Adeline Deszez n’est pas près d’oublier sa récente participation au groupe « famille-professionnels ». Ce jour où elle a écouté, tétanisée, une mère qu’elle n’avait jamais rencontrée raconter son premier échange téléphonique avec la Mecs Coste, à Nîmes. « Elle décrivait une intervenante sèche, agressive. Soudain, je me suis décomposée : je venais de comprendre qu’elle parlait de moi, se désole l’éducatrice spécialisée. Je regardais cette pauvre dame, tellement désolée. Alors que j’essaie de paraître plein d’assurance, pour rassurer, encadrer les parents, je me suis rendu compte qu’eux voient des personnes trop sûres d’elles, dogmatiques. »
C’est ce type de malentendu qui a décidé l’équipe éducative de la maison d’enfance à créer, il y a sept ans, ce groupe d’échange. Un dispositif annuel qui réunit chaque mois les proches des enfants confiés qui le souhaitent et les membres de la Mecs pour partager un verre dans un lieu neutre. « Nous ne sommes plus dans une démarche d’évaluation, mais dans une conversation d’humain à humain, de maman à maman, raconte Adeline Deszez. Pour établir un équilibre, nous veillons à être le même nombre de professionnels que de parents. »
Informel, l’échange prend la forme d’une conversation à bâtons rompus. Météo, actualité, échange d’expérience entre parents, difficultés de la vie quotidienne, recettes de cuisine… Tout sujet peut être abordé. « J’avais besoin de considérer les familles, de comprendre comment elles vivaient nos interventions pour gagner en compétence, estime Solen Lyon, éducatrice. Ça bouscule et impacte nos pratiques, mais le panel de solutions s’enrichit à chaque échange. »
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Faut-il toquer à nouveau à la porte d’entrée lorsque personne ne répond ? Une fois à l'intérieur, doit-on enlever ses chaussures ou les conserver ? S’asseoir ou rester debout ? Caresser le chien ou l’ignorer ? Autant de détails en apparence anecdotiques, mais qui restent cruciaux pour éviter la violence d’une intervention ressentie comme trop intrusive et l’instauration d’un climat de défiance entre les intervenants.
« Ma première rencontre avec une éducatrice a été catastrophique. Elle ouvrait mes placards, soulevait les draps, j’avais l’impression qu’on violait mon intimité, raconte une mère dont les enfants ont été placés pendant quatre mois. Pendant longtemps, dès qu’une nouvelle éducatrice apparaissait, j’avais peur qu’elle me juge et prenne mes enfants. Le groupe m’a aidée à prendre confiance en moi, à voir que je n’étais pas seule dans mon cas. Aujourd’hui, j’ose échanger sans appréhension. »
L’objectif : libérer la parole pour déconstruire les représentations de l’autre et rééquilibrer la relation entre les professionnels et les parents. Et, à terme, adopter des pratiques plus adaptées à une collaboration efficace. « Ce groupe a un but, résume Julie Rieussec, éducatrice spécialisée. Nous aider à mieux les aider. »
Notre série sur les bonnes pratiques avec les familles
Un "sociogénogramme" pour niveller les relations (2/6)