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Pédagogie : parler de sexualité avec les personnes handicapées

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Crédit photo Monkey Business - stock.adobe.co
La vie sexuelle et affective des personnes en situation de handicap sort peu à peu de l’ombre. Destinées aux professionnels, des formations ont été développées pour appréhender ce sujet avec pédagogie auprès du public accompagné.

« Pour un colloque, nous n’avions jamais eu de retours aussi nombreux. » Conseillère technique au centre régional d’études, d’actions et d’informations des Hauts-de-France (Creai), Nadine Szmigecki a pu mesurer l’intérêt du thème de la rencontre organisée ce mois de mai à Lille (Nord), consacrée à la vie amoureuse et/ou sexuelle des personnes en situation de handicap. « Il y a dix ans, ce sujet était dans l’angle mort des établissements. Aujourd’hui, les professionnels veulent savoir comment y aller et avec quels moyens », poursuit-elle. Le Creai des Hauts-de-France répond aux demandes de connaissances exprimées par les professionnels du handicap. D’autres structures font de même, des organismes de formation des grandes associations gestionnaires au Planning familial, en passant par les centres régionaux d’information et de prévention du sida (Crips) ou les instances régionales d’éducation et de promotion de la santé (Ireps).

Les formations à la « vie affective ou sexuelle », ou VAS, convoquent différentes disciplines ou domaines pour outiller les établissements. « Appréhender ce sujet dans sa globalité exige au minimum cinq jours de formation », estime Nadine Szmigecki. Parmi les thématiques abordées, elle cite d’emblée la dimension juridique du sujet, à savoir le droit des personnes à une vie affective, relationnelle, intime et sexuelle, y compris dans l’enceinte des établissements. Une liberté parfois négligée, à laquelle les parents – comme les directions – peuvent s’opposer. D’où l’importance de reprendre le cadre légal. « Cela va conforter le professionnel en termes de sécurité juridique, et donner de la légitimité à son intervention », appuie la spécialiste. Le Creai sensibilise aussi les établissements dans la traduction de ce droit au sein des projets d’établissements ou de services, ainsi que dans les projets personnalisés des bénéficiaires. Peut également s’y adjoindre un accompagnement en matière de méthodologie de projet car la démarche est en effet susceptible de provoquer de nombreuses évolutions ou de nouvelles pratiques : équipement de chambres en lits doubles, achats de matériel comme des sex-toys, formations complémentaires, recours à des partenaires… qui nécessitent d’élaborer un plan d’action.

La dimension éducative constitue un autre enjeu clé, abordé par le Creai comme par d’autres formations, de manière plus ou moins détaillée. L’accompagnement à la vie sexuelle et affective passe en effet par l’organisation d’ateliers ou de groupes de parole. Les professionnels au contact des bénéficiaires doivent se sentir légitimes dans la transmission des informations. Les thèmes à aborder avec les personnes accompagnées sont nombreux. D’ordre médical (compréhension de l’anatomie, moyens de contraception, maladies sexuellement transmissibles…), mais aussi social (gestion des émotions, enseignement du consentement, des codes dans les relations affectives). Structurées en six demi-journées, les formations organisées par le Planning familial d’Indre-et-Loire, partenaire de la quasi-totalité des établissements accueillant des personnes handicapées du département, prévoient un temps consacré à la pédagogie. Elles s’appuient sur des outils, tels que des planches anatomiques en taille réelle, des poupées adultes sexuées, mais aussi des jeux qui permettent de travailler sur les émotions ou encore le consentement. Une base que les professionnels sont amenés à compléter, en fonction de leurs publics.

Choisir les mots

« Il faut savoir expliquer de façon simple des choses compliquées, et être en capacité de les décortiquer de différentes manières », explique Marielle Thomine, psychologue et coordinatrice de la structure, qui intervient fréquemment auprès des instituts médico-éducatifs (IME) pour adolescents et des instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (Itep). Ouvrir un dialogue sur la sexualité suppose de se montrer didactique. « Donner un préservatif à un jeune ne suffit pas, il faut pouvoir expliquer », poursuit l’experte. Et attention aux termes employés ! Un sujet majeur, tant dans le cadre des ateliers organisés par les professionnels que dans le quotidien des structures. Marielle Thomine rapporte le cas d’une femme qui, lors d’un séjour adapté, a accepté de « prendre une douche » avec un partenaire, puis a dénoncé une agression sexuelle. L’équipe encadrante s’était méprise sur son consentement, dont elle pensait s’être pourtant bien assurée. Un exemple qui montre à quel point « dans le handicap, les mots n’ont pas le même impact ».

