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Handicap : une rentrée compliquée par l’épidémie de Covid

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Close up of a girl with down syndrome drawing.

Photo d'illustration.

Crédit photo philidor - stock.adobe.com
Toute présidentielle qu’elle fut, la promesse qu’aucun enfant en situation de handicap ne se retrouverait sans solution de scolarisation a vécu. Comme tous les ans, certaines familles se retrouvent en difficulté et pointent le manque de services et d’établissements médico-sociaux. De plus, en raison de la crise sanitaire, les professionnels nourrissent, eux aussi, leurs propres inquiétudes.

Ce mardi 1er septembre, 12 millions d'enfants ont repris le chemin de l'école. Parmi eux, environ 400 000 élèves en situation de handicap : les chiffres précis n’étaient pas encore rendus publics à l’heure où nous écrivions ces lignes. Promesse avait été faite par le président de la République lui-même, le 11 février dernier à la Conférence nationale du handicap, qu’aucun enfant ne se retrouverait sans solution de scolarisation à la rentrée. D’ailleurs, lors du Comité national de suivi de l’école inclusive du 30 juin dernier, les ministres Jean-Michel Blanquer (Education nationale) et Sophie Cluzel (personnes handicapées) annonçaient la création de 4 000 équivalents temps plein de postes d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), de 350 nouvelles unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis), de 225 unités supplémentaires d’enseignement externalisé des établissements médico-sociaux… Pourtant, au 25 août, la plateforme (voir encadré) mise en place début juillet par l’Unapei, association nationale qui accompagne les familles et personnes touchées par la déficience mentale, recensait 493 témoignages de parents en difficulté pour scolariser leur enfant en raison de son handicap.

En somme, et cette habituelle bataille des chiffres le souligne, 2020 ne semble pas faire exception. Les années se suivent, offrant de réels progrès en matière de scolarisation d’enfants en situation de handicap dans des classes ordinaires, lesquelles suscitent toujours davantage d’attentes, d’espoirs et, mécaniquement, de frustrations en cas de refus ou de manque de place. Pourtant, cette année se distingue, la crise sanitaire compliquant encore l’équation de plusieurs inconnues.

D’abord, comme les autres, les élèves handicapés, leurs familles, et les professionnels qui les accompagnent affrontent diverses incertitudes directement liées à l’épidémie. Le protocole imaginé au début de l’été par le ministère de l’Education nationale connaîtra-t-il des modifications ? Comme les enseignants, les AESH ont pu témoigner ici et là de leurs inquiétudes – particulièrement sur le fil twitter du collectif des AESH en action – et regretter de ne pas être cités lors des prises de parole publiques de celui qui est pourtant aussi leur ministre.

Des temps de scolarisation trop partiels

De leur côté, les parents sont fatigués. C’est ce qu’affirme l’Unapei. « Le ton est monté », observe son président, Luc Gateau, à la lecture des témoignages reçus. Outre qu’ils se sentent toujours incompris par l’Education nationale et ont le sentiment de devoir répéter les mêmes choses sur les besoins de leurs enfants, leur premier sujet de mécontentement tient à des temps de scolarisation trop partiels, parfois de seulement quelques heures. « La mutualisation des AESH a été réalisée au détriment des enfants », commente Christine Meignien, présidente de l’association Sésame Autisme. Lancés à la rentrée 2019, ces pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) devraient pourtant être généralisés dès 2021 sans que, pour l’heure, aucune des parties prenantes interrogées ne transmette de bilan de la première année d’expérimentation.

Autre difficulté rencontrée, récurrente celle-là : le manque d’établissements médico-sociaux, en particulier d’instituts médico-éducatifs (IME), selon l’Unapei. Même sentiment chez Christine Meignien, qui parle de plusieurs années d’attente pour être accueilli : « Pour 24 places dans un IME, nous comptons une centaine d’enfants en liste d’attente ! » Une situation corrélée, selon elle, au manque de structures pour adultes : parfois, jusqu’à la moitié des places dans les IME demeurent occupées par des jeunes âgés de plus de 20 ans (normalement l’âge limite), faute d’avoir une solution adaptée au début de leur vie d’adulte.

La crise sanitaire va-t-elle encore compliquer l’accès à l’école, notamment ordinaire, pour les enfants en situation de handicap ? Difficile, pour l’heure, d’apporter une réponse tranchée.

