Certains revendiquent des milliers d’adhérents, piliers de la vie associative ou simples sympathisants donateurs. D’autres en comptent une poignée, cantonnée à des fonctions dirigeantes lorsque certains n’en ont tout simplement pas. A chaque association sa définition de l’adhésion. « Chacune traduit cette question, non normée, en fonction de son champ d’activités, son histoire, sa culture, explique Hubert Pénicaud, responsable de l’engagement citoyen à Aurore et membre de France bénévolat. Beaucoup n’ont pas formalisé ce que la logique de l’adhésion recouvrait pour elles. » C’est ce que soulignait aussi une étude portée par l’Uniopss en 2020 – « L’adhésion dans les secteurs social, médico-social et santé, un levier de dynamique associative ? » : contrairement aux enjeux économiques, la question de l’adhésion, et donc de l’articulation entre adhérents, bénévoles de terrain, professionnels et usagers, demeure encore insuffisamment pensée. Pourtant, les enjeux sont cruciaux. « Les associations du secteur social et médico-social sont, certes, des opérateurs de la commande publique. Mais l’erreur serait de penser qu’elles ne sont que des opérateurs », estime Guillaume Fritschy, directeur de l’Uriopss Occitanie. On oublierait ce qu’a été la construction du secteur. Si l’association offre des prestations pour venir en aide aux plus vulnérables, elle a aussi vocation à promouvoir l’observation sociale, à être en capacité d’alerter les pouvoirs publics, à mobiliser les citoyens. Elle ne peut donc se vivre comme un sous-traitant de la commande publique. »
L’adhésion recouvre des réalités très diverses. Mais elle sous-tend l’idée d’un engagement politique, complémentaire au bénévolat de terrain. Elle porte en elle la représentativité de l’association, notamment dans ses relations avec les pouvoirs publics. Elle donne ainsi du sens à l’action et constitue un levier pour dynamiser le projet associatif. Tout l’enjeu des organisations réside alors dans la mobilisation de ses membres. « Selon la capacité des associations à interagir avec leur environnement, selon la capacité des conseils d’administration à s’ouvrir à des profils différents, à des réseaux et interconnaissances divers, à communiquer auprès du grand public, certaines sont en difficulté, d’autres non », constate Guillaume Fritschy.
A Landerneau, dans le Finistère, l’association Don Bosco, qui compte près de 1200 salariés, a mené un réel travail pour développer le nombre de ses adhérents et favoriser leur implication. Une question de conviction : « Face à une société qui a tendance à faire de nous des consommateurs ou des ayants droit, on défend l’émancipation des personnes. Et on veut développer le pouvoir d’agir des citoyens. En ce sens, l’adhérent exprime sa citoyenneté. » Impliquée entre autres dans le champ du handicap, Don Bosco a souhaité élargir sa représentativité, sans rester cantonnée par exemple aux seuls parents d’usagers. Son conseil d’administration compte ainsi deux collèges : l’un composé de personnes sous contrats avec l’association (usagers, familles et salariés) ; l’autre, toujours majoritaire, est constitué de citoyens désireux de participer au développement du projet. Les adhérents paient une cotisation, faible, de 15 €. Mais leur contribution, plus que financière, est intellectuelle. Ils sont attendus pour penser et construire le projet aux côtés des usagers et des salariés, au sein par exemple de commissions de travail thématiques. Symbole de sa volonté de maintenir la capacité d’initiative des citoyens, Don Bosco a créé un fonds de dotation, alimenté par des dons ou du mécénat d’entreprises. Sa raison d’être : financer des besoins sociaux jusque-là sans réponse. L’objectif étant, une fois la nécessité de l’action reconnue, d’obtenir la contribution de la puissance publique. Ce fut le cas par exemple pour des places de crèches créées pour des parents qui n’y avaient pas accès ou pour l’hébergement de jeunes exilés, tout juste devenus majeurs.
