Le 3 février dernier, ils confirmaient, via une ordonnance de référé, que les préfets peuvent désormais repousser les journalistes derrière le périmètre de sécurité mis en place lors des démantèlements de camps de migrants. Une décision particulièrement polémique aux yeux des organisations non gouvernementales et de l’ensemble de la société civile. Une interdiction justifiée par – non, ne riez pas – le respect de la dignité des personnes évacuées et la protection des tiers.
Une farce, quand on sait que les associations de terrain ne cessent de dénoncer la violence et l’inhumanité des forces de l’ordre lors de ces opérations. Des juges qui affirment sans ciller qu’éloigner les médias ne porte pas « une atteinte grave et manifestement illégale à l’exercice par les journalistes de leur profession ». En choisissant de rejeter la requête de nos deux confrères, qui documentent régulièrement la misère qui règne dans les camps situés à Grande-Synthe, Coquelles ou Calais, le Conseil d’Etat a confirmé qu’il n’était plus en prise avec la réalité de la société. Confirmé aussi que les ors de la République, qu’ils hébergent les plus hautes instances politiques ou judicaires, ne sont plus capables d’offrir ne serait-ce qu’un semblant d’abri à la justice sociale, à cette fraternité pourtant inscrite au frontispice de nos institutions.
Louis Witter et Simon Hamy ont saisi lundi 15 février la défenseure des droits. Claire Hédon, appelée à se prononcer sur ces pratiques policières, devrait sans surprise dresser le constat d’une entrave manifeste à la liberté de la presse. Au-delà d’une victoire morale attendue, c’est désormais devant la Cour européenne des droits de l’Homme qu’il convient de mener maintenant ce combat.
Les Actualités sociales hebdomadaires assurent de leur solidarité nos deux confrères. La rédaction réfléchit déjà à la manière de chroniquer le quotidien de ces zones de non-droit, de leurs habitants et des travailleurs sociaux qui tentent de les secourir. Rendez-vous d’ici quelques semaines.