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Asile et LGBTQI + : le rôle central des associations

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Photo d'illustration

Crédit photo Maren Winter - stock.adobe.com
Comment verbaliser l’intime d’une orientation sexuelle afin de justifier sa crainte de persécutions ? Parue le 15 mai dernier, une étude commandée par le défenseur des droits met en lumière l’importance des associations dans l’accompagnement des demandeurs d’asile LGBT+, en particulier pour l’élaboration de leur récit de vie.

Il n’existe pas de chiffres officiels sur les demandes d’asile liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre. En 2018, l’Ardhis (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour) a accompagné plus de 800 personnes concernées. Ce nombre est « sensiblement le même » en 2019, indique sa présidente, Aude Le Moullec-Rieu, précisant que ses équipes sont « plus sollicitées que nos capacités d’accueil ». Si plusieurs centres LGBT se sont aussi dotés d’un pôle « asile », le tissu associatif reste récent et fragile financièrement. Pourtant, une étude du défenseur des droits parue le 15 mai loue son importance pour « assurer une fonction de mise en confiance permettant l’expression de la persécution fondée sur le motif de l’orientation sexuelle ». Une fonction dont les assistantes sociales présentes dans les Cada (centres d’accueil pour demandeurs d’asile), « fréquemment associées à “l’administration”, sont moins investies ». 

Les exilés suivis par l’Ardhis – majoritairement des hommes seuls – sont « rarement accompagnés socialement, et presque jamais hébergés » dans le dispositif national, rappelle Aude Le Moullec-Rieu. L’association les aide bénévolement dans l’élaboration de leur récit de vie, nécessaire pour l’entretien à l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). L’accompagnement se structure autour d’un suivi individuel, d’espaces collectifs d’expression, « d’ateliers théâtre, de football, de moments où les personnes peuvent être elles-mêmes » ; et, si besoin, d’une orientation vers un soutien psychologique professionnel. 

Prouver l’intime ?  

Selon l’étude, les officiers de protection de l’Ofpra demandent systématiquement : « Est-ce que vous vous définissez vous-même comme homosexuel ? » L’autodétermination et la capacité de dire l’intime deviennent des indices de crédibilité. Or les demandeurs d’asile LGBT+ ont souvent « dû cacher leur orientation sexuelle, l’enfouir de manière profonde ». « C’est étrange de devoir tout à coup verbaliser des choses qu’ils n’ont jamais exprimées à d’autres, voire ne se sont jamais formulées à eux-mêmes », explique Aude Le Moullec-Rieu. En outre, la volonté politique de raccourcir les délais de traitement des demandes a pour conséquence des entretiens plus courts à l’Ofpra comme à la CNDA (Cour nationale du droit d’asile). De quoi amoindrir la relation de confiance : « Si l’échange est expédié en une heure, il y a peu de chance qu’une personne qui a caché son homosexualité toute sa vie soit susceptible de se livrer », soulève la présidente de l’Ardhis.

La question de la preuve pose problème, comme le soulève le défenseur des droits. « Ce sont des existences cachées : les gens ne vont pas prendre de photos de leur couple », abonde Aude Le Moullec-Rieu. La Cour de justice de l’Union européenne a affirmé en 2014 qu’il n’était pas nécessaire d’établir la preuve de la véritable orientation sexuelle lorsqu’un demandeur d’asile invoque la crainte de persécutions liées à celle-ci. « C’est toute l’histoire de la jurisprudence que de parvenir à objectiver la situation de la personne : mais pour le public LGBT, on n’y arrive pas », résume la présidente de l’association. D’où l’importance d’accorder au demandeur le « bénéfice du doute ». 

Formations et garanties de procédures

A ces difficultés s’ajoutent le peu de prise en compte de la classe sociale et des syndromes post-traumatiques ainsi que le manque de connaissances sur le pays d’origine. Le défenseur des droits alerte sur le risque d’un « décalage culturel dans l’appréciation de la preuve de l’intime ». Les entretiens et audiences laissent  « entrevoir une image stéréotypée de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre de la part des autorités ou, tout au moins, une représentation des sexualités trop occidentalisée ». Dès lors, une formation sur ces enjeux apparaît nécessaire pour les officiers de protection de l’Ofpra, les juges de la CNDA, le personnel des préfectures et des centres de rétention administrative… 

L’étude suggère aussi de faire appel dans les procédures à des spécialistes des questions interculturelles, des ONG ou des témoins ; et d’ouvrir la possibilité aux associations d’intervenir à la CNDA pour apporter des informations. Quant à Aude Le Moullec-Rieu, elle propose de renforcer les garanties de procédures. Et s'inquiète des rejets par la CNDA sans audience, sur la base des seuls éléments écrits : « Cela arrive de plus en plus aux personnes que l’on accompagne, et je crains que ces rejets ne se multiplient à la suite du confinement. » Autre exemple : les personnes refusées par l’Ofpra et issues de pays « sûrs » peuvent être expulsées sans droit au recours. Pour la présidente de l’Ardhis, il s’agit là encore d’établir des « garde-fous », et de retirer une fois pour toutes de cette liste les pays LGBTphobes.

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