Un consentement à géométrie variable
Comment se positionner face à une personne dont la maladie empêche toute réflexion, tout raisonnement ? Alors faire des choix ? Quand les capacités de discernement et de jugement s’altèrent, quand la maladie progresse inexorablement, quand son caractère, ses attitudes sont impactés… la personne aidée va petit à petit changer. Comment écouter la voix de celles qui ne parlent plus ou qui ne parviennent pas à se faire comprendre ? Au-delà des textes législatifs, le mot consentement est sur toutes les lèvres mais peine à prendre toute sa place au quotidien. A l’heure où les services à domicile et les établissements affirment haut et fort « respecter » le choix des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer, force est de constater que les contradictions sont légion. Que dire des entrées en Ehpad réalisées en urgence, sans explication ou accompagnées d’un mensonge : « c’est juste pour quelques jours ! ». Que dire quand l’habitant ou le résident (selon le vocabulaire utilisé par les équipes) refuse de se doucher tous les matins alors que la famille l’exige : « elle qui a toujours été si soignée ! » et que le règlement intérieur le préconise : « on ne va pas pouvoir éviter la douche indéfiniment ! ». L’autonomie décisionnelle s’arrête-t-elle aux portes de la perte d’autonomie cognitive ?
Présomption de compétences
Au moment du choix, seule le ou la principal(e) intéressé(e) devrait choisir, à condition de reconnaitre sa présomption de compétences. Or à domicile comme en établissement, 1001 contraintes et « bonnes » raisons font trop souvent peser la balance du côté des aidants au dépend des aidés, des incapacités au dépend des capacités. Qu’il est tentant de tout décider pour leur bien, pour les protéger. En toute bonne conscience. Et progressivement, en prétextant bien les connaitre, les questions ne leur seront même plus posées. Considérés comme incapables, ils sont en réalité rarement entendus… et même oubliés des échanges. Quant aux directives anticipées et aux personnes de confiance prévues par la loi, elles restent insuffisamment connues et utilisées. Et quand les personnes atteintes de troubles neurodégénératifs s’expriment enfin, leurs réactions sont qualifiées de comportements d’opposition qu’il faut étouffer et non observer et comprendre. Mais que nous disent-ils ? Qu’ils sont des adultes dont on doit respecter les choix. C’est justement au moment des pertes cognitives que ces pertes empêchent parfois de ne pas sombrer. Il ne s’agit pas de réduire la vie à des décisions anodines, mais de laisser le temps et la possibilité à la personne d’exprimer ses préférences.
« Dementia-friendly »
Face aux injonctions sécuritaires, aux difficultés quotidiennes, trouver le juste équilibre entre l’interventionnisme et la toute-puissance des professionnels et le laisser-faire et la liberté de choix n’est pas facile. Une des réponses ne peut venir que de questionnements menés en équipes pluridisciplinaires autour du sens du mot consentement. Puis viendra le temps de la recherche de l’assentiment, par l’observation d’un sourire, d’une grimace, d’un froncement de sourcils… A partir du moment où une meilleure connaissance de la maladie est assurée. Et pas uniquement dans les domiciles concernés et les établissements spécialisés. La liberté de choix ne doit pas se cantonner aux soins… mais bien aux besoins quotidiens. Et pour que la société bascule dans le mouvement « Dementia-Friendly », un long chemin reste à parcourir. Certains pionniers ont déjà pris leurs bâtons de pèlerins et ouvrent la voie.
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