Plusieurs organisations de défense des droits des personnes handicapées demandent au Sénat, qui doit examiner jeudi 17 décembre le projet de loi de finances rectificative pour 2009, de rejeter un amendement gouvernemental adopté une semaine plus tôt par l'Assemblée nationale et visant à réintroduire "le principe de dérogation concernant l'accessibilité des constructions neuves".
Ce texte, dénoncé notamment par l'Association des paralysés de France (APF), l'Association des accidentés de la vie (FNATH) et l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteur (Anpihm), prévoit en effet de préciser "dans quelles conditions des dérogations motivées peuvent être accordées exceptionnellement" à l'obligation d'accessibilité de trois catégories de bâtiment.
Sont concernés les bâtiments ou parties de bâtiments nouveaux, "en cas d'impossibilité technique résultant de l'environnement du bâtiment", les ensembles de logements à occupation temporaire ou saisonnière, "sous réserve que ces ensembles comprennent une part de logements accessibles et adaptés" et enfin les établissements recevant du public nouvellement créés dans un bâtiment existant, "en cas d'impossibilité technique résultant de l'environnement du bâtiment ou des caractéristiques du bâti existant, ainsi qu'en cas de contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural".
Un "cavalier législatif" contraire à la loi
Or cet amendement n'est pas seulement "contraire à l'esprit de la loi 'handicap' de 2005", mais aussi à la décision du Conseil d'Etat d'annuler, en juillet dernier, un décret de mai 2006 autorisant des dérogations aux règles d'accessibilité dans les bâtiments, commente l'APF, qui a exprimé "sa vive indignation et son opposition" à cette proposition gouvernementale, "totalement inacceptable" alors que l'Etat doit créer prochainement un observatoire de l'accessibilité.
"La réaction du gouvernement en dit long sur l'intérêt qu'il porte à l'intégration des personnes handicapées dans la cité, à l'égalité des chances et des droits mais aussi à la jurisprudence du Conseil d'Etat et à la concertation avec le monde associatif", regrette pour sa part la FNATH, qui dénonce des "méthodes d'un autre temps", en soulignant que le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), réuni le même jour que le vote de ce texte, a pourtant "été tenu dans une totale ignorance de ce 'mauvais coup'".
Quant à l'Anpihm, à l'origine du recours déposé devant le Conseil d'Etat, elle rappelle que "le gouvernement de l'époque avait reculé devant une exigence maintes fois renouvelée par un certain nombre de lobbys de la construction", et déplore qu'il ait aujourd'hui fait voter ce "cavalier législatif", "en catimini", "pour satisfaire les mêmes lobbys et éviter tout à la fois d'engager une concertation qui eût été certainement difficile avec le mouvement associatif et une discussion ouverte non moins aisée avec le Parlement".
A.S.