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Pratiques professionnelles : que garder pour le monde d’après-Covid ?

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Crédit photo WALTRAUD GRUBITZSCH / dpa-Zentralbild / dpa Picture-Alliance via AFP
La soudaine pandémie de Covid-19 a obligé les directions d’établissements et les personnels d’encadrement à faire appel à des pratiques plus ou moins improvisées. Après plus de deux ans de crise sanitaire, certaines d’entre elles se sont installées dans la durée, pour le meilleur et pour le pire.

« La crise a énormément soudé les équipes, même si les cadres ont travaillé presque sept jours sur sept pendant trois mois au début, reconnaît volontiers Didier Lucas, directeur de l’Ehpad La Rouvière, à Soubès, dans l’Hérault. J’ai voulu mettre l’équipe administrative en télétravail mais ils n’ont pas voulu. Ils voulaient être dans l’action et je n’ai pas insisté, car on avait besoin d’eux. » Cet établissement public territorial a fermé dix jours avant l’obligation ministérielle. Les résidents et membres du personnel ont alors commencé à vivre de façon singulière.

De cette expérience, Didier Lucas a conservé certaines pratiques, notamment en matière de communication. « Pour garder le lien pendant le premier confinement, deux agents s’occupaient exclusivement de faire des photos et des vidéos des résidents pour leur famille, explique-t-il. Nous avons aussi beaucoup utilisé notre page Facebook pour expliquer les décisions prises en interne et nous le faisons toujours. On a beaucoup progressé en termes de communication. »

A Lille, au sein du club de prévention spécialisée Itinéraires, d’autres habitudes se sont installées et perdurent encore aujourd’hui en matière de transmission et de communication, comme l’explique Francine Blas, cheffe de service : « Nous ne pouvions lâcher ni les jeunes ni les familles dans le contexte du premier confinement, alors nous nous sommes servis des réseaux sociaux pour garder le lien dans les tout premiers temps. Nous avons rapidement pu revenir sur le terrain et nous les avons également utilisés en interne, en communicant entre professionnels via WhatsApp puis Signal. Cette pratique est restée. J’encadre trois services. Chacun a son propre groupe sur Signal d’une part, et un groupe partagé avec moi d’autre part. Cela permet un partage d’informations simultané et un même niveau d’information pour tous. »

De même, le télétravail partiel, qui se justifie pleinement pour les fonctions support des établissements, s’est installé comme un mode de collaboration jugé très satisfaisant. Dans de très nombreuses structures du domaine social et médico-social mais aussi au-delà, la visioconférence est également perçue comme un outil positif issu de la crise sanitaire. Elle permet en effet de franchir les kilomètres qui séparent des unités géographiquement éloignées et d’associer plus rapidement des services plus ou moins décisionnaires ou logistiques, qui ne rencontraient pas toujours, par le passé, aussi facilement les acteurs de terrain.

Si la communication a été significativement améliorée grâce aux outils déployés en urgence, d’autres mesures moins bénéfiques imposées par la crise n’ont pas été levées. Beaucoup d’acteurs regrettent ainsi que l’obligation vaccinale n’ait pas été, à tout le moins mesurée selon les publics accueillis, au mieux levée selon ces mêmes critères.

Perte de talents

En effet, alors que plus que jamais ces derniers temps, le secteur social et médicosocial peine à recruter, l’obligation vaccinale a contraint certains personnels, dont de véritables talents, à quitter leur métier. C’est le constat que fait Ludovic Lemaire, cadre dans une maison d’enfants à caractère social (MECS) en Bretagne : « Chez nous, il y avait un éducateur technique spécialisé qui refusait le vaccin. Son contrat a été suspendu. Ensuite, il a contracté le Covid et a donc pu revenir travailler. Nous pensions être tranquilles pour six mois, mais la période d’immunité a été ramenée à quatre mois. Son avenir professionnel devenait précaire et il a choisi de partir définitivement pour se reconvertir. » Pour ce chef de service, la perte est irremplaçable. Il a bien réussi à embaucher une monitrice-éducatrice dont les compétences sont reconnues et qui s’adapte au poste, mais chaque métier ayant ses spécificités, elle ne peut offrir la technique spécialisée de son prédécesseur.

L’obligation vaccinale a également causé du tort dans l’Ehpad de l’Hérault où, comme le déplore Didier Lucas, « les agents restent en colère contre la violence qui leur a été faite. Ils ont été applaudis en héros un jour et traités de dangereux irresponsables le lendemain pour refus de l’obligation vaccinale. J’ai perdu une soignante formidable qui a préféré partir. Aujourd’hui, tous attendent que cette obligation soit levée et si une quatrième dose de vaccin devait être imposée, beaucoup d’autres partiraient. »

Autre pratique installée avec la crise et qui perdure, le « rappel pour continuité de service ». Il est aujourd’hui encore utilisé de façon parfois abusive. C’est ce que regrettent deux autres cadres, intégrés à des établissements relevant de la fonction publique et préférant conserver l’anonymat : « La possibilité de demander à un personnel en congé de revenir au travail pour cause d’arrêt maladie de l’un de ses collègues avait du sens en pleine crise sanitaire car les arrêts incessants et le nombre de personnes régulièrement isolées pour cause de Covid justifiaient cette mesure, prise pour éviter de tomber dans un sous-effectif dangereux. Mais cette obligation spécifique au service public n’a plus lieu d’être aujourd’hui. Or des agents sont rappelés pour des arrêts maladie classiques, non liés au Covid, ou au nom d’un léger sous-effectif. » Et ce, au risque de l’usure professionnelle et de la dégradation de l’accompagnement des publics.

Et son collègue de renchérir : « Une autre pratique qui n’a plus lieu d’être, c’est la division des services pour le déjeuner, par exemple, au nom de la circulation des personnes accompagnées dans les couloirs. Les pauses du personnel en sont réduites, ne se font pas au même moment, ce qui diminue les échanges entre collègues, alors que les temps informels sont toujours riches d’information et de transmission. »

Parole aux équipes

A l’hôpital, c’est dans les rapports humains que la crise aura apporté son lot de changements. Selon Stella Choque, ancienne cadre à l’établissement public en santé mentale de Caen, aujourd’hui formatrice, « la grande leçon de cette crise est que les cadres se sont rendu compte qu’il était important de laisser un espace de parole aux équipes. La principale demande des infirmières, c’est une écoute bienveillante, car elles savent bien qu’il n’y a pas forcément de solution à leurs problèmes de services. De plus, dans les services d’urgence et de réanimation, les médecins ont davantage pris conscience de l’importance du rôle des infirmières et des aides-soignantes. J’entends beaucoup, lors de mes déplacements, que la cohésion d’équipe est aujourd’hui bien meilleure. Les cadres prennent en compte la nécessité de prendre soin du personnel, de développer un esprit d’appartenance et de garder les équipes soudées. »

Obligation vaccinale, continuité de service, il semble que pour préserver les apports positifs de la crise sanitaire, une remise aux normes s’impose désormais.

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