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Pour une politique de professionnalisation du « prendre soin »

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« KiséKi, le petit robot de Lucette, est un compagnon qui ne se substitue pas aux réels contacts humains et aux professionnels du soutien à domicile. Il est dédié à des rôles complémentaires et, dans ce cadre, il est un facilitateur dans le foyer et un soutien pour les professionnels du domicile », constate Abel Pakap, dirigeant Api Formations.

Crédit photo BURGER / Phanie / Phanie via AFP
[REPERAGE DES VULNERABILITES A DOMICILE 7/19] Dix ans, c’est loin... A l’heure où le pessimisme l’emporte dans un secteur en attente d’une grande réforme et de financement à la hauteur des ambitions, et si nous nous projetions un peu. Aveuglement inéluctable ou étincelle vitale, nous devons choisir notre camp.

Et si la technologie remplaçait l’humain ?

En ce printemps 2034, la France est déjà sous la canicule et aucune région n’est épargnée. Alors que les professionnels de l’aide et du soin sont devenus une denrée rare, Lucette et de nombreuses personnes âgées à domicile souffrent en silence dans la quasi-solitude de leur logement. L’intervention de leur aide à domicile ne peut, dorénavant, plus se faire qu’à raison d’un jour sur deux et en seule intervention d’une heure. Si le secteur manque de bras, il ne manque pas de technologie pour y pallier : un assistant vocal vient rappeler à la personne fragile qu’il faut prendre son verre d’eau filtrée, son médicament ou que sa protection a atteint un niveau d’humidité maximal. Ce petit robot de compagnie lui égrène les heures en lui fredonnant ses chansons préférées. Il l’invite même à faire quelques pas pour se dégourdir en faisant le tour de la table de la salle à manger. Les repas (comme les protections et les médicaments) sont livrés par drone : ne pas oublier d’ouvrir la fenêtre à 11h45 pile ou il faudra attendre une reprogrammation.

Comme les services d’urgence sont maintenant privés et payants (par abonnement mensuel), de nombreuses personnes âgées, impécunieuses, espèrent en leur bonne étoile pour que tout cela change un jour. « La technologie, c’est bien mais cela ne remplace pas l’humain », répète Lucette, dépitée, à Emilienne, son assistante de vie en ajoutant qu’elle se souvient que pour ses parents, c’était une bien meilleure situation. Ils avaient leur médecin de famille alors que Lucette à un « e-rendez-vous » une fois par an. Bon, l’important, comme elle dit, c’est de pouvoir rester chez soi et elle n’est pas seule puisqu’elle a ses souvenirs.

L’État pense fortement à résoudre le problème de l’isolement par l’intergénérationnel. Depuis plusieurs années, il encourage, grâce à des déductions fiscales, l’accueil et l’assistance des personnes âgées par leurs enfants ou leurs petits-enfants. Cette solution rencontre assez peu de succès car les regroupements familiaux ne sont pas aisément acceptés : la crise du logement a affecté sensiblement l’espace habitable de chaque foyer et la prise en charge de la dépendance, comme le prône le premier ministre, n’est pas encore l’affaire de toutes les générations, loin de là. Pour Lucette, ses enfants ne peuvent pas l’accueillir car ils logent déjà leurs propres enfants. Une grande Loi Autonomie devrait voir le jour d’ici peu a promis le Président de la République. Mais, en attendant, rappelle-t-il, chacun doit composer en arbitrant ses priorités !

Et si l’humain gardait la main, secondé par des robots ?

En ce printemps 2034, la France est déjà sous la canicule et aucune région n’est épargnée. Dans le petit logement de Lucette, qui va bientôt fêter ses 95 ans, on entend Jacques Brel chanter « Les vieux », le son provient d’un mignon petit robot utilitaire qui triple la mise en avalant la poussière et en lavant les sols. Lucette et Emilienne, son heureuse coordinatrice de vie, préparent le repas du midi en épluchant quelques vieux légumes, carottes et panais. En dessert ? Une compote avec les abricots du jardin fraîchement cueillis ce matin par Zora, l’aide-soignante du service.

Emilienne intervient chez Lucette en équipe pluridisciplinaire (infirmière, aide-soignante, coordinatrice de vie) à raison de trois heures par jour. Les horaires ne sont pas fixes car ils sont sous-tendus par les deux autres bénéficiaires qu’Emilienne accompagne. Son rôle de coordinatrice de vie lui permet maintenant de tisser des liens entre ses interventions et lui offre la possibilité de réagir en fonction des besoins des personnes. Un jour, elle fait une heure chez Lucette et le lendemain trente-cinq minutes, l’important est le résultat et non le pointage. KiséKi, le petit robot de Lucette, est un compagnon qui ne se substitue pas aux réels contacts humains et aux professionnels du soutien à domicile. Il est dédié à des rôles complémentaires et, dans ce cadre, il est un facilitateur dans le foyer et un soutien pour les professionnels du domicile : rappel d’un rendez-vous, commande d’un produit, météo du jour, chanson-souvenir du bénéficiaire, dernières photos des petits-enfants, agent conversationnel lors des moments creux de la journée, température de la pièce, alertes spécifiques... Il n’est pas vendu par un GAFAM quelconque, mais fait partie du kit-bagage des professionnels du domicile.

Et si l’organisation, la formation et la pluridisciplinarité pouvaient tout changer ?

Alors heureuse, Emilienne ? Qu’avons-nous pu observer qui permettrait d’en faire un réel sujet ? D’abord, Emilienne s’est orienté, en 2025, vers une nouvelle formation créée par sa structure, poursuivant l’idée que la prévention est le premier acte d’un bon « prendre soin ». Cette formation spécifique aux aides à domicile a visé à favoriser le repérage puis la gestion des vulnérabilités des personnes accompagnées. Cela a ouvert aussi sur l’évaluation des besoins. La formation a contribué non seulement à l’amélioration de la prise en charge mais aussi au développement professionnel et personnel des intervenants, renforçant leur résilience, leur bien-être, leur satisfaction au travail et leur engagement envers cette profession si souvent décriée.

Un autre module a permis d’étudier une forme de promotion de la santé par la formation des intervenants à la sensibilisation et à l’éducation des patients et de leurs familles par la mise en avant de comportements sains. La qualité du « prendre soin » par la capacité à repérer tôt les signes de vulnérabilité s’est nettement améliorée réduisant ainsi les hospitalisations évitables.

Ensuite, Emilienne est connectée en permanence avec les infirmières et les aides-soignantes du service, en équipe autonome et coordonnée par un système de réseautage permettant un soutien mutuel de grande qualité et de grande confiance.

Parlons-en, justement, de la confiance. Travailler en équipe pluridisciplinaire a permis à la professionnelle de réduire sensiblement son stress mais aussi de monter en compétences, de développer de nouvelles expertises ouvrant, pour elle, vers plus d’autonomie, d’estime de soi et d’accomplissement personnel. Finalement, l’expérience a démontré qu’en s’y prenant rapidement, dans des communautés de travail pluridisciplinaires, en alliant expertises et reconnaissance de celles-ci, tout un secteur pouvait se transformer, passant de délaissé à attractif et envié. Le tout, sans baguette magique mais avec une volonté commune et un engagement de tous.

Abel Pakap, dirigeant Api Formations

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