Et si les professionnels pouvaient être équipés d’un objet connecté capable d’identifier les sons émis dans les chambres des bénéficiaires, puis d’envoyer les résultats de son analyse directement sur leur smartphone pour les alerter ?
La réalité a dépassé la (science) fiction grâce à la création de l’oreille augmentée des soignants. Imaginé en 2018 à partir des travaux de recherche du scientifique Claude Berrou, associé à quatre autres co-fondateurs bretons de la start-up OSO-AI, cet outil technologique a vu le jour en co-developpement avec les professionnels et les publics vulnérables après une longue période d’expérimentation sur le terrain. « Nous avons constaté qu’en France, 90 % des résidents en Ehpad ne sont pas en capacité de faire usage de l’appel malade, précise Philippe Roguedas, l'un des fondateurs. Même quand la sonnette retentit, le personnel n’a pas d’information pour évaluer l’urgence de la situation et savoir s’il doit interrompre sa tâche ou peut prendre le temps de la finir. »
Innovation technologique
Constitué d’un petit capteur de son connecté au wifi de l’établissement, placé dans la chambre de chaque bénéficiaire et relié à un téléphone, l’oreille augmentée analyse les bruits émis dans la pièce grâce à l’intelligence artificielle. En cas de danger, il envoie une alerte écrite au professionnel pour décrire le trouble, doublé d’un segment du son inquiétant de 8 secondes. Bruit de chute, appel à l’aide, détresse respiratoire ou simple respiration d’endormissement. « De la même façon qu’un parent surveille ses enfants grâce à un babyphone comprend à l’oreille ce qui se passe dans la chambre de son enfant, notre technologie est capable d’interpréter ce qui se passe dans une pièce », résume l'entrepreneur.
Veiller à distance sur la sécurité des personnes fragiles, hiérarchiser l’urgence des appels, arriver avec le matériel adapté pour gagner du temps et éviter les visites intempestives en respectant l’intimité des publics sont autant d’avantages de ce dispositif.
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D’abord destinée aux Ehpad, l’innovation a essaimée au sein de CHU et autres structures médico-sociales. « Nous nous sommes rendu compte que cela peut être utile aussi pour les personnes en situation de handicap, raconte Philippe Roguedas. Il y a des personnes qui produisent par exemple des bruits dans certaines situations qui ne sont que des rituels et ne nécessitent pas de briser leur intimité par la venue d’un aide-soignant. »
Menée sur 180 chambres dans quatre établissements, une étude d’impact a relevé un score de 100 % d’acceptation des personnes accompagnées, de leur famille et des professionnels. « Il y a des soignants qui ressentent ces rondes comme une pratique quasi carcérale, où on passe dans la chambre 132 uniquement parce qu'elle est après la 131, estime Philippe Roguedas. OSO-AI a réduit le temps d’intervention à 5 minutes en moyenne, et leur permet de diminuer cette hypervigilance décrite comme épuisante par les professionnels et de consacrer leur temps à des tâches plus qualitatives. »