« La » famille, donc, remplace « les » familles. L’appellation n’avait plus cours depuis 2016, lorsque Manuel Valls avait confié à Laurence Rossignol un ministère de plein exercice. Avec le gouvernement Barnier, la voilà de retour. Et c’est peu dire que la formulation laisse de nombreux observateurs circonspects…
« Cela fait des années que l’on ne dit plus “la” famille, se désole la députée socialiste Isabelle Santiago. Le militant des droits des enfants, Lyes Louffok, voit dans ce changement le reflet « d'une politique de droite ». « Elle nie la diversité des modèles familiaux et montre un désintérêt pour les enfants de plus de 3 ans. »
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Même dans le camp macroniste, l’intitulé déconcerte. Sur X (ex-Twitter), Perrine Goulet, députée et ancienne présidente de la Délégation aux droits des enfants, se dit elle aussi « inquiète quant à la prise en compte de la diversité des familles ».
Des critiques que reprend aussi la députée LFI Marianne Maximi. Non sans s’attarder sur le profil « conservateur » de la ministre, elle estime qu’avec cette nomination, Michel Barnier montre que l’enfance n’est absolument pas une priorité politique pour lui. Au moins pour trois raisons :
- le portefeuille d’Agnès Canayer est minimaliste ;
- elle est classée 35e au protocole sur 39 ministres ;
- elle n’a pas de légitimité politique sur le sujet.
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Largement réprouvée également : l’absence de référence à l’enfance. « Réduire la question à la famille ou à la petite enfance laisse en suspens les défis majeurs auxquels font face les enfants plus âgés, notamment en matière de protection, de santé, d'éducation et de lutte contre la pauvreté », dénonce Adeline Hazan, présidente d’Unicef France, qui réitère sa demande d’un ministère de plein exercice.
L’Uniopss, elle aussi, s’inquiète de savoir « qui portera une grande politique de l’enfance intégrant la protection de l’enfance ».
L'enfant hors la famille
Sur son blog, Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, livre, dans un long billet, une approche critique. « La modernité eut été de parler du fait familial ou de la condition familiale », juge-t-il. L’enfance ne peut se réduire, ni à la petite enfance – « Tout ne se joue pas avant trois ans » –, ni à la famille.
« Par-delà l’influence familiale, les enfants ont une vie sociale, une vie propre et une identité propre. Le nouveau gouvernement escamote cette donnée. (…) En vérité, pour eux, l’enfant ne se conçoit pas hors la famille. »
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La jeunesse, aussi, fait les frais des nouvelles attributions du ministère. « Cerise sur le gâteau de la ringardise, on revient comme au XXe siècle à réunir la Jeunesse aux Sports comme si les sportifs n’étaient que des jeunes et les jeunes n’étaient que des sportifs. »
Un problème social ?
Jean-Pierre Rosenczveig critique également le positionnement auprès du ministère des Solidarités, qui en fait « un problème social ». Loin de l’affichage d’une « politique interministérielle à 180° » comme l’était le secrétariat de Charlotte Caubel, rattaché à la Première ministre Elisabeth Borne.
« Ces lacunes et approches réactionnaires, conclut-il, ne vont pas manquer de se traduire à très bref délai sur des sujets majeurs » : les mineurs non accompagnés, la justice pénale des mineurs, le projet de loi sur les responsabilités parentales, la démarche partenariale Etat-départements sur la protection de l’enfance…