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Malgré une réalité économique défavorable, des raisons d’espérer

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« L’insuffisance des modèles de financement n’est pas sans conséquence sur la qualité des prestations offertes aux personnes dépendantes, sur les conditions de travail des intervenants à domicile et, plus largement, sur l’ensemble de la chaîne de soins à domicile », souligne Bruno Jeanton, président de la commission Autonomie de la FESP.

Crédit photo FESP
[FINANCEMENT DES SAD 5/11] La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, indiquait dans son article premier que l’adaptation de la société au vieillissement était un impératif national et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la Nation. Cet engagement peine à trouver sa place du fait d’un manque chronique de moyens humains et financiers. Les modèles de financement des services se sont révélés inadaptés.

Un contexte défavorable

Le contexte économique actuel met à rude épreuve les acteurs de l’aide à domicile. L’augmentation des charges, notamment liée à la hausse du SMIC et des cotisations, couplée à une inflation élevée, pèse lourdement sur les structures. Cette situation a conduit à un nombre record de défaillances d’entreprises, avec une augmentation de 23 % en juin 2024 (1) par rapport à l’année précédente. Ces fermetures entraînent non seulement des destructions d’emplois mais aussi une réduction de l’offre d’accompagnement. Il n’est pas inutile de rappeler que le tissu économique des Saad est principalement constitué d’associations à but non lucratif ou de TPE et PME très majoritairement détenues par leurs fondateurs. Les adhérents sont constitués d’entrepreneurs sociaux qui ont fait le plus souvent le choix de ce métier par vocation et le souhait de permettre aux personnes fragilisées de bien vieillir chez elles. Au cœur de ces difficultés se trouve un modèle de financement qui ne répond plus aux réalités du terrain. Les tarifications départementales sont insuffisantes pour les acteurs tarifés, tandis que le montant socle de l’Allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la Prestation de compensation du handicap (PCH) est en décalage flagrant avec les coûts réels.

En janvier 2024, ce montant socle a été fixé à 23,50 € par heure, bien en deçà de l’engagement gouvernemental de 24,18 € et surtout du coût réel estimé à 30 € par heure pour 2024. Une dotation complémentaire de 3 € a été prévue par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022, ayant pour objectif de permettre aux services d’aide à domicile d’accompagner les usagers, quel que soit leur degré de perte d’autonomie, sur des horaires atypiques (soir ou week-end), y compris dans les territoires les plus difficiles d’accès (zones rurales, quartier prioritaire de la ville notamment), de mettre en place des actions visant à lutter contre l’isolement des personnes accompagnées, de soutenir les proches aidants, de financer des actions en faveur de la qualité de vie au travail des intervenants.

L’insuffisance des modèles de financement n’est pas sans conséquence sur la qualité des prestations offertes aux personnes dépendantes, sur les conditions de travail des intervenants à domicile et, plus largement, sur l’ensemble de la chaîne de soins à domicile.

La réponse standardisée versus l’accompagnement personnalisé

Au lieu de prestations répondant à des attentes et à des besoins singuliers, le risque est que les professionnels apportent une réponse standardisée, qui s’opposerait à l’objectif attendu de personnalisation, pouvant conduire à des situations de grande tension, amenant à maintenir des personnes chez elles dans des conditions dégradées, et/ou à reporter la charge sur le système hospitalier et les familles. Cette insuffisance des financements rejaillit également sur le niveau de rémunération d’un grand nombre de salariés du secteur du maintien à domicile, qui est à peine supérieur au SMIC, en dépit des responsabilités qui leur incombent et de la charge émotionnelle que comportent ces métiers. C’est ainsi que dans certains départements, des communes entières se retrouvent sans service d’aide à domicile, obligeant les personnes dépendantes à se tourner vers des solutions d’hébergement en institution, souvent contre leur gré. La Fédération du service aux particuliers (FESP) a alerté à de nombreuses reprises ses interlocuteurs institutionnels sur l’inadéquation des modalités actuelles de tarification des SAD, via des tarifs horaires.

Une première réponse a été apportée par la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie qui a prévu la possibilité pour dix départements d’expérimenter différents modèles de financement des services autonomie à domicile (SAD), en ce qui concerne leur activité d’aide et d’accompagnement. Le décret du 7 juillet 2024 est venu préciser les modalités d’organisation et de mise en œuvre de cette expérimentation qui doit débuter le 1er janvier 2025. L’objectif est de tester de nouvelles modalités de tarification afin d’améliorer la qualité de la prise en charge, l’équilibre économique des services et la qualité de vie au travail des professionnels. Ainsi, les départements pourront tester la forfaitisation de la tarification des SAD, par opposition au financement horaire actuel. Les collectivités souhaitant s’engager dans cette expérimentation devaient répondre à un appel à manifestation d’intérêt piloté par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), chargée de sélectionner les dix départements expérimentateurs.

