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Législatives : le sort des mineurs isolés en ballotage défavorable

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Sur ce tract de la majorité présidentielle, la "reprise en main des MNA " est intégrésedans le programme sur la sécurité, pas dans la section sur les enfants. 

Resteront-ils encore longtemps dans le giron des départements ? En déclarant vouloir « un meilleur contrôle » et « une reprise en main par l’Etat » des mineurs non accompagnés, Emmanuel Macron grossit les rangs des partisans de la fin de l’accueil en protection de l’enfance. Décryptage des enjeux avec MSF France et La Cimade.

Il n’avait jusqu’à présent pas cédé aux appels du pied de la droite. Son ancienne secrétaire d’Etat à l’enfance, Charlotte Caubel, l’avait dit à plusieurs reprises : un enfant, fusse-t-il étranger, reste un enfant, relevant nécessairement de la protection de l’enfance. Cette fois, Emmanuel Macron a envoyé un signal clair à tous ceux qui réclament le transfert, des départements vers l’Etat, de la compétence de l’accueil des mineurs non accompagnés (MNA).

Lors de sa conférence de presse, le 12 juin dernier, le président de la République a affirmé vouloir « prendre des décisions simples comme la reprise en main par l’Etat et le meilleur contrôle de la question des mineurs non accompagnés qui, dans tant de villes, sont un problème de sécurité ». Une proposition reprise quelques jours plus tard dans le premier tract de campagne du parti Renaissance, sous la thématique « Sécurité ».

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« Associer les MNA et l'insécurité est cynique et indigne », a aussitôt réagi sur X Médecins sans frontières (MSF), qui assure une assistance juridique des jeunes non reconnus mineurs, en recours. Le chef de la mission France, Xavier Crombé, interrogé par les ASH, rappelle que le Sénat, lui-même, a expliqué dans un rapport de 2021 que « les jeunes délinquants en errance présentent un profil sociologique distinct des MNA pris en charge par l'ASE ».

« Le président de la République joue sur une représentation stigmatisante qui mélange les fantasmes sur la jeunesse des banlieues, sur une infime partie des MNA en situation de rue, et sur ceux pris en charge dans le cadre de l’ASE. C’est de la pure essentialisation, fustige Xavier Crombé. Pour des raisons politiques, les MNA sont devenus les boucs émissaires de l’augmentation des charges de l’aide sociale à l’enfance, accusés d’être responsables de l’insécurité. »

Les termes du débat

La controverse ne date pas d’hier. Si le Rassemblement national veut mettre purement et simplement fin à l’accueil des MNA, comme l’affichait son programme en 2022, d’autres, notamment parmi les élus Les Républicains, réclament une recentralisation de l’accueil. Avec des nuances…

Aujourd’hui, les départements ont la charge d’évaluer la minorité et l’isolement des enfants étrangers. Si ces deux conditions sont réunies, ils ont la responsabilité de les protéger dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance (ASE). L'Etat vient en soutien de la collectivité en finançant l’évaluation – à hauteur de 500  – et la mise à l’abri – 90 € par jeune et par jour dans la limite de 14 jours.

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L’association Départements de France, présidée par François Sauvadet (LR), a exprimé à plusieurs reprises le souhait que l’Etat prenne en charge l’organisation et le financement de toute la période de l’évaluation et de la mise à l’abri. Ce fut le sens également d’amendements de sénateurs Les Républicains lors de l’examen du projet de loi « asile et immigration ».

D’autres voix se sont élevées contre la prise en charge des mineurs par la protection de l’enfance. Dès 2023, des départements comme le Territoire de Belfort ont limité l’accueil des MNA. Son président Florian Bouquet (LR) estimait ainsi dans nos colonnes que ces jeunes devraient relever « de la politique migratoire » et « des dispositifs d’insertion, d’accès à l’emploi et au logement ».

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Le débat, donc, n’est pas nouveau. Mais le ralliement de Renaissance le place, plus que jamais, sur le devant de la scène. Hormis le Nouveau Front populaire, les principaux partis engagés dans la course aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet ont tous – avec des nuances donc – exprimé le souhait que les MNA ne relèvent plus de la protection de l’enfance.

Risque de violation du droit international

Une idée que combattent la quasi-totalité des acteurs de la protection de l’enfance et du soutien aux exilés. A commencer par La Cimade, pour qui, avant d’être des étrangers, ces jeunes sont des enfants qui doivent, sans distinction d’origine, être protégés.

« Ne pas le faire serait contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide) », relève Violaine Husson, responsable des questions « genre et protections » à La Cimade. Elle rappelle que l’Organisation des Nations unies a d’ailleurs épinglé la France à plusieurs reprises en 2023, pour manquement à ses obligations de protection, comme le détaille l’association sur son site.

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« Il existe deux régimes de protection pour les étrangers, explique Xavier Crombé à MSF : la demande d’asile, qui consiste à protéger la personne parce qu’elle est en danger dans son pays, et la protection du fait de la minorité. C’est cette dernière qui serait refusée aux MNA alors même qu’ils sont des enfants. »

La PJJ en guise d’aide éducative

Et si tel était le cas, si demain les mineurs non accompagnés devaient relever de la politique migratoire, rien ne garantirait qu’ils soient hébergés dans le cadre du dispositif national d’accueil tant celui-ci est saturé.

Qui pour prendre en charge l’aide éducative de ces jeunes ? Aujourd’hui, le dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation est coordonné par le ministère de la Justice, via la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui comptabilise notamment le nombre de MNA suivis par les départements (19 370 à fin 2023). Les services, qui suivent les mineurs en conflit avec la loi, seraient-ils demain en charge du suivi des MNA ? « Cela signifierait que, quels que soient leurs actes, les MNA seraient renvoyés du côté de la PJJ sur le seul motif qu’ils sont étrangers », explique Xavier Crombé.

Une évaluation expéditive

Enfin, dernière hypothèse : seules l’évaluation de la minorité, la mise à l’abri et l’orientation deviendraient une compétence de l’Etat, l’accompagnement restant une prérogative des départements. « Les majeurs sortiront tous majeurs, prédit Violaine Husson. On voit déjà à l’œuvre cette logique sur les espaces frontaliers avec les protocoles d’appréciation de la minorité. Ils se déroulent dans les locaux de la police aux frontières, avec des personnes non formées, qui remettent sans délai des obligations de quitter le territoire français (OQTF). »

Pour la responsable de La Cimade, cela ne fait aucun doute : « Le transfert de compétences serait tout simplement catastrophique. »

Protection de l'enfance

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