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Loi « Taquet » : « La protection de l’enfance n’est pas une priorité gouvernementale »

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Christophe Daadouch est docteur en droit et formateur auprès de travailleurs sociaux.

Crédit photo DR
Adoptée le 7 février 2022, la loi relative à la protection des enfants, dite loi « Taquet », est censée améliorer les conditions de repérage, d'accueil et d'accompagnement des enfants relevant de l’aide sociale à l'enfance. Mais à ce jour seuls 12 des 27 décrets prévus ont été publiés. Une situation « incompréhensible » pour Christophe Daadouch, docteur en droit, formateur auprès de travailleurs sociaux et co-auteur de l’ouvrage « Protection de l’enfance. Un droit en mouvement » (éditon Berger Levrault) , paru fin mars 2023.

ASH - Comment expliquer la situation actuelle ?

Christophe Daadouch : Légalement, le gouvernement n’a pas de date précise à respecter. Mais ce n’est pas Legifrance qui a inventé le calendrier, les dates avancées sont celles du gouvernement. C’est donc assez incompréhensible. Si, juridiquement, on ne peut pas s'opposer à cette absence de publication, politiquement, cela interroge. Ce n’est qu’une question d’arbitrages politiques. La protection de l’enfance n’est pas une priorité gouvernementale. La preuve ? Sur certains sujets, les textes d'application sont prêts avant même la loi. Cela a été le cas avec le nouveau code de la justice pénale des mineurs. Lorsqu'il est entré en vigueur, les décrets ont été publiés le jour même. Ici ce n’est pas le cas et cela met tout le monde dans l’embarras.

Par exemple, la loi Taquet prévoit une période de répit avant le début de l’évaluation de minorité d’un enfant et son entrée dans une structure de protection de l’enfance. Un décret devait suivre pour définir les modalités de cette période de répit. Il n’y a donc pas d’enjeu technique derrière pour justifier sa non-publication. Ce n’est qu’une question politique.

Si la loi n’est pas applicable alors il fallait s’y opposer. Et si elle est juridiquement impossible à appliquer, le Conseil constitutionnel aurait pu la bloquer.

Quelles sont les conséquences pour les publics cibles ?

Elles sont multiples. Par exemple, la loi « Taquet » dit que tous les projets d'établissements et services doivent être revus pour mettre en place un volet « prévention de la maltraitance ». Un décret devait en définir certains aspects. Les usagers ne sont pas dans l'attente de ce texte mais sa publication entraînera nécessairement une amélioration de leur prise en charge.

De leur côté, les professionnels doivent s'organiser sans ces textes. Par exemple, le 7 février 2024, deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, il ne doit, en principe, plus y avoir d'enfants à l'hôtel, sauf exception. Prise après la publication d’un rapport de l’Igas, cette disposition prévoyait une période transitoire, entre 2022 et 2024, au cours de laquelle étaient mises en place des normes d’encadrement et de formation. Un décret était censé fixer ce cadre transitoire. A ce jour, le texte n’est toujours pas sorti et les professionnels ne sont donc pas formés.

Dernier exemple : la question des audiences en assistance éducative. La loi « Taquet » donne la possibilité aux juges des enfants de renvoyer, sur les cas complexes, à des audiences collégiales, en s’appuyant sur l’avis de deux autres juges. Une disposition très intéressante et qui, à la lecture du texte de loi, ne nécessite pas de décret. Certains juges ont donc commencé à la mettre en pratique. Mais sur Legifrance, face à cette disposition, il est indiqué qu’un décret est attendu pour décembre 2022. Ce qui a provoqué une incompréhension chez les acteurs du secteur. Par conséquent, certains magistrats mettent en place ces audiences collégiales et d'autres attendent le décret. C'est le pompon !

De quels moyens disposez-vous pour faire avancer les choses ?

Je dois prendre contact avec les réseaux associatifs afin d’envisager un recours au Conseil d’Etat pour non-publication de décrets dans des « délais raisonnables ». Cela permettrait d'engager la responsabilité du gouvernement. Mais je ne sais pas si les acteurs du secteur oseront aller jusque-là. D’autant plus que son étude peut prendre du temps. Sauf à faire une procédure d'urgence qui montre qu'il y a des préjudices immédiats dans la non-application de ces décrets. Ce qui suppose un travail technique mené par des avocats.

Cela dit, le Parlement peut aussi dénoncer l'exécutif à ce sujet. J’aimerais bien que les politiques qui ont voté ce texte se penchent dessus et regardent comment cette réforme a été « déconstruite ». Pour un certain nombre de lois, la mise en œuvre du texte est évaluée à fréquence régulière. Ce n’est pas le cas ici. C’est malheureux.

 

Mise à jour du mercredi 4 octobre : un nouveau décret vient de paraitre qui précise  les modalités de désignation des assesseurs de la formation collégiale, le rôle des administrateurs ad hoc et l'oganisation de la médiation familiale : Loi « Taquet » : un nouveau décret précise la mise en place de mesures éducatives

Protection de l'enfance

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