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« Nos aînés ont le droit de rester des citoyens jusqu’à leur dernier souffle » (Pierre Roux, AD-PA)

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Pierre Roux, élu président de l'AD-PA le 24 mai 2024.

Crédit photo AD-PA
Elu président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) qui fédère 2 000 dirigeants de structures d’accompagnement du grand âge, Pascal Roux dresse, pour ASH, les grandes lignes de la feuille de route de son mandat. Entretien.

Pouvez-vous dresser l’état des lieux de l’AD-PA après plus de trois décennies de présidence « historique » de Pascal Champvert ?

Pierre Roux : C’est une page qui se tourne. Pascal a fondé notre association voici 35 ans et, durant toutes ces années, il a fourni un travail colossal pour la faire monter en puissance. Toutes ces années d’efforts de sa part pour créer un collectif solide, porteur d’éthique et de convictions ont payé. Aujourd’hui, l’AD-PA regroupe 2 000 adhérents et se porte très bien. Dans nos rangs, nous comptons aussi bien des directeurs en activité que retraités ou même de futurs dirigeants d’établissements encore en formation. Cette diversité de profils crée la richesse de l’association qui dispose également d’une équipe de permanent très compétente et engagée ! C’est en s’appuyant sur ce véritable patrimoine que nous lègue Pascal Champvert que nous comptons développer l’association durant ce nouveau mandat qui débute. D’ailleurs, il ne nous a pas quittés puisqu’il reste aujourd’hui l’un des trois vice-présidents de l’AD-PA aux côtés de Marie-Pascale Mongaux (Normandie) et Magalie Bilhac (Occitanie).

Justement, l’une de ses dernières interventions publiques en tant que président de l’AD-PA a eu lieu au mois d’avril dernier, lors du rassemblement des 13 principales associations et fédérations professionnelles du secteur de l’autonomie pour dénoncer le manque de moyens alloués aux établissements et à leurs salariés. Partagez-vous ces inquiétudes sur l’insuffisance des financements des politiques du grand âge ?

 

C’est une vraie question. Elle se pose aussi bien pour les adultes vulnérables vivant à domicile que pour ceux vivant en établissement. On résume trop souvent le débat sur les moyens accordés aux politiques du grand âge à de simples choix budgétaires alors qu’il s’agit d’un choix de société : quelle place et quel rôle pour nos aînés ? Quelle effectivité des droits et quelle qualité d’accompagnement voulons-nous garantir ? Et sur ce sujet, l’AD-PA et les autres associations professionnelles entendent bien apporter leur contribution au débat public. En commençant par arrêter de nommer les principaux concernés des « personnes âgées dépendantes ». Ce terme est à mon avis dépourvu de sens. Ce sont des adultes (ad = jusqu’au ; ulte = ultimum = ultime) qui rencontrent les difficultés auxquelles tout un chacun est confronté indirectement ou directement au cours de sa vie.

>>> Lire aussi: Les Ehpad associatifs et publics au bord du déficit généralisé

Plus encore, ce sont des citoyens à part entière. Les qualifier de « dépendants » est une forme de négation de leur citoyenneté car nous sommes tous interdépendants les uns des autres, et sur un pied d’égalité. Existerait-il des citoyens d’importance différentiée selon l’âge ? Historiquement, les questions autour du grand âge ont surtout été abordées par le prisme de la maladie et de l’incapacité, mais jamais tellement à travers le maintien de la citoyenneté. Or, à l’AD-PA, c’est justement notre porte d’entrée. Nos aînés ont le droit de rester des citoyens jusqu’à leur dernier souffle.

Ces derniers mois, le Cese et l’Igas, dans leurs travaux respectifs, ont appelé à un investissement public massif de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour adapter notre société au vieillissement de la population. Êtes-vous d’accord avec leurs conclusions ?

