La ministre déléguée chargée de l’enfance avait choisi Nantes, ville où elle est élue conseillère municipale, pour la première étape de sa tournée France Familles. Une série de déplacements liés aux enjeux de la famille, de la petite enfance et de la parentalité. La visite de trois jours s’est soldée par une rencontre à l’hôtel du département, avec son président Michel Ménard, lors de laquelle l’élu socialiste lui a remis une lettre ouverte, publiée le matin même dans Presse Océan. Dénonçant « un système à bout de souffle », il brocarde l’inaction de l’Etat et appelle à des mesures d’urgence.
En septembre 2023, rappelle-t-il, 25 présidents de département demandaient dans une lettre ouverte à Charlotte Caubel, la précédente secrétaire d'Etat chargée de l’enfance, la mise en place d’états généraux de la protection de l’enfance.
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« Nous attendons toujours une réponse à ce cri d’alarme pour que la protection de l’enfance devienne LA priorité nationale promise par Emmanuel Macron, écrit le président du département. Il est urgent d’impulser une dynamique nationale pour répondre à cette crise conjoncturelle et structurelle. »
Le département défend « ses engagements politiques » et le « travail colossal des professionnels ». La collectivité « n’a cessé d’augmenter ses moyens d’intervention (+ 79 millions d’euros depuis 2021), de créer des places (266 places depuis le début du mandat), de faire évoluer les pratiques et les conditions de travail. Tous ces efforts ne suffisent pas à répondre à l’ensemble des besoins », estime Michel Ménard.
Santé, éducation, Ciivise…
Considérant que protéger un enfant ne relève pas du seul accompagnement social, l’élu renvoie l’Etat à ses responsabilités en matière de santé : « Faute de place dans les établissements relevant de l’Etat, ces enfants sont orientés vers des structures aux solutions inadaptées à leurs besoins. En palliant constamment les carences de l’Etat en matière de santé publique, c’est tout le système qu’on fragilise. »
Il pointe encore ses responsabilités en matière de scolarisation et d’accès à l’éducation : « Aujourd’hui, ce droit n’est pas respecté pour tous les enfants, en particulier les enfants à besoins multiples. » Ses responsabilités face à la crise des vocations que connaît le secteur social : « Nous avons besoin de transformations nationales rapides des modalités de formation et d’exercice pour garder les professionnels et redonner aux jeunes l’envie de s’investir dans ces professions. »
Dernière banderille : l’écoute des enfants. « Il est indispensable de rétablir la Ciivise (Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) pour le besoin de reconnaissance des victimes et pour faire évoluer les politiques publiques. »
« Les solutions, conclut le président du département, existent mais les départements ne peuvent et n’ont pas, à eux seuls à transformer en profondeur cet écosystème en crise. »
« Un département qui tenait bien la barque »
Ces derniers mois, confronté à la difficulté de boucler son budget, le département avait supprimé des dispositifs extra-légaux, suscitant la fronde du secteur.
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Dans deux enquêtes successives, publiées le 18 et le 24 avril, le site d’investigation local Mediacités décrit un secteur « à l’agonie », qui compte, malgré une décision du juge, près d’un millier d’enfants en attente de suivi. Dans un second volet, le média s’intéresse aux « dérives » de la maison d’enfants de Bethléem. Illustration de toutes « les difficultés du secteur », l’enquête révèle que des enfants sont logés au camping.
« La Loire‐Atlantique était jusqu’ici un département qui arrivait à tenir plutôt bien la barque, expliquait le vice-président de l’association Les oubliés de la République, Lyes Louffok, dans un entretien croisé avec la ministre déléguée Sarah El Haïry, publié mercredi par le même média. Partout c’est une catastrophe. Des départements plutôt épargnés par la crise de la protection de l’enfance commencent eux aussi à sombrer. »