Se montrer attractif
Mais si le citoyen a toute sa place dans le projet associatif, encore faut-il parvenir à l’attirer. Et c’est là où, bien souvent, le bât blesse. « Est-on attractif ? interroge Guillaume Fritschy. Je n’en suis pas certain… Parce qu’on est un secteur très réglementé, qui s’est considérablement professionnalisé au gré du financement de ses activités par la puissance publique, on est parfois perçus comme des annexes de services publics. » Le directeur de l’Uriopss Occitanie pointe les écueils du secteur : « Le projet associatif est parfois un point de faiblesses de nos organisations, pas assez portées sur l’engagement politique. » S’ouvrir vers l’extérieur suppose de communiquer. « Il est possible d’accueillir dans ses locaux, à côté des activités réglementées, des projets culturels accessibles à tous. Recevoir des conférenciers sur le thème des humanités représente aussi un moyen de mobiliser des personnes sensibles aux enjeux politiques. » C’est ce qu’organise par exemple Don Bosco. Chaque année, une causerie réunit des intervenants extérieurs sur des thématiques généralistes, jamais techniques, permettant de découvrir les projets de l’association et de communiquer sur une vision de société. Informer, c’est aussi investir les réseaux sociaux. Et ne pas négliger le bouche-à-oreille, estime Elisabeth Pascaud référente nationale « vie associative » à France bénévolat. « Il est important aussi d’informer de manière concrète sur les actions et la stratégie de l’association, sur ce qu’on attend des bénévoles ou des adhérents et les raisons pour lesquelles ils sont essentiels à la vie de l’association. »
Un adhérent, une fois engagé, doit être fidélisé. « Une structure a des devoirs par rapport à son bénévole : elle doit l’intégrer, le former, lui permettre d’évoluer dans ses missions », explique Coline Cosserat, coordinatrice nationale du bénévolat aux Petits Frères des pauvres. Pas de cotisation ni de carte de membre – bien qu’une réflexion soit en cours : les bénévoles sont sollicités, six mois après leur premier engagement, pour devenir, non pas adhérent, mais membres actifs de l’association. Quelque 2 000 personnes parmi les 13 800 bénévoles peuvent ainsi participer à l’assemblée générale, et prétendre, deux ans après, être élues au conseil d’administration. « La fidélisation commence dès le premier contact : on prend le temps de rencontrer les bénévoles, d’apprendre à les connaître. On les accompagne grâce à un système de parrainage. Et on permet à ceux qui le souhaitent d’évoluer. Notre centre de formation constitue ainsi une belle reconnaissance du statut de bénévole, explique Coline Cosserat. Il convient d’être à l’écoute des besoins et de remercier les bénévoles. » Et pour renforcer le sens de l’action, un poste a été créé pour mesurer l’impact de l’engagement sur les personnes accompagnées.
Parce que le lien social demeure le moteur de l’engagement, l’animation de la vie associative est essentielle. « Avoir des lieux pour réunir les gens s’impose, estime Hubert Pénicaud à Aurore. Des lieux de qualité avec un niveau d’animation et de partage de la parole très fort. Mais aussi des espaces plus informels qui permettent de fêter un anniversaire, d’organiser des événements culturels ou sportifs. » Seul écueil : le financement de l’action sociale, orientée vers la gestion des établissements et de ses services, ne facilite pas toujours la création de postes salariés dédiés au développement de la vie associative. Autre défi, de taille : favoriser la diversité culturelle et générationnelle dans les instances dirigeantes. « Les profils d’administrateurs restent compliqués à trouver, reconnaît Coline Cosserat. A nous de proposer un engagement électif différent, plus souple, laissant plus de place à des réunions en distanciel pour des personnes moins disponibles. Et d’ouvrir nos instances. »
Les associations ne peuvent apporter de conseils juridiques qu’à leurs adhérents. Aussi certaines prestations fournies s’avèrent-elles dépendantes d’une adhésion. A l’image d’Handi-Droits, un outil mis en place par APF France handicap visant à traiter toutes les demandes d’ordre juridique de ses membres. Il leur suffit de s’adresser à leur délégation départementale et, en fonction du niveau de complexité de leur sollicitation, des référents territoriaux (bénévoles ou salariés formés à l’accès aux droits), des coordinateurs régionaux ou les juristes présents au siège national leur apportent des réponses individualisées.