« Aujourd’hui, je viens avec la banane au boulot, sans stress ». Léo, 23 ans est l’un des 17 salariés en situation de handicap du restaurant La Diff de Guipavas (Finistère). En cuisine, à la plonge, il s’épanouit enfin dans un secteur de la restauration où il avait jusque-là subi moqueries et harcèlement à cause de sa différence. « J’ai toujours eu des problèmes de concentration. C’est un handicap invisible qui me pose problème en milieu ordinaire », raconte Léo.
C’est le Service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) qui l’a orienté vers le restaurant La Diff, qui, dès son ouverture en mars 2024, a fait le pari de l’inclusion. Déjà propriétaire de deux restaurants, Jonathan Philipona et Noura Mihoubi avaient déjà commencé à y accueillir des personnes en situation de handicap. Ils proposaient notamment des stages d’immersion. Au fil du temps, un partenariat s’est noué avec CapEmploi, ainsi qu’avec les associations les Genêts d’or ou les Papillons blancs du Finistère. « On a toujours essayé de jouer le jeu. On veut montrer que c’est possible », explique Jonathan.
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La Diff emploie en CDI 70% de personnes en situation de handicap, aussi bien physique que cognitif. Un choix qui implique une organisation adaptée. « Nous nous ajustons avec leurs besoins, leur fatigabilité. Certains sont à 18 h et d’autres à temps plein », indique Jonathan. Les recettes ont été élaborées en tenant compte de leurs capacités. « Certains ont des problèmes d’organisation alors on fait attention à leur donner une tâche à la fois », ajoute-t-il. Quelques-uns travaillent en binôme si bien que les salariés sont plus nombreux que dans un restaurant classique, ce qui représente un surcoût.
Impossible dans ces conditions pour Noura et Jonathan d’imaginer un instant que leur demande de statut d’entreprise adaptée allait se solder par un refus de la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de Bretagne.
« J’ai le regret de vous informer qu’il n’est pas possible de répondre favorablement au conventionnement et au financement de votre projet », leur a pourtant indiqué y a trois semaines par courrier la Préfecture, sans plus d'explication. Une douche froide pour le couple qui comptait sur les aides de l’Etat pour pérenniser son activité. Pour un temps plein, ces dernières peuvent aller jusqu’à 17 877 euros par an pour les travailleurs âgés de moins de 50 ans.
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« La banque nous soutient pour le moment mais on ne sait pas jusqu’à quand. Si ça continue comme ça, on risque de fermer », déplore Jonathan. Les restaurateurs ne comprennent pas les motifs du refus. « La préfecture ne nous a donné aucune raison. On ne sait même pas sur quoi s’appuyer pour faire un recours. On a cru comprendre qu’il y avait un problème de stabilité économique, ce qui est normal car on a eu beaucoup de charges au début, notamment de loyers avant même d’ouvrir», précise-t-il. Le couple s’est rapproché de l’Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph) afin de trouver une solution. Contactée, la Préfecture de région, n’a pas répondu à nos questions.
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