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La "boîte noire" des mesures de placement non exécutées

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Kim Reuflet, Présidente du syndicat de la magistrature

"Malgré un renfort de moyens des dispositifs sociaux, la justice civile des mineurs est la grande oubliée de cette distribution généreuse", Kim Reuflet, Présidente du syndicat de la magistrature

Crédit photo © Capture écran du site de l'Assemblée nationale-Audition de Mme Kim Reuflet à la Délégation des Droits de l'enfant
Mardi 14 mai, la Délégation des droits de l'enfant a tenu une audition en présence de Kim Refluet, présidente du Syndicat de la magistrature. Au cœur des discussions : l'état alarmant de la justice civile des mineurs en France. Elle énonce un chiffre saisissant :  60 enfants meurent chaque année sous les coups d 'un membre de leur famille. Un chiffre, précise-t-elle, « probablement en dessous de la réalité ».

C'est une séance qui n’a pas fait beaucoup d’émules parmi les parlementaires. Outre Perrine Goulet, la présidente de la Délégation des droits des enfants, seuls cinq députés assistaient à l'audition de Kim Refluet, la présidente du syndicat de la magistrature. Celui-ci vient en effet de rendre son rapport sur l’état de la justice civile des mineurs : « La justice protège-t-elle les enfants en danger ? » 

Si la Délégation des droits des enfants n'a pas attiré les foules alors que le sujet est brûlant, c'est sans doute parce que la commission d’enquête parlementaire sur les manquements de la protection de l’enfance se réunissait au même moment. Sans surprise, sur un thème pas très éloigné (les dysfonctionnement de l'ASE). Hasard du calendrier ou enième enjeu politique qui échappe à une priorité pourtant commune : que la protection de l'enfance remplisse pleinement son rôle. Protéger.

>>> à lire aussi : La commission d’enquête sur les dysfonctionnements de l’ASE commence ses travaux le 30 avril

 Kim Refluet a martelé un constat amer lors de son audition  : les mesures de placement demeurent largement non exécutées, transformant ce système en ce qu'elle qualifiera de « boîte noire de la protection de l’enfance ».

Pour la  présidente du syndicat, «il est impératif de ne pas politiser cette question vitale », mais plutôt de reconnaître « son caractère systémique, fruit d'une maltraitance institutionnelle ancrée tant dans les rouages des services sociaux éducatifs que dans la justice ».

Les drames qui ont bouleversé les acteurs de la protection de l’enfance et anciens enfants placés ont « jeté la lumière sur les dysfonctionnements de la protection de l’enfance mais derrière ces chiffres alarmants se cachent des enfants bien réels », rappelle la magistrate. Leurs vies sont suspendues à des décisions judiciaires non appliquées avec le risque d’une grave détérioration de leur sécurité physique et mentale.

>>> à lire aussi : Enfance en danger : un rapport du Syndicat de la magistrature enfonce le clou

Des situations ont été évoquées par Kim Refluet, révélatrices des écueils de cette protection de l’enfance à deux vitesses. En Loire-Atlantique, trois sœurs adolescentes placées en urgence, exposées à des risques de prostitution et d’abus sexuel par le père, ont été maintenues chez elles, faute de place disponible. L’aînée est aujourd’hui majeure et enceinte. En Ile et Vilaine, une enfant battue, à coups de câbles, sourcils et cheveux tondus par la mère, a été placée en urgence. Elle a finalement regagné le domicile parental, faute de place pérenne en foyer. La liste est longue. 

Opacité des chiffres de la protection de l'enfance vs éloquence des chiffres des juges

Les difficultés d'accès aux données statistiques et le manque de transparence des départements ont été pointés du doigt par le syndicat tout comme l'inefficacité des observatoires existants. Un sondage auprès de 522 juges des enfants a révélé que 3 335 des placements ordonnés ne sont pas exécutés, « Un chiffre sans doute sous-estimé, analyse la présidente du syndicat, mais qui porte le poids de juges qui se sentent démunis, contraints de renoncer à proposer des mesures de placement par crainte de leur non-exécution ». Le manque de moyens humains et financiers est criant : alors que le nombre de mesures par juge des enfants augmente, aucun nouveau poste n'a été créé depuis 2022. « Nous ne jetons pas l’opprobre sur les départements, prévient Kim Reuflet, mais il faut prendre conscience de l’existence de ces drames en établissant des chiffres ».

Le rapport en dit long sur les conditions de travail des juges pour enfant :

 

  • 600 mesures par JE, soit 1000 enfants environ pour chacun d’eux : « Quand on est un enfant en danger, on n’a pas accès à son juge, déplore-t-elle. et certains juges, par manque de temps entendent tous les enfants de la fratrie en même temps, ce qui ne facilite pas l’expression d’une parole ».

 

  • 77 % des JE renonce à proposer des mesures de placement « car ils savent qu’elles ne seront pas exécutées. Ils préfèrent décider d’une intervention d’un éducateur à domicile qui prendra moins de temps ».

Des questions, des questions… mais surtout des dispositifs non appliqués

Perrine Goulet, présidente de la Délégation des droits des enfants a questionné plusieurs aspects dans les rouages de la protection de l’enfance, entre autre la nécessité de repenser les articulations entre les différents acteurs de la justice, évitant ainsi les décisions contradictoires entre les JAF les JE préjudiciables aux mineurs : « Il arrive, regrette-t-elle, que l’autorité parentale soit maintenue alors qu’il y a un danger imminent de maltraitance » .

Elle plaide pour « la généralisation de l’avocat pour porter la voix de l’enfant » corrélaire à la question de l’âge du discernement qui divise les professionnels, non fixé actuellement dans le cadre de l’assistante éducative et contradictoirement fixée à 13 ans dans le cadre de la justice pénale.

L’insuffisance de mesures de placement auprès de tiers digne de confiance (TDC) a également été soulevée, « C’est une question de culture professionnelle, et de manque d’accompagnement des personnes désignées TDC », répond Kim Refluet qui espère « une véritable stratégie nationale de la politique de l’enfance ». Comment ? « En sortant du légicentrisme et de la duplicité collective, en appliquant des lois déjà existantes, notamment la Loi Taquet et obliger les départements à produire des données sur le nombre de mesures non exécutées »,

Prochaine étape pour le Syndicat de la magistrature : contribuer au débat public au travers de son rapport en continuant à collecter d’autres informations avant la fin des travaux de la commission d’enquête parlementaire.

>>> à lire aussi : ASE: les 9 propositions du comité de vigilance pour améliorer la prise en charge des mineurs en danger

>>> à lire aussi : Adrien Taquet : « Un enfant n’a rien à faire tout seul dans un hôtel »

 

 

 

 

 

 

Protection de l'enfance

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