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Le soutien à la parentalité sort-il renforcé de la crise ?

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Le confinement imposé par l’épidémie de Covid-19 a mis en lumière les relations parents-enfants et souligné le besoin de soutien parental, parent pauvre de la politique de la famille depuis les années 2000. Pour répondre à l’urgence, certains dispositifs se sont adaptés et de nouveaux sont apparus, de nature à être pérennisées.

Le confinement et la déscolarisation soudaine dus à la crise sanitaire ont eu, pour Sylviane Giampino, présidente du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge(1), un effet inédit : « D’un jour à l’autre, l’Etat a rendu les enfants à la responsabilité de leurs parents, ce qui a révélé l’importance de la prise en charge institutionnelle des enfants dans notre pays (école, périscolaire, loisirs, culture). Le Covid a agi comme un verre grossissant sur la relation parents-enfants et fait apparaître à la fois des capacités parentales totalement inattendues, dans un tel contexte d’anxiété ; mais encore la manière dont le huis clos familial peut être chargé de pathologies potentielles, de violence, de dépression. » L’étude « Coclico » a ainsi relevé qu’un tiers des adultes montrait des signes de détresse psychologique sérieux pendant le confinement, et majoritairement les femmes, qui s’occupent le plus souvent des enfants. « Nous avons subi un traumatisme collectif, et il faut se préparer à veiller au bon développement de ces enfants, qui réagissent souvent avec retard », ajoute la psychologue.

Un travail de fourmi

Une nécessité de prévention et d’accompagnement d’autant plus importante que, pendant la crise, les structures traditionnelles de soutien comme la PMI (protection maternelle et infantile) ont été le plus souvent paralysées. Déjà très affaiblis par leur manque de moyens depuis le début des années 2000 – comme l’a montré le rapport « Peyron » de juin 2019 –, les centres de PMI ont dû fermer leurs portes et ne maintenir, dans le meilleur des cas, qu’une ou deux permanences sur rendez-vous pour les urgences alimentaires.

Historiquement, le soutien à la parentalité repose sur un maillage complexe de services nationaux, départementaux et d’acteurs associatifs locaux subventionnés par les caisses d’allocations familiales (CAF), les conseils départementaux et les municipalités, qui collaborent d’une façon plus ou moins efficace selon les territoires.

Conscientes du désarroi des parents, certaines associations se sont adaptées, comme Enfant présent, qui accompagne 300 familles au sein de ses crèches préventives. « Dès l’annonce du confinement, nous avons mis en place la plateforme téléphonique STP[2] pour les familles que nous suivons, pour maintenir le lien et continuer à les soutenir dans ce contexte inouï », explique Arnaud Gallais, président de l’association. « Très vite, on s’est rendu compte que beaucoup de parents avaient des questions, et l’Afirem (Association française d’information et de recherche sur l’enfance maltraitée) nous a rejoints pour ouvrir dès le 7 avril la plateforme à tous, de façon anonyme et gratuite. Concrètement, des écoutants bénévoles – pédiatres, travailleurs sociaux, psy, juges – répondaient aux demandes. »

Aide alimentaire (50 % des appels), accès au soin, soutien psychologique, questions juridiques pour les parents séparés et ceux d’enfants placés… L’ambition de la plateforme pluridisciplinaire est alors de répondre au cas par cas et de proposer des solutions concrètes par le biais de mises en relation avec les acteurs locaux qu’elle identifie sur les territoires. Un travail de fourmi, car il n’existe aucun recensement national des relais de soutien parental, ni de l’aide alimentaire et sociale.

« Notre inquiétude principale était pour les plus démunis, reprend Arnaud Gallais. On s’est mis en lien avec le Samu social, Emmaüs, la Fédération des acteurs de la solidarité pour qu’ils diffusent notre numéro. Il y avait aussi des jeunes mères qui ne savaient pas où faire vacciner leur nouveau-né, des parents qui craquaient et d’autres qui demandaient simplement des activités pour occuper leurs enfants. »

L’association souhaite aujourd’hui pérenniser ce numéro d’appel au-delà de l’été : « La crise a mis un coup de projecteur sur des besoins qui existaient déjà. Il est essentiel de donner aux personnes qui ne font pas spontanément appel à des professionnels l’envie d’appeler ou de se rendre sur les lieux d’accueil, où elles ne seront pas jugées mais soutenues. »

 

« Le téléphone ne remplace pas la présence »

