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“Si les parents savaient comment on s’occupe vraiment de leurs enfants…”

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Plusieurs mobilisations ont eu lieu à travers la France le 16 janvier pour protester contre le manque de reconnaissance des AESH. Comme ci, à Lyon. 

Jeudi 16 janvier, les AESH étaient appelés à se mettre en grève pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail. Des rassemblements avaient lieu partout en France devant les rectorats. Zoom sur la manifestation de Lyon. 

"Personnels précarisés, sacrifiés et invisibilisés”. Ce jeudi matin, les pancartes défilent devant les grilles fermées du rectorat de Lyon. Comme partout en France, une cinquantaine d’accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et d’assistants d'éducation (AED) se sont rassemblés à l’appel de l’intersyndicale.

Nos organisations ont alerté à plusieurs reprises sur les conditions indignes dans lesquelles sont maintenus les AESH. Les temps incomplets imposés maintiennent ces agents de la Fonction publique – majoritairement des femmes – dans la précarité, souvent sous le seuil de pauvreté”, déclarait le SNUipp-FSU dans son communiqué.

“En un an et demi - date de la dernière mobilisation nationale - rien n’a bougé, déplore Anne Falciola, AESH dans l’Ain et membre du pôle AESH Educ'action de la CGT. Les conditions ne cessent d’empirer, et on arrive aujourd’hui à un point de rupture”. D’après la professionnelle, depuis la rentrée de septembre, l'Académie de Lyon - qui regroupe les établissements scolaires de l'Ain, de la Loire et du Rhône - recense 24 licenciements pour raisons médicales. “Les AESH craquent complètement. On nous demande toujours plus, sans aucune reconnaissance”, déplore-t-elle;

Les cheveux courts et frisés, Gabrielle travaille comme AESH depuis onze ans. Aujourd’hui elle “n’en peut plus”:“Avant, au moins, je connaissais les gamins. Je les suivais plusieurs heures par semaine. Maintenant, ce n’est plus de l’accompagnement, c’est du saupoudrage". Sa collègue complète: “C’est surtout de l’affichage politique. Mais si les parents savaient comment on s’occupe vraiment de leurs enfants, peut-être qu’ils monteraient davantage au créneau”, souffle-t-elle.

>>> Sur le même sujet: AESH : comment mieux faire valoir ses droits

Pour Marc, 63 ans, le constat est sans appel: “Je n’aurais jamais fait ce métier plus jeune et si ma conjointe ne pouvait pas assumer financièrement pour nous deux”. Le sexagenaire travaille depuis trois ans au collège Charpak, à Brindas, dans la banlieue résidentielle lyonnaise. Il accompagne neuf élèves chaque semaine. “En moyenne, ça fait moins de trois heures chacun. C’est complètement insuffisant pour faire un suivi de qualité et surtout pour connaître ses élèves. Or si on ne crée pas du lien, on ne peut pas aider correctement”, ajoute-t-il.

De plus en plus d'élèves, de moins en moins de temps

Du temps, Josiane en manque également. AESH dans une école primaire de Vaulx-en-Velin classée en REP+, en douze ans de métier, elle n’a cessé de voir les conditions de travail et la prise en charge des élèves se dégrader. “Cette année, je m’estime heureuse de ne suivre que des élèves ayant reçu une notification individuelle [de la part de la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH)], quand certaines collègues se retrouvent avec huit ou neuf élèves, répartis dans plusieurs classes et plusieurs établissements scolaires.

En 2019, la mise en place des PIAL (pôles inclusifs d'accompagnement localisé), pourtant censés offrir plus de souplesse d’organisation, a encore aggravé la situation. “On peut se retrouver ballotés d’un établissement à l’autre du jour au lendemain en fonction des besoins, considère-t-elle. C’est à l'école qui criera le plus fort. Mais à la fin, on n’a ni le temps, ni la capacité de s’investir et d’accompagner correctement. J’appelle ça de la maltraitance : envers les élèves, envers les professionnels, et donc envers le handicap de manière générale”.

Si Josiane assure qu’elle n’avait pas autant d'élèves à suivre lorsqu’elle a démarré en 2012, les profils des élèves évoluent aussi: “En plus des troubles dys et des troubles de l’attention, ces dernières années, le nombre d’enfants diagnostiqués d’un trouble du spectre autistique (TSA) a explosé. Conséquence, on se retrouve avec de plus en plus d'élèves autistes notifiés par la MDPH. Or on n’est ni formées, ni préparées à tous ces handicaps.”

>>> Pour compléter: AESH, pilier de l'inclusion scolaire

La travailleuse sociale n’a même jamais reçu la formation initiale de 60h qui doit théoriquement être dispensée à tous les professionnels avant leur prise de poste. “C’est la théorie. Mais en pratique, aucune de nous ne fait la formation avant de commencer ! Personne ne nous prépare à gérer des crises. Personne ne nous prévient qu’on va se faire taper, insulter. Pourtant, c’est mon quotidien en REP+. Et je n’en veux pas aux enfants, qui sont en souffrance. J’en veux à l’education nationale qui refuse de reconnaître notre métier et sa pénibilité, et de nous former correctement.”

Maintien dans la précarité

En septembre 2021, à la suite des fortes mobilisations des AESH, le ministère avait mis en place une grille de revalorisation indiciaire. Mais dans les faits, le contrat d’une AESH ne dépassant que rarement 24 heures par semaine, le salaire moyen reste en dessous de la barre des 1000 euros.  Muriel, 54 ans, AESH dans un collège privé de Givors, a calculé qu’elle devrait travailler jusqu’ à 67 ans pour toucher une retraite à taux plein et dépasser 900 euros: “On est énormément à prendre un deuxième emploi pour boucler les fins de mois. A 61 ans, je fais encore des heures de périscolaire avant ma journée de classe. Je pars chaque matin à 6h20, je rentre à 17h ou 18h30, pour un salaire de 1075 euros net par mois. Je ne cesse de répéter que ce métier, on le fait parce qu’on l’aime. Mais à quel prix ?”, abonde Josiane.

A l’echelle nationale, les syndicats continuent de demander la création d’un corps de fonctionnaires de catégorie B pour le métier d’AESH, la reconnaissance d’un temps complet sur la base d’un accompagnement élève de 24 heures, une augmentation significative des rémunérations sur toute la carrière et un recrutement à hauteur des besoins. “Comme tous les ans, malgré les promesses et les effets d’annonce au moment de la rentrée, en septembre je n’ai vu personne arriver en renfort dans mon établissement”, confirme Muriel.

>>> A lire aussi: Prévenir la perte d’autonomie dans les quartiers prioritaires

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