Au début de l’histoire
Les Inspections générales des affaires sociales et des finances (IGAS et IGF) avaient pour commande de rédiger un rapport censé rapprocher les droits des travailleurs des Esat de ceux des salariés du secteur ordinaire.
Après un premier train de mesures destiné à transformer les Esat (congés, instance mixte, élection d’un délégué, renforcement de la formation professionnelle…), les deux inspections devaient émettre des propositions complémentaires pour accentuer encore les droits des travailleurs des Esat, comme le triplement du salaire minimum, le droit syndical, le droit de grève, la complémentaire santé, un parcours vers l’emploi ordinaire…
Ce rapport était attendu avec beaucoup d’inquiétude par les responsables d’association et d’Esat, non parce qu’ils contestaient l’intérêt de plusieurs de ces droits, mais parce que leur financement allait plonger structurellement et durablement leurs établissements dans les déficits, et déséquilibrer le fonctionnement des autres structures (MAS, EMP) intégrées dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom).
Le contenu du rapport
Des points positifs
Le rapport de l’IGAS et de l’IGF, remis en mars 2024, a incontestablement tenu compte, pour un certain nombre de points, des avis exprimés par les administrations publiques, les personnes qualifiées, les responsables d’association et d’Esat.
Ainsi, pour des raisons juridiques et économiques, le triplement du salaire direct ne figure pas dans le document, non plus que le droit de grève et le droit syndical, ce qui aurait morcelé encore davantage le statut des travailleurs des Esat.
Les responsables d’association et d’établissement ne peuvent, par ailleurs, que souscrire à l’ouverture toujours plus forte de leurs structures (les activités hors les murs existent déjà dans les trois quarts des Esat) au renforcement de la formation professionnelle, à la multiplication des approches inclusives et partenariales, au développement chaque fois que possible et souhaitable des parcours pour l’emploi, à la mobilisation des aides à l’emploi, liées à la lourdeur du handicap, bloquées par l’Agefiph, alors qu’elles permettraient de véritables passerelles vers le milieu ordinaire, l’accroissement du pouvoir d’agir des travailleurs des Esat, l’amélioration de l’accueil et de l’orientation, la lisibilité des ressources…
Des points très contestables
- Un financement variable
Il est peu crédible de lier une partie du financement public des Esat qui serait variable selon le nombre d’inclusions professionnelles ; cette mesure, si elle était retenue par la ministre, n’aurait comme seul effet que de mettre mécaniquement ces structures en difficulté ainsi que les autres établissements intégrés dans le même Cpom.
En effet, le constat est fait, non seulement en France, mais aussi dans d’autres pays européens, l’Allemagne, par exemple, que la très grande majorité des travailleurs des Esat, ou leur équivalent, ne peut accéder aux exigences du milieu ordinaire de travail ; d’autres formes d’inclusion, intermédiaires entre l’emploi ordinaire et l’emploi protégé traditionnel, sont beaucoup plus réalistes. Il faudrait encore davantage encourager ce mouvement.
- Un financement à la personne
Le projet Sérafin, dont le rapport souhaite une mise en application rapide, n’aurait pour effet que de transformer les Esat, et plus généralement les établissements sociaux et médico-sociaux, en agences de prestations, s’éloignerait de la promotion des droits fondamentaux à l’éducation, à l’emploi, etc., et rajouterait de l’illisibilité au financement.
Mieux poursuivre
Comme l’écrivent les auteurs du rapport, les capacités de transformation des Esat sont limitées.
Si on souhaite maintenir une véritable logique de solidarité, il vaudrait mieux encourager la dynamique actuelle en termes d’inclusion raisonnée et de droits, sans bouleverser un dispositif globalement de bonne qualité.
>>> Le rapport de l'IGAS en PDF
(*) Gérard Zribi et l'auteur de L’avenir du travail protégé. Presses de l’EHESP, 2024.
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