En France, les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), aujourd’hui appelés services autonomie à domicile (SAD), sont sous tutelle départementale. Ceci pose une première question cruciale : comment assurer un soutien à domicile équitable pour tous les Français en le confiant à des collectivités locales soumises à des contraintes hétérogènes et bénéficiant de ressources elles-mêmes inégales ? Autant vous dire que chaque collectivité vit sa vie, la fédération des planètes unies, c’est pas pour tout de suite !
Par ailleurs, la dernière étude commandée par la CNSA et la DGCS[1] en mai 2016 montrait que le cout de revient d’une heure d’aide à domicile était en moyenne de 24,24 €/heure. Huit ans plus tard, elle est financée sur la base d’un tarif minimum de 23,50 €/heure[2], alors même que l’ensemble du secteur la positionne à plus de 30 €. Si dans Star Trek l’argent n’existe plus, sur Terre ce sous-financement chronique a évidemment des conséquences délétères tant sur les conditions de travail et de rémunération des professionnels du secteur que sur la qualité de nos interventions.
Pour un trop grand nombre de départements, seul le face-à-face compte, c’est-à-dire uniquement le temps que l’aide à domicile passe auprès de la personne soutenue. Nos collectivités nous prêtent peut-être de supers pouvoirs, mais dans notre réalité pas de téléportation ou de télépathie. Sur la planète Terre, le temps est nécessaire pour se déplacer d’un Terrien à un autre. Il l’est encore plus pour se parler et échanger afin de bien s’en occuper, sans compter tous ceux qu’on ne voit pas dans la série mais qui assurent la maintenance du vaisseau !
À défaut de la téléportation – qui nous aurait été bien utile –, nous avons la télétransmission (un truc super lorsqu’il n’est pas utilisé à des fins comptables). Les professionnels doivent pointer à leur arrivée et à leur départ de chaque domicile, et c’est bien : comme ça personne ne peut contester leur passage. Là où ça coince, c’est que les départements, dans leur grande majorité, l’utilisent pour calculer la rémunération accordée à nos services. Si une heure de prestation est programmée mais que l’aide à domicile, pour des raisons indépendantes de sa volonté, ne passe que 47 minutes auprès de la personne soutenue, le département ne règlera au service que ces 47 minutes et non l’heure initialement prévue.
Aussi, au coût horaire insuffisant, à la non-prise en compte des heures indispensables à l’organisation de notre travail, s’ajoutent les minutes déduites du temps de travail prévisionnel programmé.
Ça n’est pas aussi grave qu’une étoile qui menace d’exploser la galaxie mais cette violence financière se répercute immanquablement sur les professionnels du secteur. Ce fonctionnement est directement responsable du taux record de pauvreté des aides à domicile travaillant dans nos services[3]. Pourtant, c’est à ces mêmes collectivités territoriales que le gouvernement et la CNSA ont à nouveau confié des financements supplémentaires[4], avec notamment pour objet d’améliorer les conditions de vie au travail des aides à domicile. Autant vous dire que « longue vie et prospérité » pour les auxiliaires de vie, ça n’est pas pour tout de suite.
Reste à nous souhaiter que le timide article 8 du projet de loi bien vieillir, tel le vaisseau spatial Enterprise, ose explorer de nouveaux mondes, avancer vers l’inconnu pour expérimenter d’autres modèles de financement et véritablement reformer la planète Domicile !
[1] Direction générale de la cohésion sociale
[2]Tarif plancher national impulsé en 2022 par madame Bourguignon alors ministre déléguée à l’Autonomie, sans quoi la situation serait plus mauvaise encore, certains départements pratiquant des tarifs bien inférieurs avant cela. 3 € qualité devaient être abondés sur chaque heure APA/PCH mais dans les faits très peu de services y ont accès.
[3] 18,2 % pour une moyenne nationale de 6,9 %, toutes professions confondues
[4] Dotation qualité votée en 2022