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Alimentation : Réduire la dénutrition en Ehpad, c’est possible

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Résidente maison de retraite dans le salon télévision avant le déjeuner

Photo d'illustration.

Crédit photo Reddragonfly - stock.adobe.com
La dénutrition touche 270 000 personnes âgées vivant en maisons de retraite médicalisées et 400 000 à domicile. Face à cet enjeu de santé publique, l’urgence est à la formation des professionnels du soin et de l’accompagnement. Car des solutions existent.

Fonte musculaire, fragilisation des défenses immunitaires, risques d’infections nosocomiales voire décès, la dénutrition a de graves conséquences sur la santé. Et, contrairement à une idée reçue, le phénomène ne touche pas uniquement les pays en développement. Ainsi, en France, les personnes âgées sont particulièrement exposées : entre 4 et 10 % des individus vivant à leur domicile sont concernés par cette pathologie. En outre, selon la Haute Autorité de santé (HAS), 40 % des seniors sont même hospitalisés en raison d’une forte dénutrition. En cause : l’isolement, le deuil d’un proche, la dépendance, des douleurs bucco-dentaires, des problèmes de déglutition ou encore des maladies neurologiques. Mais qu’entend-on exactement par « dénutrition » ?

A l’inverse de la sous-nutrition ou de la malnutrition, la dénutrition est une maladie. La HAS la définit comme « l’état d’un organisme en déséquilibre nutritionnel, le déséquilibre étant caractérisé par un bilanénergétique et/ou protéique négatif ». De son côté, le Collectif de lutte contre la dénutrition la présente comme « un état pathologique se caractérisant par un déséquilibre de la balance énergétique. C’est-à-dire une insuffisance des apports au regard de nos besoins nutritionnels. Les patients atteints de dénutrition souffrent d’une déficience immunitaire aiguë qui peut conduire à de nouvelles infections, à d’autres complications et parfois jusqu’à la mort ».

Concrètement, il s’agit, via le programme national nutrition santé (PNNS) 2019-2023, de sensibiliser les citoyens comme les professionnels du soin et de l’accompagnement à ces enjeux, mais aussi à des actions préventives et aux traitements de cette « maladie silencieuse » qui touche 2millions de Français. Parmi elles, 270 000 sont des personnes âgées vivant en Ehpad et 400 000 à domicile. « Les chiffres sont assez parlants, appuie Jérôme Guedj, ancien député socialiste de l’Essonne et membre du collectif. On estime que 25 % des personnes âgées à domicile accompagnées (donc en perte d’autonomie) sont en situation de dénutrition. Et que cette maladie touche entre 30 et 40 % des personnes entrant en Ehpad. »

Anticiper le « Choc alimentaire »

Si la lutte contre la dénutrition diffère d’un établissement à un autre, il existe des critères permettant de poser le diagnostic de dénutrition (voir encadré ci-dessous) et d’en repérer les signes. Chaque structure est plus ou moins libre de mettre en place un plan d’action. Mais tout commence dès l’accueil du résident. Car, si la plupart des personnes âgées sont souvent dénutries avant d’arriver dans la structure, l’entrée en institution constitue un « choc alimentaire », en raison d’une rupture avec le mode de vie antérieur.

« On constate souvent une perte de poids dans les premiers mois. Le désintérêt de tout, l’absence de plaisir s’accompagnent fréquemment d’un “je n’ai pas faim”, comme c’est le cas dans certaines dépressions », confirme Marion Briançon-Marjollet, chargée de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) à la Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées (Fnaqpa). Celle qui est aussi pilote du projet « Maison gourmande et pesponsable », mené conjointement avec Adef Résidences, précise que « lorsqu’elles étaient encore à domicile, ces personnes avaient l’habitude de manger ce qu’elles voulaient, quand elles le voulaient ». « Dès leur arrivée, les personnes sont pesées, appuie Morgane Visseaux, infirmière nutritionniste à l’Ehpad Verte Prairie de Salon-de-Provence. Cela nous permet d’avoir un poids de référence. Et les résidents dénutris sont ensuite pesés toutes les semaines pour évaluer l’efficacité du plan nutritionnel. La dégradation ne peut prendre que quelques jours, mais l’amélioration également. » Et de poursuivre : « Nous pratiquons ensuite un bilan sanguin complet au cours duquel nous contrôlons l’albumine, qui est le marqueur de la dénutrition, et la CRP (ou protéine C réactive), qui est le marqueur inflammatoire. Nous avons besoin de ces deux données pour contrôler si la personne âgée assimile bien les protéines. A partir de là, en fonction de son IMC (incide de masse corporelle), on voit si elle a besoin d’être enrichie ou si son état nutritionnel est correct, ce qui nous permet de rester sur un régime normal. »

Développer le plaisir de manger

L’une des principales clés de réussite de la lutte contre la dénutrition passe par le plaisir de manger. Les professionnels en Ehpad doivent s’efforcer identifier ce qui est cause de plaisir ou de souffrance, voire de douleur, chez le résident. Il faut qu’ils recueillent leurs goûts et dégoûts, leurs aversions, leurs éventuelles allergies, etc. « Mais il est aussi important de faire comprendre aux équipes que manger ne consiste pas seulement à avaler des aliments », insiste Catherine Lapp, diététicienne, qui a récemment dispensé la formation « Dépistage et prévention de la dénutrition en Ehpad », chez Idéage Formation.

