« Au début, j’avais peur de l’inconnu. Je ne connaissais rien au cinéma et j’appréhendais beaucoup. » Au chômage depuis mai 2019, Nathalie Tailleux participe avec une dizaine d’autres demandeurs d’emploi, âgés de 55 à 66 ans, à la réalisation d’un court-métrage. De l’écriture du scénario au mixage, chacun est amené à travailler sur les différentes étapes de production du film. Ce projet, porté par l’Institut national de formation et de recherche sur l’éducation permanente (Infrep) et la jeune association normande Biti VOD, une plateforme de courts-métrages solidaire, vise à remobiliser les chômeurs de plus de 50 ans, particulièrement touchés par le chômage de longue durée. « Le cinéma est un excellent support. On observe un changement significatif chez les personnes accompagnées. Elles prennent la parole plus facilement, leur posture change », assure Sébastien Dubost, directeur régional Infrep Normandie. Nathalie Tailleux confirme : « Il y a six mois, je n’aurais jamais répondu au téléphone, je ne disais pas un mot. Maintenant, j’ose ». Le travail d’équipe a joué un rôle important dans sa prise de confiance. « Devoir trouver ma place au sein du groupe m’a beaucoup aidée, explique-t-elle. Quand nous avons commencé à écrire le scénario, il fallait prendre en compte les envies des uns et des autres. Ça a donné lieu à de grandes conversations. »
Le projet permet également de développer de manière plus ou moins détournée des savoir-être et des savoir-faire. Des enseignements ont pu être tirés de l’écriture du film pour de futures candidatures. « Nous leur expliquons que le storytelling peut s’appliquer à la vie de tous les jours. Lors d’un entretien d’embauche, il est par exemple possible de raconter une histoire, son histoire, rapporte Dominique Leguen co-fondateur de Biti VOD. Le message que l’on fait passer, c’est que le discours peut être construit en amont, comme c’est le cas pour la réalisation d’un film. »
Projections à venir
L’organisation du tournage et des plannings a, quant à elle, permis l’acquisition d’un certain nombre de connaissances pratiques. « Beaucoup avaient des sueurs froides à l’idée d’ouvrir un fichier Word ou Excel. Maintenant, ils savent utiliser ces logiciels, car ils ont dû créer des feuilles de route et mettre en page l’écriture du scenario », poursuit Dominique Leguen. Le film a, par ailleurs, été un prétexte pour utiliser les réseaux sociaux. Lorsque les participants ont dû trouver un lieu de tournage et planifier le casting, ils ont été amenés à effectuer des recherches et à poster des annonces. « Ce sont des petites tâches qu’on n’aurait jamais eu l’occasion de réaliser dans la vie courante, témoigne Nathalie Tailleux. Et puis, on a vu nos démarches aboutir, c’est stimulant. »
Le court-métrage, tourné dans la boutique d’une chaîne de produits bio, met en scène un jeune homme chef de magasin et hôte de caisse, décrédibilisé par une cliente à cause de son jeune âge. Là encore, il s’agit d’un moyen détourné de parler de ce que peuvent vivre les chômeurs. « Ils s’entendent souvent dire : “Vous êtes trop vieux pour être employé”, pointe le cofondateur de Biti VOD. Sans être frontal, le film est une façon d’aborder le sujet de la discrimination lié à l’âge. » Actuellement en phase de montage, le court-métrage doit être projeté à Cherbourg fin février, puis au Grand Rex, à Paris, en mai, dans le cadre du concours « Je filme le métier qui me plaît ». L’occasion pour les demandeurs d’emploi de nouer des contacts et de récolter les fruits de leur travail. « On se demande comment le film va être reçu, mais on est fiers de nous ! », s’enthousiasme Nathalie Tailleux.
