Du plaisir et des souvenirs
Se réunir à plusieurs autour d’une table. Partager du temps ensemble. Rire. Avec à la fin, un gagnant, triomphant et des perdants, ronchonnant et refaisant le match. Ce tableau, qui ne l’a pas joué un dimanche matin pluvieux, un soir où les programmes télé n’étaient pas très inspirés ? Entre amoureux, en famille, avec des amis ou des voisins. Le jeu, ou plutôt les jeux réunissent, sont fédérateurs de liens, presque toujours accompagnés de bonne humeur mais aussi parfois de disputes sur fond de mauvaise foi. Culturelles, intergénérationnelles, les parties de cartes, de petits chevaux, de Monopoly, de dames, de dominos, de mikados… ou pour les plus modernes de Wii nous renvoient tous vers des souvenirs plus ou moins anciens, plus ou moins enfouis. Les ainés n’y échappent pas. Et pourtant, en unité Alzheimer ou à domicile, le jeu n’est en rien une évidence. Il est même détourné de son objectif N°1, à savoir le plaisir pour privilégier les fameuses stimulations et autres médiations. Méconnue, l’activité ludique rencontre également de nombreuses difficultés et autres freins avec des professionnels pas toujours formés. Comment se positionner ? Quelle attitude avoir ? Comment réagir si les joueurs ne respectent pas à la lettre les règles ?
Ne rien laisser au hasard et surtout pas l'adaptation
Face à toutes ces interrogations, certains préfèrent ignorer cette animation qui pourtant remporte tous les suffrages quand elle respecte des fondamentaux : création de groupes homogènes selon le niveau et l’état d’avancement de la maladie. Aménagement de l’espace autour d’un lieu calme et sans distraction ou encore posture professionnelle bienveillante : savoir écouter les envies et les besoins des joueurs, apporter une solution personnalisée en adaptant les règles, avoir le bon ton -ne pas infantiliser un adulte vieillissant. Autant dire qu’il n’y a rien d’enfantin dans l’organisation d’une activité ludique. Les équipes le savent parfaitement. Face aux troubles cognitifs, aux difficultés d’apprentissage, de concentration, aux troubles du comportement, tout doit être préparé en amont et rien ne doit être laissé au hasard. Sauf la possibilité de changer le programme en ayant bien en tête la liste des jeux à oublier comme les quiz qui laissent entrevoir les déficiences et les différences pour privilégier ceux qui fédèrent. Place aux jeux de hasard, aux lotos, aux dessins collectifs qui ont l’intérêt de créer une parenthèse récréative et de lutter contre la désadaptation sociale.
Le professionnel, un joueur comme les autres
De nombreux établissements ou structures d’accompagnement se sont saisis de cet outil. Une association a d’ailleurs choisi de professionnaliser des aides à domicile en formant des référents dédiés à la pratique du jeu. Des plateformes de répit misent sur le lien social en mettant à disposition de véritables ludothèques. Certains Ehpad laissent à portée de main des espaces dédiés dits « Méli-Mélo » pour que les résidents se prêtent au jeu quand ils en ont envie, d’autres valorisent les compétences en distribuant et institutionnalisant les rôles sociaux quand un pionnier marnais a depuis dix ans créé un espace d’animation nocturne où le programme dense permet aux couche-tard et autres insomniaques de jouer jusqu’au bout de la nuit, en attendant le sommeil. Alors oui, un professionnel attablé en train de jouer avec des personnes malades tout en buvant une tasse de thé est un professionnel qui travaille. Plus personne ne devrait en douter. Reste à garder à l’esprit que ce travail/jeu quotidien d’accompagnement doit être avant tout tourné vers le bien-être et le plaisir. Alors à qui le tour?
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