La vidéo circule allégrement sur les réseaux sociaux. Vendredi 24 janvier, Christian Poiret (DVD), le président du département du Nord, est à Téteghem, près de Dunkerque, où il poursuit sa tournée des vœux.
Dans l’assemblée, des assistants de service social (ASS), invités à la cérémonie en qualité d’agents du département. Dos tourné, ils et elles brandissent des pancartes – un visage d’enfant, un prénom et cette phrase répétée « Le département n’est pas là pour lui » – dénonçant le manque de moyens et leurs conditions de travail.
« Ce n’est pas notre problème »
« Vous n’êtes pas respectueux de celles et ceux qui sont venus dans un bon esprit », leur lance Christian Poiret à la tribune. « Vous faites ce que vous voulez, c’est pas notre problème. Si le dialogue, c’est ça pour vous, vous inquiétez pas, le président est serein, les conseillers départementaux sont très sereins. Si vous avez un travail en mode dégradé, faites autre chose que de travailler au département du Nord. »
Sous la bronca des agents, le ton monte et les nerfs lâchent : « Y en a qui n’ont pas de travail. Y en a qui sont sur le bord de la route. Si vous êtes pas bien ici, allez ailleurs, et je le dis et j’assume ! Allez travailler ailleurs ! », s'emporte Christian Poiret, le doigt levé.
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« Avoir ce genre d’attitude et de mépris est totalement scandaleux et honteux, insiste David Grégoire, secrétaire départemental FO pour l’action sociale. Certains diront que c’est un coup de sang. Non, c’est la suite logique des politiques de réduction budgétaire que mène Christian Poiret dans le secteur social et médico-social. »
Dehors, les éducateurs de rue sont venus, eux aussi, manifester leur mécontentement. Ils n’ont pas pu assister à la cérémonie, faute d’être salariés du département et invités. Mais ils sont mobilisés, dans l’espoir de rencontrer le président un mois après l’annonce de coupes budgétaires dans la prévention spécialisée.
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« On a vu nos collègues assistantes sociales sortir en pleurs, témoigne Nathalie Harmand, déléguée syndical à Sud et membre du collectif « Touche pas à ma prév’ », créé ces dernières semaines. Pour elle, cette intervention constitue la marque d’une « défiance envers les travailleurs sociaux, d’un mépris face aux familles et aux jeunes qu’on accompagne ».
« On s’attendait à une écoute attentive et bienveillante. La seule réponse du président, c’est d’être abject », ajoute sa collègue, Anaïs Demuynck, déléguée syndicale FO et salariée de l’Association d’action éducative et sociale (AAES) de Dunkerque.
« Ces “petites mains” qu’il méprise sont pourtant celles qui empêchent son département de sombrer, réagit sur LinkedIn le militant de la protection de l’enfance Lyes Louffok. Les humilier publiquement ne fera qu’aggraver la pénurie qui frappe déjà nos métiers. »
« Le rôle du chef de file : rassurer »
« Il y a un caractère indécent à tenir de tels propos au regard de la situation que traversent les travailleurs sociaux, déclare, pour sa part, Johnny Herbin, directeur de l’Association de prévention spécialisée nationale (APSN). Le contexte est anxiogène, que ce soit pour les éducateurs de rue dont on annonce un budget en baisse de 3 millions d’euros, ou pour les ASS dont les conditions ne cessent de se dégrader. Des salariés, des familles sont très fragilisées. Il faut comprendre leur colère. En lieu et place, le président refuse le dialogue. »
Le représentant de l’APSN reconnaît que la protection de l’enfance va mal, dans le Nord comme ailleurs. « Mais dans ces périodes, appuie-t-il, le rôle du chef de file, c’est de rassurer, de sécuriser, et d’être délicat, notamment face aux personnes en grande vulnérabilité. » Une opportunité, visiblement, manquée.
Les travailleurs sociaux de la protection de l’enfance se réuniront le 6 février à Lille, place de la République à 14 h. Entre-temps, un échange avec la vice-présidente chargée de l'enfance, de la famille et de la jeunesse, Marie Tonnerre-Desmet, doit avoir lieu le 3 février.
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