A quelques jours du premier tour des législatives, Marianne Maximi, éducatrice spécialisée de profession, détaille le programme du nouveau Front populaire en matière de protection de l'enfance.
ASH. Que propose le programme du Nouveau front populaire en matière de protection de l'enfance?
Marianne Maximi. Le programme qui a été élaboré en quelques jours en raison de l’urgence se concentre sur deux points principaux. D’abord, assurer la mise en œuvre réelle mettre de la loi Taquet de 2022. On se rend en effet compte que depuis qu’Emmanuel Macron est président, les lois concernant la protection de l’enfance sont les moins bien appliquées en France. D’une part, il s’agirait d’interdire totalement des placements hôteliers, puisque le décret d’application ne fait que les restreindre, en autorisant cet hébergement s’il est encadré par des professionnels formés, sans d’ailleurs préciser de quel type de professionnels il s’agit. D’autre part, de refuser toute sortie sèche des majeurs suivis par l’aide sociale à l’enfance.
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Ensuite, plus largement, nous défendons le renforcement de la prévention. Au lieu d’attendre que les difficultés apparaissent pour agir, il est nécessaire de prévenir ces difficultés, notamment en accompagnant de façon précoce les tout-petits, en matière de santé par exemple.
Par ailleurs, hormis ces deux axes spécifiques, nous voulons que soit mesuré systématiquement l’impact sur les enfant de toutes les politiques publiques. Car on a tendance à oublier que les enfants sont les premières victimes des politiques antisociales du gouvernement.
Au-delà du programme officiel, avez-vous d’autres points d’accord ?
Dans l'ensemble, les acteurs du Nouveau front populaire possèdent une volonté commune de remettre en place la commission d'enquête sur les manquements des politiques publiques en protection de l’enfance qui s'est arrêtée brutalement avec la dissolution. Cela suppose qu’un groupe parlementaire se saisisse de son droit de tirage pour la réinstaller. Nous souhaitons aussi que la délégation aux droits des enfants renaisse. Il n’est pas question de perdre à nouveau deux ans à arracher un accord à l’Assemblée nationale. Ces travaux, porteurs d’espoir pour les acteurs du secteur et les personnes concernées, constituent une urgence absolue.
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Pour en avoir discuté avec les membres de la commission d’enquête, certaines mesures peuvent aussi être portées de façon transpartisane.
En tant que spécialiste de la protection de l’enfance, vous aviez déposé plusieurs propositions de lois aujourd’hui obsolètes…
Même s’il y a eu une prise de conscience politique, d’un point de vue législatif, peu de choses ont avancé. Après les deux ans de travail intense menés au sein de ces instances, je compte à nouveau déposer les propositions suspendues. Comme celle concernant la suppression de Parcoursup pour l'accès aux formations sociales, qui peut paraitre anecdotique mais participe réellement aux difficultés de recrutement dans le travail social. Ou celle qui vise à interdire totalement les placements hôteliers, puisque le décret d’application ne fait que les restreindre, en autorisant cet hébergement s’il est encadré par des professionnels formés, sans d’ailleurs préciser de quel type de professionnels il s’agit.
Sans avoir abouti à un tel niveau de formalisation, nous avions aussi beaucoup avancé sur d’autres thématiques. A l’image de la question des normes et des taux d’encadrement dans les lieux d’accueil, pouponnières compris. Cette demande ancienne des acteurs du secteur est, avec la revalorisation des salaires, l’un des leviers essentiel de l’attractivité des métiers. Une autre mesure envisagée était celle du droit de visite parlementaire dans les structures de protection de l’enfance avec un contrôleur sur le modèle de celui des lieux de privation de liberté. Enfin, nous avions prévu de revenir sur le statut des assistants familiaux qui restent le mode d’accueil dans lequel les enfants se développement le mieux, particulièrement les tout-petits.
Y a-t-il des points qui font toujours débat ?
La question de la recentralisation ne fait pas l’unanimité au sein de l’alliance. Je m’explique ce point de divergence par le fait que le fait que le PS aient des départements en gestion, ce qui les rend plus réticents.
Malgré tout, on ne peut s’empêcher de faire le constat qu’il y a aujourd’hui 101 protections de l’enfance, et qu’il faut restaurer une égalité de traitement. De mon côté, je milite pour avancer sur la route de la recentralisation, afin que l’Etat prenne sa part au moins en matière de financement ou de contrôle. Au cours de nos auditions, nous avons appris que seuls 55 ETP étaient prévus pour assurer cette mission au niveau national, alors qu’on sait qu’il existe des lieux dysfonctionnants, au mieux pas aux normes et au pire non agréés ou maltraitants. Nous avons aussi assisté aux monumentales coupes budgétaires en matière de protection de l’enfance.
Les MNA constituent un enjeu important dans la campagne législative. Quel est votre positionnement ?
Les participants au Nouveau Front populaire ont tous signé la convention internationale des droits de l’enfant, qui prévoit que tout enfant en danger sur notre territoire soit pris en chargé et protégé. Au contraire de ce que prétend le rassemblement national qui présente de manière très opportuniste l’arrivée des mineurs non accompagnés (MNA) comme la cause principale des problèmes en protection de l’enfance, il suffit de connaitre un peu le sujet pour savoir que les dysfonctionnements et la hausse des situations ne se résument pas à ces enfants.
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C’est la vulnérabilité et la minorité qui constituent les critères principaux ouvrant droit à la protection de l’enfance, et en aucun cas la nationalité. Encore faut-il que l’évaluation de cette minorité cesse d’être exercée dans des conditions déplorables.
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