« Comment cette situation a-t-elle pu nous échapper ? » La question a tourmenté un moment Florence Thibaudeau-Rainot, adjointe au maire du Havre, chargée des affaires sociales et de la solidarité. Début 2021, une intervention dans le cadre de la protection de l’enfance permet d’identifier deux enfants de 2 ans et 3 ans avec d’importantes carences éducatives. Les parents sont alors âgés de 20 ans et bénéficient du RSA (revenu de solidarité active).
« J’ai demandé que soit réalisé un retour d’expérience sur cette situation, retrace l’élue. Je voulais connaître les trous dans la raquette entre les différents partenaires : les services de la PMI (protection maternelle et infantile), l’Education nationale, la caisse d’allocations familiales (CAF), le service petite enfance de la ville… Qui aurait pu identifier un signal faible ? Et vers qui nous aurions pu nous tourner pour accompagner cette famille ? » De ces retours est née l’idée de créer un dispositif entièrement dédié à l’accompagnement des mères de moins de 20 ans. Porté par le centre communal d’action sociale (CCAS) de la ville du Havre depuis l’été 2022, le projet permet aujourd’hui de suivre 21 jeunes mamans âgées de 15 ans à 19 ans.
Travail de coordination
Sandrine Avenel, « accompagnatrice jeunes parents », est embauchée à temps plein par la structure pour aider ces mères dans leurs démarches et leurs parcours, à partir du moment où elles sont enceintes et jusqu’aux 3 ans de l’enfant. Sa première mission : repérer les cas de maternité précoce. « Je suis interpellée par tous les acteurs, aussi bien par l’hôpital, que par le département, l’Education nationale et la CAF. La maman peut également s’auto-mandater », explique la professionnelle, ancienne éducatrice de jeunes enfants pour le département de la Seine-Maritime.
En fonction des besoins exprimés, elle accompagne ensuite à l’insertion professionnelle, travaille à la continuité des cours ou à l’entrée en formation, aide à trouver des modes de garde et reste présente sur tout le volet santé. « Il y a des mères très autonomes pour les prises de rendez-vous médicaux et d’autres qui ont besoin que je les accompagne physiquement. Ce poste a pour avantage d’être très souple. Je peux recevoir à mon bureau, aller à domicile et me déplacer pour des démarches en extérieur. »
Pair-aidance
Financé jusqu’en août 2025, entre autres par la ville du Havre et l’agence régionale de santé (ARS), le dispositif a vocation à être pérennisé et à évoluer selon les retours d’expérience. Depuis peu des groupes de pair-aidance ont été mis en place. S’ils ont mis du temps à attirer les jeunes mères, quelques-unes commencent désormais à y participer. « Deux d’entre elles se sont échangé leur numéro et planifient des sorties en extérieur. Ça démarre ! », se réjouit Sandrine Avenel.
D’autres villes se montrent également intéressées par le projet, qui pourrait s’ancrer de manière différente selon les territoires. S’il est porté par le CCAS au Havre, ailleurs, des associations pourraient par exemple s’en emparer. « Au départ, cela a posé beaucoup de questions que le CCAS mette en place ce dispositif alors que la protection de l’enfance est une compétence départementale, contextualise Florence Thibaudeau-Rainot, vice-présidente du conseil départemental de Seine-Maritime en plus de sa fonction d'élue à la ville du Havre. Si je n’avais pas eu cette double casquette, cet accompagnement n’aurait certainement pas vu le jour et c’est dommage, regrette-t-elle avant d’ajouter : Finalement, peu importe de quelles compétences cela dépend, l’important est de renforcer le pouvoir d’agir de ces très jeunes mamans. »