La loi du 8 avril 2021 a prévu que ces expérimentations prendront fin au plus tard le 31 décembre 2026 et qu’un comité d’évaluation serait mis en place afin de remettre un rapport au Parlement, six mois avant la fin de l’expérimentation. L’idée est d’analyser les effets des adaptations du financement des services concernés sur la qualité de prise en charge (l’amplitude et la continuité de l’accompagnement), le reste à charge des personnes bénéficiaires, l’équilibre économique des services et la qualité de vie au travail des professionnels. Des comités de pilotage départementaux seront chargés tout au long de l’expérimentation du suivi de sa mise en œuvre. La FESP s’est déjà positionnée pour prendre toute sa place dans ce processus d’expérimentation, au niveau national et départemental, à ce dernier niveau en mobilisant ses référents territoriaux dans les départements retenus. Toutefois, aucun département ne s’est positionné. C’est une opportunité manquée de faire évoluer le modèle de financement. C’est également significatif des difficultés des départements à amorcer et accompagner les réformes sur ce secteur.

Naissance d’un service public départemental de l’autonomie

Cette même loi du 8 avril 2024 a également prévu la mise en place dans chaque département d’un service public départemental de l’autonomie ayant vocation à faciliter les démarches des personnes âgées, des personnes handicapées et des proches aidants, en garantissant que les services et les aides dont ils bénéficient sont coordonnés, que la continuité de leur parcours est assurée, que leur maintien à domicile est soutenu, dans le respect de leur volonté et en réponse à leurs besoins. Pour l’exercice de ces missions, le service public départemental de l’autonomie devra respecter un cahier des charges national, fixé par arrêté des ministres chargés de la santé, des personnes âgées et des personnes handicapées, précisant le socle commun de ses missions et définissant un référentiel de qualité de service. Il est structuré en 2024 dans 18 départements, avant une généralisation en 2025.

Dans le cadre de la loi du 8 avril 2021, plusieurs expérimentations sont envisagées pour repenser le financement du secteur, dans le but attendu d’une revalorisation significative du tarif socle APA/PCH, permettant d’atteindre progressivement le coût réel du service. Certaines testent des modèles de tarification basés sur une évaluation plus fine du niveau de dépendance des bénéficiaires, permettant ainsi une allocation plus juste des ressources. Les représentants de la FESP dans les départements militent par ailleurs pour une généralisation et une harmonisation du montant de la dotation complémentaire de trois euros par heure, actuellement appliquée de manière hétérogène selon les territoires. D’autres visent à explorer de nouveaux modèles de tarification susceptibles de mieux prendre en compte la diversité des situations et des besoins des personnes accompagnées, en mettant en place un système plus flexible, capable de s’adapter aux spécificités de chaque situation, tout en garantissant un niveau de financement adéquat. Pourraient ainsi être testés des forfaits modulables en fonction de l’évolution de l’état de santé du bénéficiaire ou de ses besoins spécifiques. D’autres encore concernent la simplification administrative et la réduction des délais de paiement, qui pèsent lourdement sur la trésorerie des structures. Des processus plus efficients sont envisagés, s’appuyant notamment sur les nouvelles technologies pour faciliter la gestion et le suivi des prestations. Des plateformes numériques de gestion des plannings et de facturation sont testées dans certaines régions, avec des résultats prometteurs en termes de gain de temps et de réduction des erreurs.

De nouveaux outils au service de l’accompagnement à domicile

Il est également attendu de ces expérimentations qu’elles permettent de dégager des ressources pour investir dans de nouveaux outils et des technologies améliorant la qualité des soins, au travers notamment de la formation continue des intervenants. L’objectif est en effet de renforcer la professionnalisation des salariés du secteur, dans le but d’offrir des prestations de haute qualité. Certaines de ces formations pourraient s’effectuer en réalité virtuelle pour l’apprentissage des gestes techniques ou par l’utilisation de la domotique pour faciliter le maintien à domicile. Enfin, ces expérimentations devraient aboutir à une meilleure reconnaissance du rôle crucial de l’aide à domicile dans notre système de santé et de protection sociale.

Toutes ces initiatives militent pour une valorisation accrue des métiers du domicile, s’accompagnant de perspectives de carrière plus attractives et des rémunérations à la hauteur du caractère vital de ces professions. Pourraient ainsi être envisagées la création de nouveaux échelons professionnels, la reconnaissance de spécialisations, comme l’accompagnement de personnes atteintes de maladies neurodégénératives, la mise en place de passerelles vers d’autres métiers du secteur médico-social... En cours ou à venir, ces pistes sont porteuses d’espoir pour un secteur sans cesse menacé. Elles visent à établir un modèle de financement mieux adapté aux réalités des métiers et plus juste, capable de garantir la pérennité du secteur, d’améliorer les conditions de travail des intervenants et d’assurer une prise en charge de qualité pour les personnes dépendantes. Il s’agit d’un défi majeur pour notre société, face au vieillissement de la population et à l’aspiration légitime des Français à vieillir chez eux dans de bonnes conditions.

Bruno Jeanton, président de la commission Autonomie de la FESP

 

Notes de bas de page

(1) https://www.banque-france.fr/fr/statistiques/entreprises/defaillances-dentreprises-dec-2023

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