Educateur spécialisé à l’IME Robert Debré de l’association Les Elfes, Fabien Pernelle a suivi la formation du Planning familial en 2018. « Nous réalisons que nous pouvons être vite limités dans nos connaissances. J’avais des représentations erronées sur le VIH et le sida. On a travaillé l’anatomie, la connaissance du corps, des organes… C’est très simple pour nous, mais pas forcément pour les jeunes en situation de handicap », reconnaît-il. Au sein de l’unité d’enseignement externalisé de l’IME, avec une psychomotricienne, il anime des ateliers auprès d’élèves âgés de 14 à 16 ans auxquels il consacre entre 10 à 12 séances d’une heure et demie chaque année. La formation lui a permis d’installer une pédadogie « sécurisante pour les personnes accompagnées comme pour les salariés » mais aussi d’améliorer sa posture. Face à des jeunes qui peuvent exprimer des représentations « totalement à côté de la plaque » des relations affectives et des pratiques sexuelles, il choisit de les retravailler avec eux, plutôt que de les ignorer ou de les prendre de haut. Il s’agit alors de « leur expliquer avec des termes simples ce qu’est la vie affective et sexuelle », résume-t-il. Alors que son association propose régulièrement des formations sur ce thème, il salue cette approche collective qui permet d’avoir, au sein de la structure, une même ligne de conduite.

Violences sexuelles

Les formations à la vie affective et sexuelle sont également l’occasion, pour le Planning familial, d’approfondir des thèmes plus difficiles comme celui des violences sexuelles, auxquelles les personnes handicapées s’avèrent être très exposées, à l’intérieur comme hors des institutions. Une spécificité qui a conduit à la création de formations particulières. Psychologue à l’établissement et service d’aide par le travail des Papillons blancs à Roubaix-Tourcoing (Nord), Delphine Dieulle anime des sessions consacrées aux « auteurs de violences sexuelles déficients mentaux », pour le compte de l’unité régionale de soins aux auteurs de violences sexuelles (Ursavs). D’une durée de quatre jours, cette formation vise à apporter des outils d’évaluation des troubles cognitifs pouvant éclairer de tels actes. « On déconstruit les représentations autour des auteurs des violences, qui peuvent s’expliquer par des traumatismes qu’ils ont eux-mêmes vécus ou des difficultés cognitives à comprendre les envies ou besoins de l’autre », explique la psychologue. Le diagnostic permet alors de proposer le bon accompagnement.

Certains professionnels du médico-social décident enfin d’approfondir la dimension médicale de la santé sexuelle. Delphine Dieulle achève ainsi un diplôme inter-universitaire de sexologie, dispensé par les facultés de médecine de Lille et d’Amiens. Un cursus qui lui a permis de s’ouvrir aux conséquences de maladies ou de handicaps sur la sexualité. Et d’être vigilante, aussi, quant à l’impact des médicaments sur le bien-être sexuel. Un sujet loin d’être négligeable dans les établissements médicalisés.

Des référents spécialisés

Dans une circulaire du 5 juillet 2021, le secrétariat d’Etat chargé des personnes handicapées invite les établissements et services à désigner un référent pour garantir le droit des personnes en situation de handicap à une vie affective, relationnelle, intime et sexuelle. « Cette personne bénéficie d’une formation lui permettant d’être une ressource pour les professionnels de la structure ainsi que pour les personnes accompagnées », précise ce texte « non opposable ». Par ailleurs, elle « peut conduire des actions collectives innovantes, et accompagne les personnes, si elles le souhaitent, leurs proches et les professionnels, dans toutes leurs démarches ». La circulaire met également l’accent sur la prévention des violences dans le champ du handicap et rend disponibles quelques ressources ainsi qu’un court module de formation en ligne, conçu par l’association Mémoire traumatique et victimologie. Elle conseille également un site – santebd.org – proposant des bandes dessinées personnalisables pour expliquer la contraception, la puberté ou les consultations gynécologiques aux publics accompagnés.

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