Autre asutuce : redonner du goût aux aliments. « Car, plus on vieillit, moins les aliments ont de saveur », justifie Marion Briançon-Marjollet. L’ajout d’épices et la préparation de plats plus savoureux est donc à privilégier. Mais il suffit parfois, simplement, d’enrichir ceux-ci avec un peu de matière grasse (crème, beurre, huile…) ou des protéines (jambon, œuf, lentilles…). « Cette nourriture enrichie est beaucoup mieux acceptée par les résidents que les compléments alimentaires pharmaceutiques ou les yaourts hyperprotéinés, assure Morgane Visseaux. En effet, cela permet de ne pas les stigmatiser. On ne fait pas la différence entre celui qui a un laitage supplémentaire parce qu’il est dénutri et les autres. C’est très important que la dénutrition ne soit pas forcément vue par les autres résidents. »

De plus, avec l’âge, l’appétit évolue. Prendre des repas copieux comme on en a eu l’habitude toute sa vie n’est pas l’idéal. Mieux vaut privilégier les en-cas en petite quantité tout au long de la journée. « Il faut aussi réduire le jeûne nocturne, qui est une vraie problématique en Ehpad. Souvent, les dîners sont servis à 18 h 30/19 h et le petit déjeuner à 7 h 30. Il y a donc jeûne pendant plus de 12 heures, déplore Jérôme Guedj. Il faudrait idéalement distribuer une collation avant le coucher, mais c’est difficile à mettre en place dans bon nombre de structures car cela suppose du personnel. Or, à 22 h, c’est le moment où il y a le moins de professionnels dans les établissements. »

Un travail pluridisciplinaire

Mais la lutte contre la dénutrition n’est pas l’apanage des soignants. Il s’agit d’un travail pluridisciplinaire, d’équipe. « La dénutrition d’un résident impacte autant la direction au niveau du budget que la cuisine au niveau des menus, assure Catherine Lapp. Elle concerne le médecin, le cadre, l’infirmière, les aides-soignantes, les auxiliaires de vie, les agents de restauration, le cuisinier… Ils ne peuvent rien faire l’un sans l’autre. Toute la structure doit lutter ensemble contre la dénutrition. »

« Cela commence avec l’agent de service hôtelier (ASH) qui prépare les petits déjeuners, schématise Morgane Visseaux. Nous l’avons formé et sensibilisé au fait que sa tâche n’est pas seulement de donner un repas. Il s’agit d’un réel soin. Comme tous les petits déjeuners sont personnalisés, l’ASH a donc aussi ce devoir de soin, de voir si le repas est bien accepté, s’il est adapté au goût et aux envies de chacun. »

La lutte contre la dénutrition se joue également hors des assiettes. Les professionnels doivent réfléchir aux meilleurs moyens d’améliorer les repas dans leur globalité. « Les résidents ne doivent pas, par exemple, se restaurer comme s’ils étaient à la cantine, recommande Catherine Lapp. Un soin particulier doit être apporté à l’aménagement des locaux, à l’éclairage, à la sonorisation, à l’installation des tables et des chaises. Il faut aussi réfléchir au plan des tables, à la disposition et l’installation des personnes. Est-ce qu’on met des nappes ? Quels couverts utilise-t-on ? »

Au-delà de l’architecture ou du goût dans les assiettes, la lutte contre la dénutrition passe aussi par une gestuelle de l’intervention, de la prise en charge. Comment aide-t-on quelqu’un à manger ? Cela s’apprend. « Il convient d’aider et de stimuler la personnesans pour autant faire les choses à sa place, explique Catherine Lapp. Parfois, il faut montrer, initier ou mimer le geste : si elle ne sait plus comment tenir une fourchette, il faut le lui rappeler. Ou alors la laisser manger avec les mains. Tout cela dans l’idée de préserver au maximum son autonomie. » Et Jérôme Guedj de conclure : « On voit bien que la dénutrition pose des questions sur l’ensemble du fonctionnement des Ehpad. Mais de la prévention à la prise en charge, il existe des solutions. Car ce n’est pas une fatalité d’être dénutri quand on est une personne âgée. Comme il s’agit d’une maladie, cela veut dire qu’on peut la prévenir, la dépister et en guérir. »


Quelques repères

Selon la Haute Autorité de santé, le diagnostic de dénutrition repose sur la présence d’un ou de plusieurs des critères suivants :

Une perte de poids ≥ 5 % en un mois ou ≥ 10 % en six mois

Le poids de référence est idéalement un poids mesuré antérieurement. A défaut, on se réfère au poids habituel déclaré ou, en cas de pathologie aiguë, au poids d’avant le début de l’affection.

Un indice de masse corporelle (IMC) < 21

Un IMC < 21 est un des critères de dénutrition chez la personne âgée. En revanche, un IMC ≥ 21 n’exclut pas le diagnostic de dénutrition (par exemple en cas d’obésité avec perte de poids).

Une albuminémie < 35 g/l

L’albuminémie est un facteur pronostique majeur de morbi-mortalité. De plus, elle permet de distinguer deux formes de dénutrition : la dénutrition par carence d’apport isolée, où l’albuminémie peut être normale, et la dénutrition associée à un syndrome inflammatoire et à un hypercatabolisme, où l’albuminémie baisse rapidement.

Un MNA global < 17

Le Mini Nutritional Assessment (MNA) est un outil d’évaluation permettant d’identifier les personnes âgées dénutries ou présentant un risque de dénutrition.

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