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Métiers de la coordination : une place qui se structure

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Crédit photo adobe stock
L’autodétermination et la désinstitutionnalisation dopent les besoins de coordination des parcours. Les établissements de personnes handicapées créent aujourd’hui des postes dédiés, remaniant la répartition des missions au sein des organisations.

Dans sa structure, elle est la première « assistante aux projets et parcours de vie ». Jeune éducatrice spécialisée dans un dispositif « institut thérapeutique, éducatif et pédagogique » (Ditep), puis dans un foyer d’hébergement à l’Alefpa (Association laïque pour l’éducation, la formation, la prévention et l’autonomie) en Nouvelle-Aquitaine, Manon Suzano a pris ses nouvelles fonctions en février 2021. Elle se tient à la disposition des familles, hors des institutions, qui recherchent du soutien ou des renseignements pour leurs proches, par exemple lors de l’élaboration d’un dossier auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), ou pour les aider à accéder à leurs droits. « On rappelle aux familles que leurs choix ne sont pas restreints. A aucun moment, je ne vais leur dire ce qu’elles doivent faire », précise la jeune femme, satisfaite de cette mise en pratique d’un plus grand pouvoir d’agir des personnes.

A ce jour, 49 autres professionnels, en Nouvelle-Aquitaine et en Ile-de-France, se forment à ce nouveau métier, selon Nexem. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoit 5 millions d’euros pour son déploiement, qui doit, selon ce texte, conforter le dispositif « Communautés 360 » venant proposer des solutions coordonnées aux personnes handicapées. A ce métier s’ajoute celui, antérieur, de « coordonnateur ». Alors que l’assistance aux projets et parcours de vie vise en théorie à redonner du pouvoir d’agir aux familles sans s’y substituer, « le coordonnateur de parcours est aussi au service des professionnels de son association », selon Matthieu Sibé, directeur adjoint de l’Isped (Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement) qui propose un diplôme interuniversitaire préparant à un tel poste. Sous l’impulsion des pouvoirs publics, ces deux métiers partagent la même finalité : personnaliser les projets et penser des parcours, sous l’effet de la désinstitutionnalisation et d’une attention plus marquée à l’autodétermination des personnes.

Postes à temps plein

Directeur de RH &Organisation, Sylvain Jouve observe que les structures s’investissent sur la coordination sous l’influence des appels à projets qui encouragent la création de telles fonctions. « Elles démarrent en attribuant des missions à des professionnels. Mais ceux qui disposent de plus d’antériorité constatent que c’est un nouveau métier et qu’il va s’avérer nécessaire de le structurer », explique-t-il. De plus en plus, « on leur reconnaît une place dans les organigrammes », constate Isabelle Cariat, responsable de formation à l’Andesi (Association nationale des cadres du social), qui anime le réseau de neuf centres de formation qui ont déjà enseigné la coordination à près de 1 000 personnes. Dans les structures, des postes sont créés, parfois à plein temps. Diversement composés, ils prennent des intitulés multiples : coordonnateur de projet, de ressources, de parcours complexes, d’équipe… Le signe, selon elle, de « réalités différentes en fonction du secteur d’activité, du type de public, de ce qui est imposé par les pouvoirs publics ».

Selon le Larousse, « coordonner » vise à « ordonner des éléments séparés, combiner des actions, des activités distinctes ». Une démarche qui peut donc a priori laisser perplexes des établissements. « En interne, on progresse sur la personnalisation des prestations. Mais on parle aussi de “parcours”, car il s’agit aussi de travailler hors les murs », détaille pourtant Gwenaëlle Deleau, coordinatrice « projets/parcours » sur le site Les Genêts (Deux-Sèvres) de l’association Melioris, qui compte un foyer de vie, un foyer d’accueil médicalisé, un service d’accompagnement à la vie sociale et un accueil intermédiaire à Châtillon-sur-Thouet (Gironde). Elle a quitté son poste d’éducatrice spécialisée pour se concentrer sur la formalisation des projets et des parcours, avec deux autres collègues. Une démarche plus rigoureuse qui a, par exemple, permis d’organiser des séances en centre équestre à la demande d’une personne accueillie, ce qui supposait de trouver – en milieu semi-rural – une solution de transport. Ou encore, en interne, d’organiser deux services de restauration pour mieux coller aux rythmes des résidents. A côté de ces attributions, elle consacre 20 % de son temps au pôle de compétences et de prestations externalisées qui vise à proposer une réponse aux familles en attente d’accompagnement.

