Actualités sociales hebdomadaires : En quoi consiste la plateforme d’appel à témoignages lancée le 21 septembre ?
Nathalie Mathieu : Il s'avèrait essentiel pour nous que les écoutants soient des professionnels aguerris, car on n’accueille pas un parcours de vie brisée sans y être formé. Nous avons donc choisi des associations qui existaient déjà – le Collectif féministe contre le viol pour la métropole, et SOS Kriz pour les DOM-TOM – pour mettre en place ce numéro spécifique anonyme et gratuit. L'objectif est d'accueillir les témoignages et d'évaluer la situation et l’état émotionnel des personnes de façon à les orienter vers d’autres services si besoin, pour les accompagner (psychologues, centres de psycho-traumatisme, accompagnement judiciaire, etc.). Le lancement a été particulièrement émouvant pour les équipes car, dès 10 heures, le téléphone n’a cessé de sonner. Nous le savions déjà, mais cette plateforme répond à un véritable besoin. Les personnes qui ont témoigné, certaines pour la première fois, soulignent l’importance de cette écoute dans leur parcours personnel, et qu'elle émane d’une instance gouvernementale. Comme si, enfin, on reconnaissait officiellement leur statut de victime et les conséquences dans leur vie. La plateforme va servir aussi à compiler et analyser les récits de façon à contribuer à l'évolution des mentalités et des politiques publiques.
Quels sont les autres axes de travail de la commission ?
Nous menons plusieurs actions complémentaires pour nourrir nos recherches qualitatives et quantitatives : les victimes sont également appelées à remplir un questionnaire détaillé en ligne. Pour celles qui le souhaitent, nous réalisons des auditions en présentiel et, une fois par mois, auront lieu « les rencontres de la Ciivise » dans des villes de province, à commencer par Nantes le 20 octobre prochain. Dans chaque endroit, non seulement nous proposerons un temps de présentation des travaux de la commission et d’échanges libres, avec des victimes mais aussi avec l’ensemble des professionnels du médico-social, de l’éducation, des loisirs. Tous ceux en contact avec les enfants. Nous en profiterons également pour rendre visite à des équipes innovantes et relayer les bonnes pratiques.
Des études montrent déjà l’ampleur des violences sexuelles intrafamiliales. Qu’attendez-vous de ce nouveau travail de recherche et de recueil de données ?
Nous voulons aller beaucoup plus loin au moment où l’opinion publique semble prête. Bien que les chiffres soient connus, notre société est fondée sur la structure familiale et celle-ci aime à penser que, en ce lieu, l’enfant est épanoui et en sécurité. L’inceste reste de l’ordre de l’ impensable. Nous savons qu’il existe mais nous continuons à faire comme si de rien n'était. Notre étude sera inédite de par son ampleur et permettra de montrer, grâce aux récits de vie, à quel point les violences sexuelles sur mineurs sont massives et leurs dégâts considérables. Les conséquences concrètes dans la vie de tous les jours sont insuffisamment évaluées. L'inceste engendre un empêchement de vivre. Alerter le grand public pour qu’il n’y ait plus de déni, un meilleur repérage et une véritable protection sont pour nous un enjeu de société.
INFOS PRATIQUES
Plateforme téléphonique anonyme et gratuite, de 10 h à 19 h :
0 805 802 804 pour la métropole
0 800 100 911 pour les DOM-TOM
Les victimes et leurs proches ont également la possibilité d’écrire à la commission :
Par mail temoignages@ciivise.fr
Par courrier : CIIVISE – 14, avenue Duquesne - 75007 Paris