L’histoire se déroule dans le Tarn-et-Garonne. Confronté aux absences de sa mère, dépendante à l’alcool et démissionnaire, Lucas (prénom modifié) trouve refuge, pendant des mois, chez son voisin. Le sexagénaire est serviable, sa porte toujours ouverte. Elle le restera lorsque, malgré une mesure de placement éducatif à domicile (PEAD), la maman ne parvient pas à redresser la barre. En octobre 2023, la juge des enfants de Montauban ordonne le placement de Lucas chez ce voisin, qu’elle désigne tiers digne de confiance, pendant un an, sans alerter personne. Jusqu’à ce que la maman, souhaitant réclamer un droit de visite, sollicite une avocate. C’est elle qui va sonner l’alerte. En prenant connaissance du dossier, elle découvre qu’elle connaît le proche désigné. Et pour cause : elle était son conseil aux Assises, en 2008, lors de sa condamnation pour viol sur mineur de moins de 15 ans à une peine de prison de dix ans.
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Dans cette effroyable affaire révélée par Mediapart le 27 octobre 2024, une question émerge : comment un placement a pu être décidé chez un homme condamné pour viol, sans que personne ne vérifie au préalable sa probité ?
Pour le Comité de vigilance des enfants placés, cet événement révèle d’abord de la « difficulté des magistrats à faire face au nombre croissant de dossiers » mais surtout de « la nécessité de renforcer le cadre du placement chez un tiers de confiance ».
C’est que l’incident révèle une carence réglementaire. La loi sur la protection de l’enfance de février 2022 a renforcé le contrôle des antécédents judiciaires de tout professionnel et bénévole intervenant auprès de mineurs d’un établissement social ou médico-social. Mais la mention des tiers de confiance ne figure pas dans la loi. Ni dans le décret d’application du 28 août 2024 – , lequel a été publié après la décision de la juge des enfants de Montauban.
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Pour autant, le collectif d’anciens enfants placés refuse de remettre en cause le dispositif du tiers digne de confiance dans son entier. « Cette mesure doit être évaluée avec nuance : elle permet de prendre en compte l’ensemble des ressources de l’enfant et peut s’avérer moins traumatisante que les familles d’accueil ou les foyers », estime Anniela Lamnouar, du comité de vigilance.
A condition de le sécuriser. « Il ne peut y avoir deux poids, deux mesures, notamment au regard des exigences formulées envers les familles d’accueil, ajoute la chargée des relations extérieurs du collectif. Il faut travailler en bonne intelligence pour renforcer le dispositif en lui apportant un cadre – le contrôle du casier judiciaire, un lieu d’accueil fixe, un accompagnement global avec des ressources adaptées –, tout en maintenant une certaine souplesse. »
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La ministre déléguée à la Famille et à la Petite enfance, Agnès Canayer, semble s’y employer. Interrogé par Mediapart, son cabinet assure en tout cas mener des travaux pour « élargir le périmètre [des vérifications obligatoires] à d’autres personnes qui ont vocation à prendre en charge les enfants ».
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