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Ehpad : l'association GreyPride sensibilise à l’accueil des personnes âgées LGBT+

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Crédit photo Robert Reed - stock.adobe.com
Pour lutter contre l’invisibilisation des personnes âgées homosexuelles en établissement d’hébergement, l’association GreyPride s’attache à sensibiliser les professionnels au respect de l’intimité et à la diversité des orientations sexuelles à travers une formation.

Jusqu’en 1981, l’homosexualité était considérée comme une maladie mentale en France. Les actes « impudiques ou contre nature » n’ont cessé d’être passibles d’emprisonnement qu’en 1982. Bon nombre de résidents d’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ont donc vécu des arrestations, humiliations et agressions en raison de leur orientation sexuelle. Par crainte des discriminations, certains préfèrent encore cacher leur homosexualité. Dès lors, difficile de connaître le nombre exact de seniors concernés en établissement. Seule certitude : « Ils sont invisibles », déplore Francis Carrier, président fondateur de l’association GreyPride, qui lutte, entre autres, pour le respect de la sexualité et de l’identité des personnes âgées.

« Quand on demande à un directeur s’il y a une lesbienne ou un gay dans son Ehpad, dans 90 % des cas la réponse est négative, fulmine-t-il. Or il y aurait en France plus d’un million de seniors LGBT. Il y a donc un problème. » Pour mettre fin à leur isolement et faire en sorte que ces personnes puissent vivre pleinement leur sexualité, il a décidé de lancer, fin 2021, le label « GreyPride bienvenue », « pour une démarche inclusive, respectueuse de la diversité de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre des personnes âgées ». Car, selon lui, le réflexe de dissimulation est encore trop important : « Par crainte d’être ostracisées, les personnes préfèrent mentir sur leur orientation sexuelle. Mais je ne vois pas pourquoi on devrait se taire, se cacher et nier ce qui est une composante importante de notre vie. »

Thierry Levasseur, cofondateur du cabinet TLC (organisme de formation partenaire du label) va dans le même sens : « Nier la sexualité des individus, c’est les amputer d’une part d’eux-mêmes. Ne pas les considérer comme des personnes à part entière mais juste comme des objets de soins primaires : leur donner à manger, leur faire leur toilette, les occuper, assurer leur sommeil… L’aspect plus intime, existentiel, est évacué des dispositifs. C’est de la maltraitance. » Leitmotiv de la démarche : l’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées passe nécessairement par le respect de ce qu’ils sont.

Le problème, c’est la sexualité

Fin avril, les Ehpad Annie Girardot, à Paris, et Harmonie, à Boissy-Saint-Léger, dans le Val-de-Marne, qui appartiennent tous deux au centre d’action sociale de la ville de Paris, ont été les premières structures à suivre la formation dédiée conçue par GreyPride. Celle-ci se divise en deux temps : un socle commun de deux jours de discussions, d’échanges de bonnes pratiques, de contextualisation, et deux journées supplémentaires pour former les référents au sein de l’Ehpad. Avec pour objectif principal de libérer la parole des professionnels sur leur difficulté à gérer cette question. « Pour des raisons d’éducation, de culture, de religion, les soignants peuvent être gênés face à la sexualité de l’autre, rapporte Aurélie Lieuchy Ségur, la formatrice. S’ajoute le phénomène de projection de sa propre sexualité ou de celle de ses parents ou grands-parents. » Autrement dit par Gwendoline Martins de Abreu, psychologue des résidents et des familles de l’Ehpad Annie Girardot : « C’est la sexualité en général qui pose problème en établissement, et non l’homosexualité en particulier. » La formation tente surtout de faire comprendre aux professionnels que la sexualité, la vie affective des résidents ne sont pas anecdotiques. Et que toute manifestation d’un désir ne doit pas être considérée comme inappropriée, mais acceptée et gérée dans toute sa diversité.

