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TRIBUNE - Les aînés, oubliés des politiques

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En vingt ans, aucune réforme d’ampleur n’a abouti pour répondre aux besoins des personnes âgées, pourtant toujours plus nombreuses et plus isolées. Le nouveau quinquennat changera-t-il la donne ?

« Notre société fait face à une forte transition démographique. Selon les dernières projections de l’Insee, publiées en novembre 2021, le nombre d’habitants âgés de 75 ans ou plus devrait croître de 5,7 millions à l’horizon 2070. A plus courte échéance, les projections indiquent même que le nombre des 75-84 ans va connaître une croissance de 49 % entre aujourd’hui et 2030, passant de 4,1 millions à 6,1 millions de personnes. Tandis que les plus de 85 ans vont augmenter peu ou prou de 70 % dans les vingt ans à venir.

Or, nous constatons déjà une nette aggravation de l’isolement social des aînés. Le baromètre Petits Frères des pauvres/CSA de septembre 2021, Solitude et isolement, quand on a plus de 60 ans en France, fait ainsi état d’une augmentation de 77 % des personnes âgées en situation de “mort sociale” – c’est-à-dire sans ou quasiment sans contact avec leur famille, leurs amis, leurs voisins ou le tissu associatif – par rapport à l’édition précédente de 2017. Et d’une hausse de 122 % pour les personnes âgées isolées des cercles familiaux et amicaux. Qu’en sera-t-il d’ici dans vingt ans si nous ne faisons rien ?

La crise sanitaire que nous traversons depuis deux ans a clairement mis en exergue les failles d’une société qui, depuis une vingtaine d’années, n’a pas su répondre aux conséquences d’un vieillissement de la population pourtant annoncé. Aucune réforme déterminante n’a été mise en œuvre sous les trois mandatures précédentes. Souvenez-vous : abandon de la réforme de la dépendance sous Nicolas Sarkozy pour des raisons budgétaires ; loi “adaptation de la société au vieillissement” qui, malgré un titre prometteur, n’a guère apporté d’évolutions, faute de budget suffisant ; projet de loi “grand âge et autonomie”, qui n’était pas au programme du candidat Macron en 2017, initié à la suite d’une retentissante grève des personnes d’Ehpad, maintes et maintes fois reporté, avec la création d’une 5e branche de Sécurité sociale faite sans les budgets nécessaires et avec des modalités complexes, qui ne permettent ni aux personnes âgées ni au reste de la population d’en mesurer l’intérêt…

La récente campagne présidentielle a été également à l’image de cette société qui se refuse toujours à prendre en compte l’urgence de faire face à cette inéluctable mutation démographique. C’est finalement un livre choc sur des faits de maltraitance en Ehpad qui a fait sortir les candidats de leur mutisme sur la prise en charge du grand âge. Et les propositions sont restées bien floues, peu détaillées, trop centrées sur une approche médicalisée, en résumant la vieillesse à la maladie et à la perte d’autonomie. Et si le nouveau projet présidentiel d’Emmanuel Macron pour les cinq ans à venir évoque “le défi du vieillissement”, ses propositions restent bien sommaires. Il s’agit d’augmenter la pension minimale à taux plein à 1 100 euros par mois. Ce qui est indispensable mais nettement insuffisant. Car cette revalorisation ne concerne pas celles et ceux qui sont au minimum vieillesse avec une carrière incomplète, condamnés à rester jusqu’au bout de leur vie sous le seuil de pauvreté. Si le maintien à domicile est évoqué, c’est en se focalisant sur la création d’un interlocuteur unique pour les personnes âgées et leurs familles, ainsi que sur une prime d’adaptation pour le logement. Pour les Ehpad, enfin, sont annoncées une augmentation du personnel et l’amélioration de la coordination entre résidents, familles et soignants.

Lutter contre l’âgisme

On ne peut que se féliciter de propositions visant à simplifier et à rendre la vie des personnes âgées plus aisée, même si certaines propositions avaient déjà été promises il y a plusieurs années. Mais l’amélioration des conditions de vie des aînés ne peut se résumer à ces quelques mesures. Comment lutter contre l’âgisme qui gangrène toujours la société, avec un flot de propos haineux sur les réseaux sociaux pendant la crise sanitaire, et d’autres tout aussi virulents, entre les deux tours de l’élection présidentielle, pour critiquer le vote des plus âgés ? Comment laisser aux personnes âgées le choix de penser leur parcours résidentiel, en proposant des solutions entre le domicile et l’Ehpad qui correspondent à l’évolution de leurs besoins ? Comment améliorer l’accessibilité et la mobilité en milieu urbain comme en milieu rural, pour qu’elles puissent continuer à se déplacer et à vivre leur quotidien ? Comment améliorer l’accès aux soins sans miser uniquement sur la télémédecine pour mettre fin aux déserts médicaux ?

Quant à l’isolement, ce fléau qui fragilise de plus en plus les personnes âgées et aggrave la perte d’autonomie, le projet de notre président de la République évoque “plus de présence des aides à domicile auprès de nos aînés en instaurant deux heures de convivialité par semaine pour réduire leur solitude tout en améliorant les conditions de travail des professionnels”. Que doit-on comprendre ? Que les personnes âgées vont aussi devoir payer le lien social et la convivialité, en plus des indispensables et précieuses prestations réalisées par les structures d’aide à domicile qui ont déjà du mal à faire face à la demande actuelle ?

Nous, Petits Frères des pauvres, qui accompagnons au quotidien des milliers de personnes âgées souffrant de solitude, d’isolement, de précarité, appelons à ce que ce nouveau quinquennat prenne rapidement en compte les enjeux de la transition démographique, en mettant en place des actions qui répondent vraiment aux attentes, aux besoins et aux difficultés de nos aînés. Dans très peu de temps, nous allons élire des femmes et des hommes qui ont décidé de s’investir auprès des citoyens, dont des millions de personnes âgées. Ces futurs députées et députés vont participer à la construction de notre projet de société pour les années à venir. Leur rôle sera donc essentiel pour répondre aux enjeux du vieillissement et pour favoriser, dans de nombreux domaines, une société la plus inclusive possible pour les aînés, et tout particulièrement les plus démunis, les plus fragiles.

Nous appelons également de nos vœux le renforcement du pacte entre les générations, sans verser dans un discours d’opposition, comme l’ont fait, durant plusieurs jours, des responsables politiques. Arguant d’une réforme des retraites indispensable pour financer la dépendance. Avec le risque de laisser entendre aux plus jeunes qu’ils vont devoir travailler plus longtemps à cause des plus vieux.

Droit universel à la compensation

Nous souhaitons également que le projet de loi “grand âge et autonomie” soit réinscrit dans les priorités gouvernementales, sous la houlette d’un ministère délégué à l’autonomie, qui couvrirait le champ des personnes âgées et celui du handicap. Mais aussi que les politiques publiques prennent en compte de façon transversale les problématiques des personnes âgées. Le dispositif de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) n’apparaît pas satisfaisant, notamment en raison des disparités territoriales dans ses modalités d’octroi. Il devient indispensable d’instaurer un droit universel à compensation pour l’autonomie, quels que soient l’âge et l’origine de la situation de handicap et de dépendance. Une prestation unique pourrait ainsi être construite, dans un premier temps, par le rapprochement de l’APA et de la prestation de compensation du handicap (PCH). N’ayons plus à faire le cruel constat d’un parallèle avec l’inertie politique qui a concerné la transition écologique pendant de longues années. Ne faisons pas, une fois de plus, une fois de trop, des personnes âgées les oubliées du quinquennat ! »

Pour débattre : debat.ash@info6tm.com

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