D’un côté, l’école est redevenue obligatoire, et les établissements ne pourront refuser les enfants que si un certificat médical indique une vulnérabilité particulière au coronavirus : « Cela pourra aider des familles », fait observer Bénédicte Kail, conseillère nationale « éducation et familles » au sein d’APF France handicap. Mais, de l’autre, en cas de consignes sanitaires d’appropriation parfois complexe, les enfants notamment autistes seront « les premiers à pâtir », prévoit Christine Meignien, qui s’appuie sur le précédent du déconfinement. A compter du 11 mai, les élèves en situation de handicap se sont officiellement retrouvés parmi les jeunes prioritaires, mais la réalité a souvent été éloignée de cette position officielle du fait de la conjugaison de la crainte de certaines familles avec les réticences d’établissements scolaires parfois frileux.

Inégale mobilisation des AESH

Pour tenter de mesurer plus précisément l’effectivité du retour à l’école de ces enfants à besoins particuliers lors du déconfinement, Nexem (organisation professionnelle des employeurs du secteur social, médico-social et sanitaire à but non lucratif) et l’Alefpa (Association laïque pour l’éducation, la formation, la prévention et l’autonomie) ont mené une enquête au travers de questionnaires en ligne adressés du 15 mai au 22 juin. Ils ont obtenu 325 réponses cumulées, émanant de 237 établissements et services médico-sociaux : 7 établissements pour enfants et adolescents polyhandicapés (EAAP), 5 instituts pour déficients auditifs et 2 pour déficients visuels, 62 IME, 88 Sessad (services d’éducation spécialisée et de soins à domicile)… Résultat ? La mobilisation des AESH s’est avérée inégale, pointent les auteurs de la synthèse. De nombreux enfants sont donc restés à domicile, même si s’est dessinée une tendance à un accueil séquentiel. Les transports, eux, s’étaient bien remis en ordre de marche. « Nous avons constaté que les élèves scolarisés en établissement spécialisé reprenaient de façon diffuse et progressive. Ceux qui suivaient des cours dans les établissements de droit commun, eux, retrouvaient le chemin de l’école de façon plus aléatoire, en fonction des territoires », note Allan Bordeux, conseiller à la direction de la vie des établissements de l’Alefpa. A ses yeux, cela a été fonction de l’impact de l’épidémie dans la région, de la volonté des communes, de la taille des établissements, des réticences des familles… « Incontestablement, les dynamiques locales ont été déterminantes », synthétise-t-il.

Autres constats : le risque de rupture pédagogique concernerait 20 % des élèves. Et, pour eux comme pour tous, les équipements informatiques insuffisants ou inadaptés ont pu engendrer de fortes inégalités. Pour l’heure, les associations interrogées n’ont pas pu recueillir de remontées de terrain permettant de dire si le dispositif des vacances apprenantes a pu, ou non, bénéficier aussi aux enfants handicapés et réduire ainsi les inégalités creusées ce printemps.

Enfin, cette étude menée sur le retour à l’école après le confinement indiquera sans doute ce que seront les traits de la rentrée 2020. Mais les semaines qui suivront seront, elles, largement le fruit de l’évolution de l’épidémie. Les associations gestionnaires d’établissements et de services planchent, au cas où, sur de possibles fermetures ou confinements temporaires. A l’image d’APF France handicap : « Notre doctrine n’est pas encore tout à fait arrêtée, mais il est certain que l’idée consiste à fortement prendre en compte les spécificités territoriales concernant la circulation virale et à opter pour une réponse la plus graduée possible », détaille Olivia Bouys, responsable du pôle « innovation et offre de service ».

A plus long terme, Michel Caron, vice-président de Nexem et président de l’Alefpa, alerté par de forts besoins déjà observés en matière de pédopsychiatrie après ce printemps compliqué, en appelle à la réalisation d’un travail de recherche qui associerait des professionnels du secteur et des chercheurs, pour décrypter les effets d’une telle crise sur cette jeunesse vulnérable.


Contacts

D’une part, les associations et leurs professionnels peuvent souvent jouer le rôle de médiateurs entre l’école et les familles lorsque les situations se grippent. Un rôle que revendique Christine Meignien pour l’association Sésame Autisme.

D’autre part, comme l’an dernier, l’Unapei a ouvert un site dédié au recueil de témoignages de familles sans solution : www.marentree.org.

Le gouvernement met quant à lui à disposition une plateforme, Aide handicap école, notamment au travers d’un numéro vert : 0805 805 110.

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