« Notre révolution commence aujourd’hui et ne s’arrêtera que quand nos droits seront respectés, prévient Pascale Ribes, présidente d’APF France handicap, depuis l’estrade installée sur la place de la République, à Paris. C’est une révolution pour exiger une politique qui nous reconnaisse comme des sujets de droit et non pas des objets de soins. » Malgré le froid et la pluie, des centaines de personnes se sont réunies à l’appel du Collectif handicaps à l’occasion du « non-anniversaire » de la loi du 11 février 2005 qui promettait l’égalité des droits, des chances et de participation citoyenne des personnes en situation de handicap.
Force est de constater que, vingt ans plus tard, le compte n’y est pas : malgré une amélioration, le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois plus important que celui de la population générale (12 % contre 7 %) et un quart d’entre elles sont pauvres.
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Moins de la moitié des établissements recevant du public sont accessibles aux personnes à mobilité réduite, tandis que la loi « Elan » a réduit à 20 % le taux de logements qui doivent être accessibles à ce public dans les constructions neuves.
Sans parler du manque de formation aux handicaps du personnel de santé, rendant difficile la coordination et même l’accès aux soins. Résultat, pour la septième année consécutive, le handicap est la première cause de discrimination en France, d’après la Défenseure des droits.
En cette fin de journée, le mot d’ordre est clair : il faut que la loi de 2005 soit appliquée, maintenant, sans attendre vingt ans de plus. « Cet anniversaire n’est pas une fête, parce que les droits prévus par la loi ne sont pas appliqués. Nous sommes loin d’une vie quotidienne sans discrimination », s’indigne Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps. « 2005-2025 : rien n’a changé ! », scandent les manifestants.
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Pendant plus d’une heure, se succèdent à la tribune les représentants d’organisations qui œuvrent dans le domaine du handicap moteur ou psychique : la fédération Paralysie cérébrale France, l’AFM-Téléthon, venue dénoncée la pénurie d’aides à domicile, l’association Vaincre la mucoviscidose, La Maison perchée, qui accompagne des jeunes adultes souffrant de troubles psychiques, ou encore l’Uniopss.
Le président de cette dernière, Daniel Goldberg, enjoint à poursuivre les actions : « Il faut que nous continuions à nous mobiliser. La solidarité nationale, le respect des droits fondamentaux, c’est ce qui nous permet d’avoir des professionnels de l’action sociale et médico-sociale qui soient reconnus. » Inclusion oblige, son intervention, comme toutes les autres, est retransmise sur écran géant en direct, avec sous-titres et traduction en langue des signes.
Des fauteuils vides en symbole des absents
Des célébrités aussi sont venues apporter leur soutien à la mobilisation : le chanteur Renand Luce, l’aventurier et chroniqueur Philippe Croizon ou encore Artus, réalisateur du film aux 11 millions d’entrées Un p’tit truc en plus, sorti en 2024 et qui met en scène un braqueur caché dans une colonie de vacances pour personnes en situation de handicap. « C’est fou qu’après les Jeux paralympiques et le succès du film, le ministre qu’on oublie de nommer, c’est celui du handicap ! », s’indigne-t-il, en référence au loupé du gouvernement Barnier.
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« On veut des droits, pas votre pitié », « Pas de bras, pas de droits ? » ou « Liberté, égalité, accessibilité », lit-on sur les pancartes des manifestants emmitouflés. Pourquoi la loi de 2005, qui érigeait le principe d’accessibilité universelle, n’est-elle toujours pas appliquée ? « Parce que les législateurs ne sont pas handicapés », répond, avec évidence, Ramino, 61 ans, qui se déplace en fauteuil.
Non loin, une délégation de l’association Comme les autres, fondée par le multiple champion de tennis en fauteuil Mickaël Jeremiasz, a fait le déplacement avec des fauteuils vides pour marquer l’absence de ceux qui auraient aimé venir mais n’ont pas pu, faute de transports accessibles. Marion Servalli, travailleuse sociale au sein de l’association, fait le constat de cet empêchement au quotidien dans sa profession : « Nous menons beaucoup d’actions en collectif, et c’est compliqué quand il y a des annulations à cause des problèmes de mobilité. On se retrouve à trois ou quatre alors qu’on devait être huit. »
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Sur la place de la République, les présents sont unanimes pour dénoncer la lenteur et les marches arrière de l’Etat, notamment en matière d’accessibilité. Pas de quoi faire disparaître tous les désaccords. D’un côté de la place, des militantes du collectif féministe et antivalidiste Les Dévalideuses brandissent par exemple des pancartes « Moins de Téléthon, plus d’inclusion ! » et promeuvent une véritable politique de désinstitutionnalisation. C’est-à-dire, à terme, la fermeture des institutions.
Concrètement, les manifestantes remettent en cause le fonctionnement des associations gestionnaires, dont certaines sont organisatrices de la mobilisation et présentes sur scène. Un de leurs membres est venu leur demander de quitter un rassemblement qui se voulait apolitique, relate Nadia Morand, des Dévalideuses. Ce qui, pour cette militante, est absurde : « Un point essentiel est de montrer que ces questions sont éminemment politiques, et il faut qu’on en prenne conscience ! Le validisme est une oppression structurelle. »
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