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Conventions collectives : des mesures d’urgence s’imposent

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Businesswoman Holding Magnifying Glass

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Crédit photo Andrey Popov - stock.adobe.com
Revalorisations salariales, harmonisation des droits, reconnaissance des professionnels… Les motifs invitant les partenaires sociaux à étudier une mise en cohérence des conventions collectives abondent. Avant même d’en imaginer une qui couvrirait l’ensemble du social, du médico-social et du sanitaire non lucratif. Mais dans un secteur où le dialogue social s’avère difficile, cette réforme est menée à pas comptés.

La convention collective nationale (CCN) 66 accorde annuellement 18 jours de congés trimestriels aux salariés. La CCN 51, quant à elle, 9 jours à certains professionnels, 18 jours à d’autres. Des jours de congé d’ancienneté existent dans la CCN 66, et pas dans la 51. De même, les règles diffèrent entre ces deux dispositifs conventionnels en matière de carence en cas de maladie. Ces écarts représentent autant de sources d’injustices pour les professionnels qui se voient inégalement traités alors qu’ils exercent parfois les mêmes métiers, ou des freins à leur mobilité. Pour les employeurs, cela compose un casse-tête pour harmoniser les droits notamment en cas d’absorption d’établissements ou de fusions entre associations. Dès lors, l’idée d’une convention unique fait son chemin dans l’esprit de certains, employeurs et syndicats. Cela s’inscrirait par ailleurs dans l’objectif gouvernemental de réduire le nombre de branches, déjà ramené en cinq ans de plus de 700 à 200, lequel vise à n’en conserver que 70 à 80.

« La CFDT demande cette convention unique depuis les années 1970 », s’amuse Benjamin Vitel, secrétaire fédéral CFDT chargé du secteur associatif sanitaire et social. Pour leur part, les employeurs ont créé en avril 2017 Axess, une confédération qui regroupe ceux du secteur sanitaire, social et médico-social non lucratif (la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne, la Croix-Rouge française, Nexem et Unicancer). Le but affiché consiste à doter le secteur d’une représentation patronale unique qui travaillerait à son organisation, à sa structuration. Cette création est intervenue après un « clash » majeur entre les membres d’Unifed, la structure qui précédait. Laquelle avait explosé en vol, les uns et les autres revendiquant d’y exercer le leadership et d’y faire valoir leurs propres points de vue et projets politiques. Aujourd’hui, la hache de guerre semble enterrée. « On se parle, même si, parfois, c’est pour nous disputer », confie l’un de ses représentants. Et tous soulignent l’impératif de réformes conventionnelles. Si non, d’emblée, au sein d’une convention unique, du moins à l’intérieur de leurs champs respectifs (voir page 10). Mais la route promet d’être encore longue.

Pourtant, il y a urgence. D’abord, parce que, pour l’heure, 200 000 salariés du secteur ne sont couverts par aucune convention collective. Ils bénéficient seulement d’accords étendus en matière de formation et de travail à temps partiel dans le cadre de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif (Bass). Pour le reste, leur seule protection réside dans le code du travail et dans un éventuel accord d’entreprise. Ensuite, travailler à harmoniser les conventions collectives porterait enfin la prise en compte d’importants enjeux salariaux. Nombre de professionnels commencent leur carrière avec des salaires inférieurs au Smic, ce qui conduit les employeurs à verser chaque mois des compléments pour qu’ils atteignent le salaire minimum. « On doit revaloriser les salaires. C’est un investissement nécessaire, pas une charge supplémentaire », défend Charlotte Ballero, directrice des ressources humaines (DRH) de la Croix-Rouge française, qui pointe aussi le risque de « dumping social » de la part des autres secteurs, public et privé lucratif.