Un combat mené depuis vingt ans par la psychologue Sophie Marinopoulos(3), fondatrice des « Pâtes au beurre », espaces solidaires d’accueil de familles autour d’un repas, implantés dans une dizaine de villes de France. L’association éponyme s’est aussi adaptée à la situation en mettant en place une ligne pendant toute la durée du confinement(4). Bilan : 660 heures d’écoute par les psychologues et psychomotriciens de l’association, pour ne plus se sentir seul ni se retrouver livré à ses angoisses. « On sait que le téléphone ne remplacera jamais la présence, mais c’est une forme de présence parfois nécessaire ponctuellement, notamment pour les familles rurales, plus isolées. C’est pourquoi, malgré la réouverture de nos lieux, nous tenons à maintenir quelques créneaux téléphoniques, pour ce public. »

Le concept de ligne téléphonique à destination des parents et parfois des professionnels, qui refleurit aujourd’hui, n’est pas nouveau : la première ligne « Inter service parents », créée sous l’égide de l’Ecole des parents et des éducateurs, date de 1971. L’association de jeunesse et d’éducation populaire a d’ailleurs elle aussi lancé pendant le Covid un numéro spécial : « Allô parents confinés », qui vient de se transformer en « Allô parents en crise »(5).

Pour Sylviane Giampino, dans ce foisonnement de propositions, il faut bien distinguer ces initiatives gratuites et ouvertes à tous, correspondant à un service public de prévention, du « marché du soutien à la parentalité ». Ce dernier s’est développé au tournant des années 2000 à la faveur des crises économiques successives, majorant l’inquiétude parentale, ainsi que d’une pression croissante sur des enfants que d’aucuns souhaiteraient « 0 défaut, 0 bobo ».

Cette précision donnée, pour Catherine Bottero, directrice adjointe « Enfance et famille » du département des Vosges, les plateformes ne sont intéressantes que si elles sont ancrées localement et que les moyens suivent sur le terrain : « Il n’y a que le local qui connaît son territoire et peut être efficace dans les réponses à apporter aux familles. Le problème majeur est qu’après l’appel, il faut répondre à la demande. Dans notre département rural, par exemple, nous avons des équipes très engagées mais trop peu nombreuses – seulement quatre pédopsychiatres, et nous manquons de puéricultrices, de médecins… Nous n’arrivons pas à recruter. Il faut donner des moyens au terrain pour intervenir en termes d’action sociale, et faire plus de préventif que de curatif. »

L’autre défi consiste à faire travailler ensemble tous les acteurs du soutien à la parentalité (départements, CAF, associations…) pour garantir une couverture efficace d’actions de prévention et de soutien sur chaque territoire. Directrice « Solidarités » du même département, Véronique Marchal l’explique : « Depuis plusieurs années, nous avons impulsé avec la CAF un soutien à la parentalité dans une grande collaboration avec le secteur associatif local, et le souci d’intégrer les parents. L’offre de service – renouvelée chaque année par un appel à projets conjoint – n’est pas standardisée, mais adaptée aux besoins des familles de notre territoire. Nous garantissons ainsi une cohérence d’intervention et la complémentarité des financements. »

« L’ensemble des propositions qui ont construit un réseau d’entraide et de solidarité pendant la crise a été tout à fait formidable pour les parents. Et cet élan va perdurer dans les mois à venir », se réjouit Sophie Marinopoulos.

« Avant le Covid, tous ceux qui pensaient que le soutien à la parentalité était secondaire se rendent compte que c’est un outil majeur de prévention et de bonne santé de notre société, conclut Sylviane Giampino. Si le gouvernement ne place pas dans ses priorités une conduite politique forte de l’enfance et de la jeunesse, ça voudra dire qu’il n’a pas pris acte des enjeux révélés par la crise. »

Notes

(1) Pourquoi les pères travaillent-ils trop ?, de Sylviane Giampino – Ed. Albin Michel.

(2) Soutien téléphonique parental : tél. 01 80 36 97 82 (www.enfantpresent.net).

(3) Un virus à deux têtes, de Sophie Marinopoulos – Ed. Les liens qui libèrent (en vente numérique) – Les droits d’auteur seront reversés à l’association Les Pâtes au beurre (www.lespatesaubeurre.fr).

(4) Psy santé parents : tél. 02 40 16 90 50.

(5) Allô parents en crise : 0850 382 300 (www.ecoledesparents.org).

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