« Nous avons perdu un an de notre vie. Or, pour nous, les années comptent triple ou quadruple. Elles sont limitées. Si on peut éviter de continuer à en perdre, ce serait bien d’alléger nos restrictions », a déclaré, lors d’une conférence de presse le vendredi 12 février, Philippe Wender, 83 ans, président de Citoyennâge, association qui a pour vocation de porter la voix des personnes âgées en établissement. Et d’ajouter : « En effet, tant qu’à être vacciné, autant en tirer quelques bénéfices. »
Pour l’association, le gouvernement doit rapidement se positionner sur quatre assouplissements répondant « à une nécessité vitale ». Le premier est un retour à la normale des visites des proches. Ce qui implique de pouvoir les recevoir en « toute liberté et intimité » dans leurs logements plutôt que dans des salles réservées.
Le deuxième assouplissement demandé par Citoyennâge est de pouvoir retourner dans les familles, et ce, sans quarantaine au retour. « Cela nous permettrait de voir plus de monde en même temps, notamment les petits-enfants, ceux qui ont grandi, ceux qui viennent de naître. En un an, nous avons perdu une partie de nos liens familiaux », déplore Philippe Wender.
20 % des résidents ont déjà reçu la seconde dose
La troisième requête concerne la vie sociale en établissement : il faut mettre fin aux cloisonnements des activités et des animations par étages. Enfin, « notre dernière demande est très pratique et, je suppose, très facile à mettre en œuvre : nous ne voulons plus de distanciation sociale lors des repas, renseigne le président de Citoyennâge. Ce n’est pas normal. Nous perdons toute convivialité. »
A l’heure actuelle, selon les chiffres publiés jeudi 11 février, 430 910 résidents d’Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et d’USLD (unité de soins de longue durée) ont reçu la première dose de vaccin (soit 69 % des résidents) et 125 592 la seconde dose (soit 20 %). Dans les semaines à venir, la couverture vaccinale devrait donc être proche des 80 %. C’est pourquoi le cabinet de Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l’autonomie, admet qu’une réflexion « est en cours » à ce sujet. « Le Haut Conseil de la santé publique ainsi qu’Alain Fischer devraient être saisis sur la question d’ici quelques jours. Si l’avis du conseil scientifique va dans le sens d’un assouplissement du protocole, et après consultation des acteurs, des décisions pourraient être prises. S’agissant du calendrier, cela dépendra du délai nécessaire au conseil scientifique pour rendre son avis », nous a fait savoir le ministère.
Pour Yann Reboulleau, président du groupe Philogéris, qui compte plus de 15 Ehpad, « dans les structures où la majorité des résidents est vaccinée, la vie normale doit reprendre son cours ». Et d’ajouter : « Nous avons “vendu” ce vaccin en disant qu’il apportait 95 % de protection contre les formes graves de la maladie. Une partie significative des résidents et de leurs proches ne comprendrait donc pas pourquoi cela ne serait pas bénéfique. » Le président du groupe Philogéris verrait d’ailleurs d’un bon œil que des annonces en ce sens soient prononcées le 11 mars, date anniversaire du confinement des Ehpad.
L’AD-PA va saisir le CCNE
Pour Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées),« il y a peu de chance d’attraper le virus quand on est vacciné. Mais il y a des risques réels de troubles psychiques, dépressions, troubles du comportement, et de chutes de la part de personnes âgées qui ne sortent plus et ne font plus d’exercice physique ».
Mais faut-il aussi assouplir les restrictions pour les résidents non vaccinés ? La question se pose. Il s’agit même d’un « problème éthique majeur », selon Pascal Champvert. « Les non-vaccinés doivent-ils avoir autant de droits que les vaccinés ? Les vaccinés doivent-ils voir plus de droits que les non-vaccinés ? Faut-il des positions différentes en fonction des situations ? Sur ces questions il n’y a pas de consensus à l’AD-PA, admet-il. Preuve que les directeurs d’établissements n’ont pas tous la même idée sur le sujet et que cette question éthique de l’assouplissement des protocoles est majeure. . C’est pourquoi le président de l’AD-PA a indiqué qu’il allait saisir dans les jours à venir le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) à ce sujet.
Dernière problématique liée à un éventuel assouplissement des mesures sanitaires : la faible vaccination, à l’heure actuelle, des professionnels. A ce jour, seuls 136 674 (soit 29,2 %) d'entre eux ont reçu la première dose et 37 602 (8 %) la seconde dose. Pour Pascal Champvert, « il serait inadmissible que les pouvoirs publics ne libèrent pas les résidents des Ehpad sous prétexte que certains professionnels aient choisi, en leur âme et conscience, de ne pas se vacciner ». D’autant que, comme le rappelle Philippe Wender, « le personnel est testé régulièrement. Donc, en principe, nous ne sommes pas en contact avec des malades ». En somme : « Leur non-vaccination ne doit donc pas être la raison d’un non-assouplissement. »