 

Les conventions actuelles ne répondent pas aux enjeux

Revalorisés, les salaires devront également se voir harmonisés pour éviter les différences de traitement. Aujourd’hui, on est mieux payés en début de carrière dans un établissement régi par la CCN 51, mais mieux vaut la terminer dans une structure placée sous l’égide de la CCN 66. « Cela génère un gros turn-over et une difficulté à recruter dans des métiers déjà en tension », observe Nathalie Pinto, DRH d’APF France handicap, régie par la CCN 51 et adhérente de la Fehap. Dès lors, lorsque l’association intègre un établissement jusque-là régi par la CCN 66, elle doit mettre en place des indemnités différentielles qui diminuent à mesure que l’ancienneté augmente et fait mécaniquement progresser le salaire. Cela revient à bloquer la rémunération pendant dix ans… « Dans ce secteur, la convention se substitue parfois à la prérogative traditionnelle de l’employeur dans sa politique de rémunération », note Loïc Saroul, senior manager chez Alixio, le cabinet conseil qui accompagne Axess dans le projet de réforme des conventions collectives. Lequel a commencé par établir un diagnostic RH pour identifier des points de convergence. Loïc Saroul prévient : « Il ne s’agit pas de réaliser un ajustement cosmétique des dispositions conventionnelles. Les CCN 51 et 66 ne répondent pas aujourd’hui aux enjeux du secteur. »

 

Un dialogue social à construire

Nathalie Pinto ne dit pas autre chose quand elle observe que la CCN 51 n’est pas innovante, bien qu’elle ait été revue en 2002, soit plus récemment que la 66 : « Il s’agit toujours d’un métier, d’un coefficient et d’une ancienneté, qui se déroule sans perspectives d’évolution, sauf à passer un nouveau diplôme d’Etat. Cela freine l’implication de la personne dans son travail puisqu’elle n’est pas reconnue. Et c’est limitatif pour l’employeur. » De plus, de nouveaux métiers ne sont pas répertoriés par les textes conventionnels et les inégalités de traitement engendrent mal-être au travail et frein aux mobilités, souligne Benjamin Vitel, qui affirme : « Les risques psychosociaux comptent parmi les premiers accidents du travail, avec les troubles musculosquelettiques. »

Les employeurs interrogés semblent tous avoir pris conscience de l’urgence de réformer le cadre conventionnel et de faire converger les dispositions réglementaires. « C’est vital pour le fonctionnement du secteur », clame Charlotte Ballero. Comme ses partenaires à la négociation, la Croix-Rouge française dénonce les effets pervers du Ségur de la santé, qui ajoute à ces inégalités : un grand nombre de professionnels, du handicap notamment, n’ont pas été revalorisés tandis qu’ils effectuent les mêmes missions que des intervenants prenant soin de personnes âgées. De quoi entamer encore l’attractivité du secteur, déjà mise à très rude épreuve depuis plusieurs années.

Une fois les constats partagés, les moyens communs d’y remédier demeurent complexes à élaborer. Cela semble peu dire que le dialogue social reste à construire. Entre employeurs, pour commencer, tant les objectifs des uns et des autres sont parfois divergents. Par exemple au sein de la CCN 51 : les adhérents qui accompagnent les personnes handicapées voudraient voir les plus petits salaires revalorisés en priorité, tandis que certains, dans le secteur sanitaire, plaident davantage pour la revalorisation des médecins. Surtout, la construction d’une branche commune soulève d’importants enjeux liés à la représentativité. « Aujourd’hui, le secteur sanitaire pèse 35 à 40 % dans la CCN 51. Dans une convention collective étendue, il pèsera 15 à 20 % », indique Antoine Perrin, directeur général de la Fehap. Résultat : « Certains jouent encore bien peu collectif », note une partie prenante de la négociation, qui regrette que le dialogue social demeure bien trop accaparé par des experts, des juristes, freinant l’adoption de mesures même positives pour tout le monde.

« Il est vraiment dommageable pour les salariés que cela n’avance pas », énonce Benjamin Vitel. Mais la faute ne serait pas seulement à imputer aux employeurs… D’aucuns évoquent des conservatismes de représentants syndicaux. D’autres observateurs remarquent que tous, employeurs et salariés du secteur, ont une culture proche du service public mais se retrouvent pris dans des enjeux d’entreprise classiques. Enfin, l’avenir peut sembler mouvant à certains, notamment du fait du développement des certifications, qui pourrait favoriser la professionnalisation plutôt que la qualification, encore chère à des partenaires sociaux.

Loïc Saroul en est certain : après l’appropriation des enjeux en amont des négociations, un long travail de pédagogie devra être réalisé en aval, auprès des adhérents, pour la mise en œuvre des accords. A moins que l’argument de Dorothée Bedok, directrice générale de Nexem, ne fasse rapidement mouche : « Il nous faut structurer le secteur pour peser davantage dans les politiques publiques et pérenniser notre champ d’intervention, qui manque de financements. »

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