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Marianne Maximi : "Les suppressions de postes à la PJJ seront une catastrophe dans la vie des enfants protégés"

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Marianne Maximi : « Il faut sortir d’une austérité budgétaire sur la protection de l’enfance »

Pour Marianne Maximi, il est impératif de redonner des moyens au secteur de la protection de l'enfance, afin de pallier notamment la saturation des dispositifs d'accueil.

Crédit photo Marta Nascimento
Après la tenue des élections législatives anticipées, les députés nouvellement élus vont devoir s’atteler à des chantiers laissés en suspens, notamment en protection de l’enfance. Pour Marianne Maximi, réélue dans la 1re circonscription du Puy-de-Dôme, l’objectif est clair : « faire émerger la question du droit de l’enfant dans le débat politique ».

ASH : Quelles sont, selon vous, les urgences à traiter en priorité à l’Assemblée nationale en protection de l’enfance ?

Marianne Maximi Il faut vraiment remettre en place la commission d’enquête sur les manquements des politiques de protection de l’enfance arrêtée par la dissolution, et reprendre les travaux là où on était. Je pense que c'est l'un des outils les plus immédiats et les plus concrets qu'on puisse avoir pour faire avancer la situation.

Pendant deux ans, nous avons auditionné de nombreux acteurs, et tous partagent le même constat : nous sommes dans une situation d'urgence, d'effondrement de toute la chaîne de protection de l'enfance, qu’il s’agisse des situations de double vulnérabilité, des mineurs non accompagnés (MNA) ou des questions de sortie de l’aide sociale à l’enfance.

On voit d'abord que la question de l'emploi, catastrophique, doit être traitée en urgence. A la fois pour lutter contre le manque d'attractivité de ces métiers mais aussi pour résorber la pénurie de professionnels formés et diplômés dans les foyers et les services de protection de l'enfance. Aujourd'hui, on est face à un cercle vicieux : quand on est mal formé, on accompagne mal des enfants, dans des conditions qui sont déjà compliquées.

Ensuite, il faut des moyens. Parce que la bataille qui va se mener dès la rentrée, c'est celle des financements. On a besoin aujourd'hui de sortir d'une austérité budgétaire sur la protection de l'enfance. L'année dernière, le budget était en baisse, alors qu'on sait que les besoins explosent. Tous les dispositifs sont saturés, de nombreuses structures sont en sous-effectif, notamment en pouponnières. Donc, les moyens doivent impérativement être à la hauteur des besoins.

Je veux que cette rentrée soit centrée sur les droits de l'enfant. Que chaque politique publique dont on discute à l'Assemblée nationale s'interroge sur ce que cela implique pour les plus jeunes, parce qu’on se rend compte que plus on dégrade la situation des adultes, plus les enfants sont impactés.

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Avez-vous commencé à travailler sur des textes ?

Pendant deux ans, nous avons travaillé sur beaucoup de textes. Mais nous attendions que la commission d'enquête aboutisse pour les déposer.

J'en ai déjà présenté certains. D'autres sont prêts à être proposés de manière transpartisane. Un décret, élaboré avec d’autres parlementaires et les associations d'employeurs, est déjà rédigé et va être déposé dès la rentrée : il vise à mettre en place des taux et des normes d'encadrement dans les structures de protection de l'enfance. C’est un premier levier à activer le plus vite possible pour faire en sorte qu'il y ait des adultes formés, compétents et en nombre suffisant pour accompagner tous les âges de l'enfance. 

D'autres modifications législatives me semblent prioritaires. Par exemple, l'abrogation de Parcoursup dans les IRTS (instituts régionaux du travail social) qui constitue aujourd'hui un vrai frein à la formation d'éducateurs spécialisés, créant du même coup une pénurie de professionnels.

Enfin, d'autres mesures sur lesquelles nous avons travaillé avec les membres de la commission d'enquête de l'époque sont en préparation. Nous allons essayer de les remettre sur la table. Mais avec le flou politique de l'Assemblée, ce n’est pas évident d'avancer.

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La question de la décentralisation de la protection de l’enfance continue également de faire débat. Quelle est votre position ?

La France Insoumise plaide pour recentraliser la protection de l’enfance. Dans toutes les auditions que j'ai pu mener, seule ou avec la délégation aux droits de l’enfant, nous nous sommes rendu compte que l'idée chemine aussi chez des associations et les magistrats. En tout cas, il y a consensus pour dire qu'il n’est pas acceptable que, dans un pays comme le nôtre, en 2024, il y ait autant de politiques de protection de l'enfance qu'il y a de départements.

Certains ne sont pas pour une recentralisation en tant que telle, c'est-à-dire qui consisterait à retirer totalement la compétence aux départements. De mon côté, plus je travaille sur ce sujet, plus je suis convaincue que c'est un sujet fondamental, sachant que des départements économisent volontairement de l'argent sur la protection de l'enfance. Ou se servent de ce dispositif pour l’instrumentaliser politiquement. Comme par exemple sur la question des MNA, pour laquelle certains départements affirment depuis deux ans ne plus en accueillir parce qu'ils seraient, selon eux, responsables de la crise de la protection de l'enfance. Il n'est pas possible que l'Etat ne puisse rien faire dans ces cas-là. Nous sommes confrontés à tellement de disparités et d'inégalités qu'il faut impérativement reconstruire une politique nationale.

Il est nécessaire que l'Etat reprenne son rôle de garant des fonctionnements des politiques publiques. La décentralisation fait qu'il s'est désinvesti et désengagé. Résultat, à l'heure actuelle, certains départements volontaristes font ce qu'ils peuvent et essaient de mettre des moyens en protection de l'enfance. Tandis que d’autres adoptent des choix budgétaires différents : tout en prétendant qu’ils n’arrivent plus à assumer cette dépense, ils investissent dans des domaines qui ne sont pas de leur compétence.

Nous avons aussi besoin de dégager des financements pour mettre en place des contrôles, car nous sommes vraiment face à un vide au niveau national à ce sujet. 

 

Pas moins de 500 postes vont être supprimés à la PJJ, quelles conséquences cela va-t-il entraîner selon vous ?

Ces personnes, dont les contrats ne vont pas être reconduits, souvent référentes de parcours en PJJ, avaient élaboré des accompagnements, des projets éducatifs avec des enfants, avec qui elles avaient construit une relation de confiance. Brusquement, elles doivent s'arrêter. Certaines, que j'ai rencontrées, n'auront plus de contrat le 1er septembre .

Ce qui est scandaleux, au-delà de cette saignée de postes, c'est que les choix politiques du gouvernement vont aggraver la situation de la PJJ. Nous savons qu’il y a aujourd'hui un besoin énorme d’éducateurs compétents et formés pour accompagner des jeunes en difficulté. Ce sont des pertes de postes très concrètes, et dans la vie des enfants protégés, cela sera une catastrophe.

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Par ailleurs, Gabriel Attal a annoncé un gel du budget qui risque d’être problématique…

Cela va aggraver la situation. Nous sommes vraiment dans un moment de bascule. Quand je parle d’effondrement, ce n'est pas par abus de langage : c'est la stricte réalité. Ce gel budgétaire est décidé alors que nous avons besoin de moyens pour investir, que ce soit dans le secteur de la PJJ comme de celui de l'aide sociale à l'enfance. Là, c'est tout le contraire qui se passe et c’est vraiment dangereux.

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