Dans des services où la culture de coordination est plus avancée, la création de postes se justifie aussi, à entendre Thomas Davallan, coordinateur de parcours personnalisés au sein de la plateforme médico-sociale des Pep 01 dans l’Ain, qui dispose d’une panoplie d’établissements et services médico-sociaux pour les jeunes handicapés. « Les coordinateurs peuvent suivre des situations sur plusieurs services et établissements », indique-t-il. Cette position, indépendante d’un établissement ou service de la structure, augmente les marges de manœuvre, concrétisant un peu plus la notion de parcours. Il raconte le cas d’une jeune suivie par un Sessad (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) qui ne voulait pas sortir de chez elle. Tout le travail a alors consisté à construire et négocier la transition vers un institut médico-éducatif (IME) et à modifier la notification de la MDPH. Pour Francis Feuvrier, le directeur général des Pep 01, le poste de coordinateur permet aux familles « d’avoir un interlocuteur principal, et non une myriade de professionnels ». Et de poursuivre : « Ils sont là pour titiller le système, produire des projets personnalisés, vérifier que les réunions de suivi se tiennent. Ils sont là pour regarder si ce qui a été écrit est appliqué. »

La désinstitutionnalisation à l’œuvre alimente aussi le besoin de coordination. « On constate une multiplication des temps partagés, c’est un changement de profil énorme », souligne Christelle Mazière, coordinatrice de parcours à la plateforme territoriale d’inclusion Jean-Elien Jambon à Coutras (Gironde), qui compte un IME, un Sessad et un Sessad pro. En IME, ces temps partagés augmentent le nombre de jeunes suivis, une place financée pouvant équivaloir à plusieurs accompagnements.

Des organisations à ajuster

La création de ces postes spécialisés bouscule les organisations. C’est déjà un véritable changement de métier pour les éducateurs spécialisés, qui quittent le terrain éducatif pour devenir des spécialistes des projets ou parcours, ainsi que les interlocuteurs attitrés des familles. Ces postes spécialisés entraînent une redistribution des missions au sein des organisations. « On a pris un peu aux éducateurs et un peu aux cadres », poursuit Christelle Mazière. Ainsi décharge-t-elle les chefs de service de la gestion des files d’attente. « Quand on rencontre un jeune et ses parents pour travailler autour du projet, le responsable n’a plus à être là », ajoute-t-elle. La répartition du travail avec les éducateurs sur le terrain a subi plusieurs ajustements. Dans un premier temps, la coordinatrice a repris la main sur la rédaction des projets personnalisés afin de « remettre de la rigueur » et de travailler sur la « pertinence ». Désormais, ce sont les éducateurs référents qui se chargent à nouveau des documents de projet. Christelle Mazière approuve un tel équilibre, qui permet aux éducateurs spécialisés de s’approprier le projet sur le terrain. Au sein du site Les Genêts de Melioris, ces mêmes professionnels, qui ont quitté le terrain pour devenir coordinateurs, ne sont pas remplacés : ce sont les aides médico-psychologiques, les aides-soignantes ou les moniteurs-éducateurs qui prennent le relais, avec la désignation d’un référent pour assurer la coordination d’équipe.

Dans le grand âge, un métier moins apparent

Les établissements et services du handicap se montrent précurseurs dans les métiers de la coordination. Le secteur du grand âge, lui, a encore du retard, malgré de forts besoins. « Dans un Ehpad classique, on va avoir un cadre de santé ou un infirmier coordonnateur, avec 90 % de coordination sur 10 % à l’extérieur », convient Johan Girard, délégué national de la filière « Personnes âgées et domicile » à la Croix-Rouge française. En cause, une offre médico-sociale encore très éclatée entre les Saad (services d’aide et d’accompagnement à domicile) et les Ssiad (services de soins infirmiers à domicile). Mais la donne pourrait peu à peu changer. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, les pouvoirs publics prévoient de financer des « services autonomie » qui rassembleront ces prestations, mais aussi des Ehpad intervenant « hors les murs » et en appui aux professionnels du domicile. En attendant, la définition des besoins de prise en charge se développe déjà à travers le métier très demandé de « gestionnaire de cas » au sein des différentes plateformes de coordination (maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer, plateformes territoriales d’appui…), qui ont vocation à être centralisées au sein des dispositifs d’appui à la coordination d’ici à juillet 2022.

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