Au cours des deux jours de sensibilisation, les concepts de santé et d’orientation sexuelles, d’intimité, les notions de genre, de transidentité, de respect… sont abordés. Ces temps d’échanges permettent aussi aux professionnels de confronter leurs points de vue et de questionner leur comportement. Le but est de les inciter à réagir sur les situations suivantes, par exemple : « Je viens d’apprendre que madame Y est séropositive », « Madame X, monsieur Y se masturbent en public », « Madame X, monsieur Y manifestent à mon égard un intérêt d’ordre sexuel », « Madame X, monsieur Y demandent une revue porno, un sextoy ou un film X »… Ou encore la prise en compte des personnes transgenres, l’accueil d’un couple homosexuel ou la gestion de la famille en cas de relation extraconjugale dans l’établissement. « A l’Ehpad Annie Girardot, nous avons déjà reçu des personnes homosexuelles, expose Sandrine Tsong, responsable de la vie sociale de l’établissement. Il n’y a eu aucun problème, nous n’avons pas différencié notre prise en charge. Mais c’est vrai que la sexualité est encore assez tabou dans les Ehpad. Cela pose véritablement problème. En se formant, nous avons des outils supplémentaires pour mieux aborder le sujet et revoir nos pratiques. »

L’autre intérêt de cette approche est qu’elle n’est pas réservée aux seuls soignants. A l’Ehpad Annie Girardot, deux animatrices, une infirmière, une aide-soignante, le gestionnaire et un agent de cuisine ont également suivi la formation. « Il est nécessaire d’associer tous les professionnels de l’établissement surtout dans le cadre du respect de l’identité sexuelle, estime Gwendoline Martins de Abreu. Le jour où l’on accueillera une personne transgenre, il est important que les agents de cuisine sachent s’adresser à cette personne en fonction de son souhait d’être considérée comme un homme ou une femme, par exemple. »

Une nouvelle génération de résidents

Après le cursus de sensibilisation, seuls les futurs référents poursuivent la formation. Au programme : leur mission au sein de l’établissement et les actions à mettre en place pour déjouer les blocages et faire en sorte que la démarche se pérennise. « Ce rôle ne s’improvise pas, assure Aurélie Lieuchy Ségur. Nous leur donnons les pistes et les outils pour être le plus efficace possible. Nous leur conseillons, par exemple, de mettre en place des groupes de parole réguliers, en faisant participer à la fois les résidents, les familles et les professionnels. » Gwendoline Martins de Abreu et Sandrine Tsong ont déjà organisé une première réunion de ce type après leur formation. L’occasion de se rendre compte que tout le monde n’aborde pas le sujet de la même manière. « Pour certains, cela ne pose aucun problème. D’autres, encore maintenant, perçoivent l’homosexualité comme une déviance, relate la psychologue. Il est donc important que l’on soit formé pour dialoguer avec eux, sans les braquer. » Une révolution culturelle qui passe par des animations – ateliers de lecture ou d’écriture – sur la vie affective et sexuelle, l’achat de revues, films ou objets érotiques réclamés par des résidents…

Ce temps d’échanges a aussi permis aux deux référentes de se rendre compte de l’importance du travail à effectuer auprès des familles. « Les proches n’imaginent jamais que leur parent peut encore avoir une vie sexuelle. Si un fils, une fille entre dans la chambre pendant l’acte, nous devons trouver les mots pour expliquer, rassurer », analyse Sandrine Tsong.

L’intérêt de l’exercice est d’autant plus vif que les Ehpad sont actuellement dans une phase de transition. Deux générations bien différentes cohabitent. Les plus de 90 ans et les moins de 80 ans se confrontent, ils n’ont ni les mêmes attentes ni les mêmes besoins. « Le résident qui a 85 ans aujourd’hui avait à peine 30 ans en mai 68. Il a été influencé par Led Zeppelin, The Who et autres groupes de rock, souligne Thierry Levasseur. Le profil de cette personne diffère complètement de celle qui a dix ou quinze ans de plus. Des écarts grandissants qui justifient de prendre en compte cette évolution dès à présent. »

Après les Ehpad Annie Girardot et Harmonie, l’ensemble des établissements de la ville de Paris devraient suivre cette formation dans les mois à venir. « De nombreuses autres institutions se sont aussi montrées intéressées dans toute la France », assure Francis Carrier pour qui, en réalité, « cette initiative devrait être intégrée dans les formations initiales et continues de tout le secteur médico-social ».

Une maison de la diversité à Lyon

Pour lutter contre les discriminations et l’isolement des seniors LGBT+, l’ancien directeur d’Ehpad Stéphane Sauvé (voir ASH n° 3077), inspiré par des réalisations étrangères (Allemagne, Pays-Bas, Etats-Unis…), entend créer une Maison de la diversité. Cet habitat participatif serait « un lieu et un mode de vie choisis, destiné principalement aux seniors LGBT+ autonomes ou fragilisés, ancré au cœur de la cité, ouvert à la vie de quartier, dans un environnement sécurisant ». Plusieurs fois repoussé, le tout premier modèle devrait finalement ouvrir ses portes à Lyon en 2024.

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