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Laisser la possibilité aux personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer de s’exprimer

Crédit photo Pavo
[ALZHEIMER FRIENDLY 16/16] Des personnes malades qui ne s’expriment plus, des aidants épuisés et une société non préparée à leur laisser une place. Si en 2019, le mouvement « Dementia Friendly » qui prône l’inclusion des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer par un effort de la société faisait une percée, force est de constater que, cinq ans après, la dynamique s’est essoufflée stoppée par le Covid et l’absence de volonté des pouvoirs publics. Les citoyens reprendront-à leur compte ce combat ?

Une crainte tenace

66 % des Français craignent un jour d’être atteints par la maladie d’Alzheimer. C’est d’ailleurs la maladie qui fait le plus peur, derrière le Cancer mais devant le SIDA, selon une enquête de l’INSERM datant de 2017. La forte médiatisation de la pathologie associée au grand âge mais aussi à la perte d’autonomie s’est accompagnée depuis deux décennies d’un effet secondaire bien difficile à combattre, celui d’une mauvaise image, d’un sentiment de honte des personnes malades et de leurs aidants. Une telle peur entoure cette maladie que lorsque les premiers symptômes apparaissent, nombreux sont ceux qui choisissent de détourner le regard, de faire l’autruche... en attendant quoi ? Et pourtant quand la pathologie progresse en silence, les alertes ne disparaissent pas d’un coup de baguette magique. Au contraire, la dépendance va progressivement et irréversiblement s’installer. Et si tous les experts sont unanimes pour dire que le diagnostic précoce reste la meilleure solution pour combattre la maladie et ses conséquences, rare sont ceux qui suivent cette préconisation médicale. Quand le diagnostic tombe tel un couperet, c’est souvent un sentiment de panique qui prédomine. Puis progressivement la solitude s’invite dans les foyers puis l’isolement. Les personnes encore en couple voient les amis et l’entourage venir de moins en moins souvent, ne sachant pas comment réagir face à cette maladie de l’oubli où des réactions comportementales ne sont pas toujours bien interprétées. S’enfermer... faire ce que l’on peut et tenir le plus longtemps possible en repoussant l’institutionnalisation. C’est malheureusement encore ce que vivent de nombreuses personnes malades et leurs proches.

Et pourtant, une autre voie est possible

Engagée depuis deux décennies, la ville de Rennes montre l’exemple en France, en étant le premier territoire à porter le concept de « Dementia Friendly ». Derrière cet anglicisme se cache une philosophie, un mouvement qui prône le principe d’inclusion en mettant l’accent sur la transformation des individus, de toute la société. L’enjeu est d’aider les citoyens à prendre conscience de leur pouvoir à considérer l’autre-celui qui est différent-et à s’ajuster à lui. Si le secteur du handicap est à la pointe du combat depuis longtemps, ce n’est pas le cas de la gérontologie avec des images de « naufrage intellectuel » liées au vieillissement où les pertes sont mises en avant et pointées du doigt. Et pourtant, la maladie d’Alzheimer est un handicap invisible et cognitif.

Le mouvement engagé à Rennes ou Nice montre l’importance de mobiliser tous les acteurs de la cité, que ce soient les transports, les services publics, les forces de l’ordre, les commerçants, les entreprises, les associations sportives et culturelles... chaque personne doit ainsi être sensibilisée pour mieux comprendre la maladie et ainsi savoir réagir quand la situation l’impose. Les happenings organisés à Rennes dans le passé montrent d’ailleurs que contrairement aux idées reçues, les bonnes âmes sont nombreuses, quel que soit l’âge, pour venir en aide face à une personne confuse, perdue et désorientée.


Crédit photo : Pavo

Des avancées et des raisons d’espérer à l’échelle d’un territoire

La médiatisation n’a pas eu (heureusement) que des effets secondaires, les plans spécifiques initiés en France par les Pouvoirs publics se sont traduits sur des avancées avec la création des Equipes spécialisées Alzheimer (ESA) ou encore des plateformes d’accompagnement et de répit. Le problème est qu’à l’heure où une dynamique était enfin enclenchée en 2019, le covid est venu tout balayer, tout stopper. La sensibilisation été mise entre parenthèses, les personnes se sont réfugiées chez elles par peur des contaminations et le mouvement « d’aller vers » peine à repartir pour les plus âgés. L’absence d’une loi sur le grand-âge annoncée depuis plus de dix ans et jamais présentée ni même débattue, l’absence de volonté et de considération envers les populations les plus âgés ne présagent rien de bon... sauf de penser que les initiatives locales sont celles qui sont le plus à même de faire avancer le combat. L’échelle d’une ville ou d’un territoire est sans doute la plus cohérente pour sensibiliser et mobiliser la population locale. C’est d’ailleurs le cas du Village Landais Alzheimer ouvert depuis quatre ans et qui a parié sur la création d’’un quartier dédié avec des maisonnettes, des services et des lieux de vie ouverts sur l’extérieur.

Des moyens qui manquent et des pionniers qui s’épuisent

A Rennes, à l’avant-poste, la pionnière Isabelle Donnio, à la tête du Bistrot mémoire (devenu Globalcité) ou encore des Ambassadeurs, s’épuise face à l’absence de soutien financier des pouvoirs publics. L’argent ne fait certes pas le bonheur, mais il facilite la sensibilisation à l’air où la communication tous azimuts prime. Les bonnes volontés ne suffisent pas pour changer la société et son regard... pour écouter la voix de ce que l’on croit comprendre sans essayer de décrypter. En ville, à domicile ou en institution, le message du mouvement « Dementia Friendly » est le même : laisser les personnes s’exprimer, ne pas parler à leur place ou interpréter ce qu’ils pourraient vouloir ou aimer. Le risque avec la maladie d’Alzheimer, quand les mots ne sont plus là, c’est que l’aidant familial ou professionnel parle et décide à la place de la personne malade. L’observation et la prise en compte de la communication non verbale doivent prendre le relai. Les initiatives d’éducation thérapeutique ou de pair-aidance tellement difficile à instaurer avec des personnes âgées souffrant de troubles neurocognitifs compte tenu de leur difficulté à se déplacer, au déni sont une solution encore trop souvent répandue. Si chacun peut porter sa pierre à l’édifice, en changeant son regard, en prenant en considération la personne malade, paradoxalement le mouvement « Dementia Friendly » demandera un engagement collectif pour qu’il puisse enfin prendre de l’ampleur et se généralise.

Alexandra Marquet, cheffe de rubrique

Alzheimer

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