateforme Linéa. De l’admission à la sortie, l’ensemble du parcours et des informations relatives à l’accompagnement d’une personne est désormais consigné dans un dossier usager informatisé (DUI) : son projet personnalisé, la gestion administrative, la facturation, le planning ou encore les transmissions entre professionnels… A la clé : un meilleur partage d’informations, plus sécurisées et mieux actualisées. « La plateforme apporte une vision à 360° de la personne accompagnée, avec toutes les informations la concernant : état civil, régimes alimentaires, contacts de ses proches, intervenants extérieurs à la structure… », énumère Sylvie Tosello, directrice du centre d’accueil parents-enfants La Villa Excelsior, à Cannes (Alpes-Maritimes).
Une révolution donc. Ou, à défaut, un sacré virage. « Avant, les informations se trouvaient dans les ordinateurs des uns et des autres ou dans un dossier papier au secrétariat. Il fallait être là au bon moment et au bon endroit pour le remplir, explique Laetitia Le Gall, adjointe de direction éducative à l’IEM Le Château de Bailly (Yvelines), qui a participé à la construction de la plateforme. Corriger l’adresse d’un parent, par exemple, nécessitait d’écrire un mail à la secrétaire pour qu’elle la modifie sur le registre. Beaucoup d’échanges se faisaient de manière orale. Désormais, tout est centralisé en direct. On va gagner du temps et de l’efficacité. » Sans nuire, en théorie, au secret professionnel, les profils étant plus ou moins restreints selon les utilisateurs et leurs droits d’accès.
Un langage adapté aux métiers
Cette transformation s’inscrit dans une refonte globale des systèmes d’information de l’association mais également dans une dynamique nationale. Depuis 2019, le ministère de la Santé encourage les structures sociales et médico-sociales à informatiser leurs dossiers usagers. Certaines optent pour des logiciels disponibles sur le marché. La Société philanthropique a préféré développer sa propre solution.
Imaginée par l’entreprise californienne Salesforce pour un coût de 300 000 €, la plateforme Linéa a fait l’objet d’un long travail de développement : « Mon rôle consistait à ce que le langage informatique s’adapte au langage métier », souligne Sylvie Tosello. De février à mai 2021, la directrice a réuni les référents métiers des dix établissements engagés dans le processus. « On a mené sept ateliers – l’admission, le projet personnalisé, les plannings, le reporting, la facturation, le collaboratif et la vision 360° – qui nous ont permis de définir la relation à la personne accompagnée. Et de déterminer des process communs. » Aux informaticiens, ensuite, de décliner ces tâches en langage informatique. Et ce n’est qu’au terme d’un test de six mois, sur les sites de Cannes et de Bailly, que la plateforme a été lancée.
D’ici janvier 2023, huit autres établissements seront équipés. Et au total, quelque 500 collaborateurs devraient, après avoir été formés, s’emparer de Linéa. Non sans parfois susciter des interrogations. « La plateforme favorise la transversalité entre les services. Mais elle permet aussi de faire des rapports, des statistiques. Et donc, pour des financeurs, de surveiller l’activité de l’établissement. Or on sait que les chiffres peuvent être interprétés, et pas toujours de manière constructive et bienveillante, tempère Sophie Coudrat, éducatrice spécialisée à La Villa Excelsior. Malgré l’intérêt de l’outil, à nous de rester vigilants sur son utilisation. »
