Depuis la publication du livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet, la parole se libère. Les révélations de maltraitances ou de mauvaise gestion des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) se multiplient. La cellule investigation de Radio France accuse le groupe Bridge de nombreux dysfonctionnements, dans une enquête publiée vendredi 22 avril. Ce serait par exemple le cas à la maison de retraite « Les Fontaines » à Horbourg-Wihr près de Colmar (Haut-Rhin), rachetée en décembre dernier par Bridge. Sur place, la prise en charge des résidents serait particulièrement défectueuse. « Je me suis rendu compte que ma femme n'avait pas été changée pendant quatre jours », témoigne le mari d’une résidente.
Selon Radio France, la dégradation de l’accompagnement des personnes âgées est liée à un sous-effectif chronique. L’établissement ne fonctionnerait qu’avec trois aides-soignantes par étage, contre quatre ou cinq avant le rachat. Plus grave, la directrice de l’Ehpad aurait été licenciée pour insubordination car elle aurait refusé de supprimer huit postes équivalent temps plein comme demandé par le groupe Bridge. Pour le mari d’une résidente, ce sont les « méthodes de management de Bridge » qui ont « fait fuir les salariés ».
« Seul dans le couloir, les mains pleines d'excréments »
Ce manque de personnel n’est pas sans conséquence comme en témoigne une aide-soignante : les douches sont aléatoires, les résidents ne sont levés qu’un jour sur deux, les chutes et les pertes de poids sont plus nombreuses. La situation est telle que l’agence régionale de santé (ARS) du Grand Est a été alertée et qu’un contrôle a été effectué le 17 mars. Si la direction du groupe Bridge réfute toutes ces accusations, Radio France précise que cette structure n’est pas isolée. A Lutterbach près de Mulhouse, une femme affirme avoir retrouvé son mari « seul dans le couloir, les mains pleines d'excréments ». Selon les informations de Radio France, les ARS d’Ile-de-France, de Normandie et du Centre-Val de Loire ont, elles-aussi, reçu des signalements de familles et de salariés du groupe.
Une ancienne responsable livre ainsi un témoignage édifiant : dans son Ehpad, « une chambre n'avait plus de chauffage depuis deux ans » ou encore « des seringues pour piquer les résidents étaient périmées ». Enfin, toujours selon l’enquête de Radio France, le groupe Bridge pratique aussi la surcapacité en accueillant dans 19 de ses 34 Ehpad plus de résidents que les ARS ne l’autorisent.