Il faut se rendre à l’évidence : tous les pays européens vieillissent. Le Japon encore plus. L’Afrique aussi vieillit. Partout, la question de l’adaptation des sociétés au vieillissement se pose. On ne peut tout de même pas se plaindre que les individus bénéficient d’une longévité accrue ! Et on ne peut pas déplorer le fait qu’il y ait trop de « vieux » tout en faisant tout ce que nous pouvons pour préserver notre santé et augmenter notre espérance de vie. Il faut réfléchir à l’implication de ce vieillissement général dans une perspective soutenable et bienveillante. Cela suppose bien sûr des moyens adaptés aux enjeux. A l’AD-PA, nous estimons que le temps est venu pour une refonte complète des politiques de l’accompagnement du grand âge. Peut-être notre système doit-il être réorganisé pour aborder la transition entre la médecine de l’aigu et celle du chronique ? Si on ne sort pas de l’immobilisme avant d’être rattrapés par la démographie, notre système d’accompagnement risque de se retrouver rapidement étouffé, ce qui mettrait toute la société en grande difficulté ; les adultes vulnérables comme leur famille !

Quel est l’état de l’écosystème des Ehpad deux ans après l’affaire Orpéa ?

Cette affaire a été délétère pour l’image des Ehpad. Après le scandale, le gouvernement a réagi en renforçant dans l’urgence ses contrôles sur l’ensemble des Ehpad, ce qui a conforté l’opinion publique dans sa suspicion envers ces établissements. Résultats : non seulement un grand nombre de personnes qui devaient y être accueillies ont choisi de retarder leur entrée avec des conséquences parfois fâcheuses pour elles, mais en plus, on a jeté l’opprobre sur l’ensemble des 400 000 salariés qui y travaillent dans toute la France et qui exercent leur métier avec professionnalisme et dévouement. Toutefois, au-delà du scandale, cette crise peut accélérer la prise de conscience générale sur la nécessité de dépasser le système des Ehpad, qui n’est plus adapté aux besoins qualitatifs de notre époque. A la place, l’AD-PA défend un modèle d’accueil collectif rénové et repensé avec le souci de l’intégration architecturale au sein de la cité, en reconfigurant les cadres bâtis pour affirmer la dimension domiciliaire, et en développant un accompagnement digne de nos aînés et valorisant pour les professionnels.

>>> Lire aussi : Le syndrome « Orpea »

Un Ehpad doit être un lieu de vie et d’inclusion sociale décloisonné et surtout pas un centre fermé ! Evidemment, cela demande des moyens en personnels et du temps de mise en œuvre. Mais après tout, n’oublions pas que la loi qui a mis fin aux hospices publics date de 1975 et que les derniers établissements de ce type ont fonctionné jusque dans les années 1990. Nos établissements de type Ehpad nécessitent aujourd’hui une mutation de même envergure.

Que pensez-vous de la disposition de la loi « bien vieillir » qui oblige les Ehpad à accueillir les animaux de compagnie des résidents ?

A titre, personnel, cela fait plus de 20 ans qu’un des établissements que je dirige à Bozouls, dans l’Aveyron, autorise les animaux de compagnie des résidents. Essentiellement des chiens, d’ailleurs. Le premier chien que nous avons autorisé, à l’époque, c’était celui d’une personne qui avait vécu en célibataire toute sa vie. Privé de son animal de compagnie, qui comptait tant pour lui, il a commencé à se laisser dépérir et serait sûrement mort rapidement sans vivre avec son fameux « Néné ». Nous avons autorisé la présence de son chien, d’abord une après-midi par semaine. Puis deux. Puis en permanence. Lorsque ce patient est finalement décédé, plusieurs années après, nous avons gardé le chien et le personnel l’a adopté en ayant l’intime conviction que sans cet accompagnement animal, cette personne serait morte bien avant. Depuis, c’est devenu la règle et nous accueillons les animaux de compagnie des résidents qui le désirent. Cependant tous les établissements ne se prêtent pas à l’accueil d’animaux. Et puis la multiplication de ces animaux au sein des établissements suppose aussi de disposer des moyens humains adéquats.

>>> Sur le même sujet : Animaux en Ehpad : « Retirer l’animal de compagnie à son maître est criminel »

En fait, cette question fait partie de la problématique plus globale de l’approche domiciliaire et du respect des choix de vie que défend l’AD-PA. Si nous voulons que chaque aîné puisse se sentir chez lui, cela signifie qu’il doit pouvoir vivre avec son animal de compagnie entre autres... L’essentiel des problèmes ne proviennent pas des animaux, mais de la présence ou non d’un nombre suffisant de salariés dans l’établissement. Si les effectifs étaient suffisants, la question ne se poserait pas en termes de droit.

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