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Loi « Taquet » : « Le projet de décret revient à maintenir le statu quo » (Marianne Maximi)

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Marianne Maximi, députée LFI, au Palais Bourbon en janvier 2024.

Crédit photo Marta NASCIMENTO
Le suicide d'une adolescente placée à l'ASE dans un hôtel du Puy-de-Dôme a provoqué de nombreuses réactions... et un projet de décret de la loi « Taquet » de la part du gouvernement pour interdire les hébergements hôteliers des enfants placés. Mais pour la députée insoumise Marianne Maximi, ce décret tardif est entaché de multiples défauts à commencer par l'habilitation des hôteliers sur simple déclaration. 

Marianne Maximi, éducatrice spécialisée devenue députée LFI du Puy-de-Dôme lors des dernières législatives, est l’une des cosignataires, avec neuf autres députés de gauche, d’un courrier adressé à Catherine Vautrin, la nouvelle ministre des Solidarités. Dans ce courrier, les élus contestent un projet de décret sur « l’interdiction d’hébergement en hôtel des enfants placés au titre de la protection de l’enfance ». Ce texte intervient après le suicide d’une adolescente placée à l’ASE le 25 janvier dernier alors qu’elle séjournait dans un ex-hôtel… Un drame survenu dans la périphérie de Clermont-Ferrand et dans le département de Marianne Maximi.

ASH : Comment réagissez-vous à ce décès et que symbolise-t-il ?

Marianne Maximi : J’ai de la tristesse et beaucoup de colère. Ce décès symbolise l’inaction de l’Etat vis-à-vis des enfants protégés. On assiste à beaucoup de communication et peu d’actes. La loi « Taquet » offrait certes un cadre législatif visant à interdire le placement à l’hôtel des mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance. Mais comme les décrets d’application n’ont pas été publiés…

Cette adolescente pouvait-elle être hébergée à l’hôtel ?

En théorie, trois critères excluaient cette jeune fille de ce type de placement. Sa fragilité, le fait qu’elle ait moins de 16 ans et le fait qu’elle ait été hébergée plus de deux mois (d’août 2023 à son décès, le 24 janvier, ndlr).

Le conseil départemental du Puy-de-Dôme se couvre, en expliquant qu’il ne s’agit pas d’un hôtel mais d’une résidence ou d’un lieu d’hébergement pour mineurs, qui avait signé une convention avec la collectivité. Mais cela reste un hôtel, avec son nom inscrit sur la façade, situé dans une ville périphérique. Ce n’est pas anodin d’y laisser une adolescente sans équipe éducative. Même sans décret d’application, son placement à l’hôtel était hors des clous.

>>> Lire aussi : Pas de mineurs à l’hôtel : « Une bonne intention mais hélas inapplicable », selon Départements de France

A qui la faute ?

A l’Etat qui ne se donne pas les moyens d’appliquer sa loi. Et aux départements, en général, qui ne se bagarrent pas à la hauteur des besoins. C’est à l’image de tous les services publics qui s’effondrent, et que rien ne stoppe. Si l’on observe le degré d’application des lois, les moins appliquées sont celles qui concernent les enfants. La loi « Taquet » est ainsi la sixième la moins appliquée depuis 2007.

Comment l’expliquez-vous ?

Ces retards d’application sont liés essentiellement aux blocages des départements. Charlotte Caubel, l’ancienne secrétaire d’Etat chargée de l’enfance, avait dit, à demi-mots, que les négociations étaient difficiles et occasionnaient de nombreux allers-retours. La protection de l’enfance embarrasse les départements, et notamment l’association Départements de France, qui met en cause la hausse importante des mineurs non accompagnés. Mais cette situation est surtout due à l’impréparation des départements, qui maintiennent ces fausses solutions que sont les placements hôteliers.

>>> Lire aussi :  Loi « Taquet » : « La protection de l’enfance n’est pas une priorité gouvernementale »

Vous avez pris connaissance du projet de décret, en date du 2 février. Le gouvernement est-il en train de détricoter la loi ?

Il adopte des dérogations à sa propre loi. Ce projet prévoit qu’un hôtelier soit habilité, sur simple déclaration au conseil départemental, pour accueillir des enfants placés. Le préfet aurait alors jusqu’à 13 mois, sans contrôle dans l’intervalle, pour refuser l’habilitation. En matière d’encadrement, le texte ne prévoit qu’une surveillance de nuit et pas de professionnels formés. Enfin, il ne précise pas dans quelles conditions s’appliquera la limitation à deux mois du placement en hôtel. Les départements pourront-ils dès lors procéder à plusieurs placements de deux mois ? Ces dispositions reviennent presque à maintenir le statu quo.

J’attends de voir si un nouveau projet de décret est proposé et s’il est dans la même veine. Mais il est évident que lorsqu’on lâche sur les droits des enfants étrangers, comme c’est le cas avec les mineurs non accompagnés, il faut arrêter de croire que cela peut arranger le sort des autres enfants.

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